ADO de nouveau candidat pour la présidence : Boulimie du pouvoir ou candide décision?
83 ans et toujours dans le sens de la reconquête du pouvoir ! Alassane Dramane Ouattara est candidat pour sa propre succession dans le scrutin présidentiel qui aura lieu le 25 octobre prochain.

Un scrutin, semble-t-il, qui contient moins de suspense que celui de l’annonce même de sa candidature. Cette dernière déclaration survint trois mois avant le début prévu pour le scrutin. Un laps de temps court pour annoncer le choix d’un dauphin. Est-ce un choix de raison ou de passion ?
L’alternance politique est une grande inconnue dans l’histoire démocratique de ce pays. Depuis 1995, aucun scrutin présidentiel n’a donné lieu à une alternance pacifique. ADO hérita, lors de sa prise du pouvoir, d’un pays où le tissu social était bien mal en point et où la réconciliation nationale était le principal chantier, au-delà même de l’aspect économique. Trois mandats plus tard, une certaine accalmie est au rendez-vous. À l’heure où la Côte d’Ivoire est de plus en plus citée comme un modèle d’essor économique, sur le plan politique, sa stabilité ne tiendrait peut-être qu’à la réélection successive d’ADO qui tient les rênes du pouvoir dans le pays depuis la fin de la crise post-électorale de 2010-2011. C’est en tout cas l’avis de certains analystes. ADO au pouvoir, c’est une certaine stabilité institutionnelle dans un pays où les dissensions communautaires et ethniques restent toujours présentes.
ADO président : Le pouvoir jusqu’au bout, peu importe la fin ?
Sauf qu’un Homme d’État doit aussi savoir soigner sa sortie et surtout préparer la relève avec en toile de fond la mise en place des bases d’une réconciliation forte et pérenne au sein de la population. En définitive, il s’agirait surtout de trouver la bonne balance entre ambition politique et intérêt supérieur de la Nation. Et là, il semblerait que cet aspect de la gouvernance d’ADO fut quelque peu occulté au fil des mandats. La Côte d’Ivoire, pays multiethnique est aussi un État où le communautarisme et le tribalisme constituent une réelle problématique sociale et politique.
D’une perspective à une autre, l’on est soit « Tabouchi » ou « Dioula » parfois assimilé à des descendants d’immigrés venus de pays voisins, du Mali et du Burkina Faso notamment. L’on est musulman et parfois qualifié d’ « étrangers » ou, en tout cas, pas assez ivoirien, par rapport aux « autochtones ». L’on est aussi « Bousmani », qualificatif donné par les autres du « Nord ». Dans ce cas, l’on est plutôt chrétien, différents à tout point de vue de ces autres-là, et surtout, à qui l’on aura sevré des effluves du pouvoir depuis l’arrivée de ADO.
Ouattara au pouvoir, c’est le règne des Dioulas, au grand désarroi des bétés, baoulés et autres agnis.
Le mercure social est-il pour autant une bombe à retardement ?
La clé de voûte est, sans doute, l’arène politique. L’éviction, plus ou moins sur base légale, de Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro de la compétition électorale fait plus de mal que de bien à la réconciliation nationale. Tout ce qui est légal n’est pas forcément de pertinence publique. Et le risque pour ADO est que ce maintien effréné au pouvoir ne finisse par avoir raison de son aura politique, tel un Biden qui aura fait la tentative de trop pour briguer la magistrature suprême.
Souvent, il faut savoir lâcher prise et donner la latitude aux masses de prendre ses propres décisions. Une première alternance démocratique en Côte d’Ivoire, plus de trente ans après la toute première, serait un grand pas pour le pays. Elle serait aussi, une corde supplémentaire à l’arc des réussites des années ADO.
Pour l’élite politique du pays, il faut, à tout prix, éviter les vieux démons d’un passé sanglant et surtout pas si lointain. Au pays de Feu Félix Houphouët-Boigny, alternance démocratique devrait peut-être aussi rimer avec Alternance ethnique.
Réconcilier des positions qui semblent, à priori, irréconciliables, tant sur les plans politique que communautaire, tel est là le chantier le plus ardu et le plus difficile de ADO et des Chefs d’État qui se succéderont dans les années à venir. C’est une manière d’éteindre tout feu d’affrontements, de quelque nature que ce soit, entre les enfants d’un même pays, peu importe leur background ethnique et/ou politique.
Ahmed M. Thiam
Quelle est votre réaction ?






