Macky Sall SG de l’ONU : un mauvais signal pour l’institution ?
À peine sorti du pouvoir, Macky Sall fait déjà l’objet de graves accusations au Sénégal. Depuis la passation de relais à Bassirou Diomaye Faye en avril 2024, plusieurs enquêtes officielles et rapports indépendants ont mis en lumière des zones d’ombre dans sa gestion.

L’ancien président est pointé du doigt pour des irrégularités budgétaires importantes, des soupçons de corruption à grande échelle et des décisions politiques controversées, notamment le report de l’élection présidentielle. Cette séquence trouble laisse une empreinte tenace sur son image, à un moment où circulent des rumeurs persistantes sur ses ambitions internationales.
Une candidature qui divise
L’idée que Macky Sall puisse viser le poste de Secrétaire général des Nations Unies à la fin du mandat d’António Guterres en décembre 2026 alimente déjà les débats. Si la démarche n’a pas encore été officialisée, plusieurs sources affirment qu’elle aurait été discutée en privé avec le président français Emmanuel Macron. Ce dernier, selon certains observateurs, n’aurait pas fermé la porte à une telle hypothèse, en ligne avec les discussions antérieures autour d’un poste international destiné à faciliter le retrait de Macky Sall du pouvoir sans prolongation de mandat.
Mais cette ambition se heurte à une série d’obstacles majeurs. À Dakar, la nouvelle administration multiplie les signaux de rupture avec l’ancien régime. Une campagne nationale contre la corruption a déjà conduit à l’incarcération de plusieurs figures clés de son gouvernement. Des personnalités comme Mansour Faye ou Aissatou Sophie Gladima font face à des accusations de détournement de fonds, en particulier autour de la gestion des budgets liés à la pandémie de COVID-19. Le président Faye et le Premier ministre Sonko affichent une volonté claire de juger les responsables présumés, sans épargner Macky Sall lui-même, considéré par beaucoup comme le principal architecte de ces dérives.
Un passé difficile à effacer
Au-delà des dossiers judiciaires, c’est l’héritage politique de Macky Sall qui pourrait peser lourd dans la balance. Entre 2021 et 2024, le pays a connu une série de mobilisations sociales violemment réprimées. Ces épisodes ont fait au moins une soixantaine de victimes, majoritairement des jeunes, dans un climat de défiance croissante envers les institutions. Pour une partie importante de la population, ces morts restent associées aux choix de l’ancien président. Cette mémoire collective fragilise toute tentative de réhabilitation, surtout si elle passe par un poste symbolique comme celui de chef de l’ONU.
À cela s’ajoutent les critiques récurrentes d’organisations internationales. Amnesty International, l’Union européenne ou encore les États-Unis ont à plusieurs reprises dénoncé les atteintes aux libertés publiques, l’usage excessif de la force contre les manifestants et les restrictions imposées aux voix dissidentes durant son mandat. Ces prises de position rendent difficile une éventuelle candidature au nom du consensus multilatéral, pierre angulaire de l’ONU. Comme l’a exprimé récemment Seydi Gassama, directeur d’Amnesty Sénégal, Macky Sall reste, aux yeux de nombreux défenseurs des droits humains, un symbole d’un recul démocratique notable.
Une influence encore intacte à l’international ?
Pour autant, Macky Sall n’est pas sans ressources. Depuis son retrait, il s’est installé au Maroc et a lancé Semmo Holding, un cabinet de conseil destiné à entretenir ses liens avec divers partenaires internationaux. Son passé de président de l’Union africaine, et ses plaidoyers pour une réforme du Conseil de sécurité ou pour l’intégration de l’Union africaine au G20, constituent des arguments qu’il pourrait faire valoir.
Son réseau reste solide. Contrairement à ses successeurs, souvent critiques envers les puissances occidentales, Macky Sall conserve de bons contacts avec Paris, Washington et Bruxelles. Cette proximité diplomatique pourrait jouer en sa faveur, surtout dans un contexte où les grands pays influencent souvent les choix à la tête des institutions multilatérales. Toutefois, la nomination d’un Secrétaire général repose également sur une acceptabilité politique par l’ensemble des membres de l’ONU, et le soutien explicite du pays d’origine du candidat est rarement facultatif. Or, pour une frange importante de la population sénégalaise, le retour de Macky Sall sur la scène mondiale ne serait pas une fierté mais une provocation.
Finalement, même si l’ancien président dispose de soutiens puissants et d’une solide expérience diplomatique, sa candidature, si elle se confirme, risque d’accentuer les tensions internes au Sénégal. Elle poserait également une question de fond pour l’ONU : peut-elle se permettre, dans une période marquée par la remise en cause de son autorité morale, de confier son avenir à une personnalité aussi controversée dans son propre pays ?
Source: https://lanouvelletribune.info/
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