Charte pour la Paix et la Réconciliation : Le nouveau levier de l’option «illimité»
La montagne a accouché finalement du néant ou presque. Après plusieurs mois de laborieux efforts, l’onéreuse «Équipe Pinochet» a rendu un verdict dont on ne se réjouit que pour l’heureux épilogue de ses nombreux avortements autant douloureux que coûteux.

Pour ce qui est du résultat et des objectifs prétendus, les ardeurs cérémonieuses et les habillages protocolaires cachent mal la superfluité d’une démarche jalonnée de péripéties trompeuses et d’entourloupettes. Le projet était en effet tombé dans la désuétude et s’annonçait sans consistance, dès lors que les visées inavouables - qu’elle portait discrètement - ont trouvé leur réponse dans le passage en force d’un certain oukase de prolongation illimitée de la Transition. En clair, l’ancien PM Ousmane Issoufi Maïga a conduit un processus qui n’était utile que pour une besogne devenue manifestement obsolète avec un surprenant mécanisme de substitution : concertation de soi-disant forces vives, modification de la Charte de la Transition par instrumentalisation du CNT, abrogation de la Charte des partis politiques avant leur dissolution, etc.
Nonobstant cette désuétude, les autorités de la Transition n’ont pas tari d’artifices pour magnifier sous d’autres facettes un labeur ayant perdu en utilité et intérêt depuis que la mutilation constitutionnelle, la désacralisation sans fard des vertus démocratiques et l’impitoyable crucifixion des droits et libertés se sont substituées à la pudibonderie dans les manœuvres de conversion d’un pouvoir exceptionnel en régime régulier de fait.
Le ban et l’arrière-ban ont ainsi convergé, la semaine dernière, pour applaudir l’avènement de la dernière-née des remèdes contre un malaise congénital à la République. Pour la circonstance, les recettes et expériences précédentes sont dévaluées, dégradées et ravalées a la dimension de vains efforts et approches inopérants, tandis que le nouveau mécanisme du duo «Pinochet - Goïta» est crédité d’une singulière touche endogène mieux adaptée à la gageure de cohésion nationale. On ne saurait en juger par le contenu encore énigmatique du document, mais pour le cheminement et la démarche adoptée, il y a loin de la coupe aux lèvres, et pour cause. La seule originalité souverainiste pourra difficilement éponger les tares rédhibitoires du projet ou combler son déficit de légitimité inhérent à l’absence de dialogue inclusif ainsi qu’au renoncement à la tradition participative des processus de paix malienne. L’ultime estocade ainsi portée au processus d’Alger préfigure, en définitive, un échec assuré pour une Charte longtemps miroitée comme alternative à la rupture de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Car, en plus de troquer une paix partielle contre des paradigmes fantaisistes et factices aux relents populistes, la posture des autorités amplifie les frustrations par leur extension à des acteurs autres que les protagonistes classiques de la crise malienne. Alors que les armes n’ont pas cessé de crépiter dans le septentrion depuis la reprise de Kidal, il y a deux ans environ, les germes de la crispation et de la division se multiplient et se propagent à une allure irrattrapable par la Charte, depuis l’abolition de l’action partisane au Mali.
Érigée sur les cendres de précieux acquis finalement passés par pertes et profits, celle-ci en devient un processus d’autant plus atypique qu’il obéit à tout sauf une volonté de créer les conditions favorables à un retour à la normalité républicaine. Par-delà la préférence de l’épreuve de force à l’ouverture, du détricotage iconoclaste à la valorisation de l’existant, en dit long également la persistance des plus hautes autorités dans une verdeur belliciste et martiale qui ne fait pas que des adeptes. L’embarras était par exemple lisible et très perceptible sur le regard d’invités de marque gênés aux entournures par leur submersion dans les youyous de rabatteurs apparemment conviés pour assurer l’ambiance, lors de la cérémonie de remise officielle de la panacée pondue par «l’Equipe Pinochet». Et leur malaise se justifie autant par la prédominance d’une rhétorique en deçà des hauteurs régaliennes que par la cristallisation des facteurs de division, sur fond de parallèles historiques inopportuns et de posture en déphasage avec la dynamique sous-tendue.
Seulement voilà : à défaut d’être le vecteur de paix et de réconciliation attendu, la Charte servirait peut-être utile de précieux levier pour entretenir autrement le projet qu’elle avait manqué de colporter : la durée illimitée de la Transition. Il n’y a pas instrument plus inépuisable, en tout cas, pour assurer le relais de la «Refondation» auquel le retour à l’ordre constitutionnel n’a été que trop longtemps suspendu. Pendant les 5 ans renouvelables et même au-delà, sa mise en œuvre va s’imposer comme le baromètre incontournable de la sécurisation intégrale qui conditionne désormais la fin de la Transition.
A. KEÏTA
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