Le Sahel s’émancipe : Trois Premiers ministres, une même rupture face à l’ordre impérial

Ils n’ont pas sollicité la parole. Ils l’ont imposée. À la tribune de la 80ᵉ Assemblée générale des Nations Unies, les chefs de gouvernement du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont fait entendre une voix singulière, grave et résolument affranchie. Celle d’une Afrique qui ne quémande plus, mais qui affirme sa place. Celle d’un Sahel qui ne se soumet plus, mais qui se redéfinit.

30 Sep 2025 - 23:38
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Dans un monde en recomposition, cette voix dérange par sa portée populaire, inspire par son enracinement, et bouscule par sa légitimité.

Ce n’étaient pas de simples discours, mais un manifeste. Une déclaration d’indépendance diplomatique portée par l’Alliance des États du Sahel (AES), qui refuse désormais de plier sous le poids d’un ordre international jugé obsolète et inéquitable. «Nous ne demandons pas la permission d’exister», a lancé Ali Lamine Zeine, Premier ministre du Niger, avant d’ajouter : «Nous ne sommes pas contre le monde, mais nous sommes désormais maîtres de notre trajectoire». Ces mots ont résonné comme une gifle diplomatique dans l’hémicycle feutré de l’ONU.

Jean-Emmanuel Ouédraogo, Premier ministre du Burkina Faso, a affirmé que «l’Afrique ne peut plus être le théâtre des ambitions extérieures». Il a dénoncé les clichés persistants et les discours tronqués qui confinent le continent à une posture d’assisté. «Nous voulons corriger les récits, détruire les stéréotypes et bâtir de nouvelles relations», a-t-il déclaré, appelant à une refondation du multilatéralisme où l’Afrique serait enfin actrice de son destin.

Abdoulaye Maïga, Premier ministre, chef du gouvernement, a porté une parole de fermeté : «Pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité». Il a dénoncé les ingérences, les violations territoriales et les sanctions déguisées, tout en rappelant que «les États du Sahel n’ont pas choisi la guerre, mais se défendent contre une menace imposée». Il a également accusé certains États de «soutenir le terrorisme international» en fournissant des armes et un soutien logistique à des groupes armés actifs dans la région.

Au cœur de cette rupture se trouve une philosophie communautaire, enracinée dans les traditions sahéliennes de solidarité et de gouvernance endogène. Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, a résumé cette dynamique en ces termes : «Il y a une aspiration pour nous prendre en charge, pour plus d’indépendance, de souveraineté et de rupture avec des pratiques qui jurent avec l’intérêt de nos populations».

 

L’AES ne se limite pas à une posture sécuritaire. Elle propose une vision de civilisation. Le Premier ministre malien a annoncé la création d’une Banque confédérale pour l’Investissement et le Développement, destinée à financer des projets structurants dans les infrastructures, l’énergie, l’industrialisation et l’agriculture. Il a également réaffirmé le soutien des pays sahéliens à la position africaine commune issue du Consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte, réclamant deux sièges permanents et cinq non permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU.

Les interventions des Premiers ministres ont été coordonnées dans un rare exercice d’unité stratégique. Portés par une rhétorique de dignité et de résistance, leurs discours ont dénoncé les mécanismes de domination post-coloniaux : sanctions économiques, ingérences politiques, conditionnalités humiliantes. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ne se replient pas. Ils redéfinissent les termes du dialogue international, en exigeant respect, réciprocité et fin des tutelles déguisées.

L’AES ne rejette pas le monde. Elle refuse d’en être le terrain de jeu. Elle se dresse face aux logiques impérialistes et redéfinit elle-même les conditions du dialogue. Elle tend la main aux partenaires sincères, mais avec fermeté. Ce sursaut appelle un soutien massif des intellectuels, des diasporas, des mouvements sociaux et des citoyens africains. Il ne s’agit pas seulement de soutenir trois gouvernements, mais une vision : une armée qui protège sans opprimer, une diplomatie au service des peuples, une culture comme levier de transformation.

Les Premiers ministres du Mali, du Burkina Faso et du Niger n’ont pas simplement parlé. Ils ont dessiné les contours d’une souveraineté africaine assumée. Leur démarche est légitime, leur vision claire, leur rupture salutaire. Une parole qui dérange, une vision qui inspire. Ils ne demandent pas à être compris. Ils exigent d’être respectés. Et dans cette exigence, c’est toute l’Afrique qui retrouve sa voix.

Il appartient désormais au monde — et à l’Afrique elle-même - de choisir : rester dans l’ombre des empires ou marcher vers la lumière d’une souveraineté retrouvée ???

 

L’AUBE / LA RÉDACTION

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