Promotion politique au Mali : Les députés brisent l’élan des femmes

Tandis que Ségolène Royal ne cesse de s’envoler dans les sondages et que les Tunisiennes fêtent avec éclat les 50 ans de leur libération socio-politique et économique, les Maliennes essuient un cinglant revers à l’Assemblée nationale...

24 Août 2006 - 09:37
24 Août 2006 - 09:37
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Promotion politique au Mali : Les députés brisent l’élan des femmes
 

Tandis que Ségolène Royal ne cesse de s’envoler dans les sondages et que les Tunisiennes fêtent avec éclat les 50 ans de leur libération socio-politique et économique, les Maliennes essuient un cinglant revers à l’Assemblée nationale. Refusant de les satisfaire dans leur volonté d’imposer des quotas sur les listes électorales, les élus de la nation les condamnent à rester toujours du « bétail électoral ».

Les Maliennes sont frustrées et ne décolèrent pas. Et il y a de quoi. Aujourd’hui, la socialiste Ségolène Royal est en train de bouleverser toutes les croyances et de briser tous les préjugés en France. Candidate à l’investiture du Parti socialiste, largement divisé sur la question, cette superbe « pouliche » semble hors d'atteinte dans l'opinion. En effet, selon les derniers sondages, 54 % des Français la plébiscitent pour être la candidate socialiste à l'élection présidentielle. Elle fait ainsi un bond de 12 % par rapport à fin juin 2006. Et comme le soulignent ironiquement nos confrères de Libération, « Ségolène est une femme. Elle est l'arme absolue des socialistes. Dans un parti dominé par les hommes, elle met en avant sa différence, et ce depuis longtemps ».

Au même moment, de l’autre côté de la Méditerranée, les Tunisiennes ont également de quoi jubiler. Comme c’est le cas depuis 50 ans, le 13 août a été férié et largement fêté. Et pour cause. Le 13 août 1956, dans l’euphorie de l’indépendance et avant même l'institution de la Constitution, le président Habib Bourguiba a promulgué un texte d'avant-garde : Code du statut personnel (CSP). Cette révolution dans le monde arabe abolit la répudiation, la polygamie, l’union forcée ou précoce en fixant l’âge minimum du mariage à 17 ans pour les filles. Il instaure également le divorce judiciaire et donne à la femme le droit de se marier sans tuteur.

Depuis, le CSP n'a jamais été remis en cause. Bien au contraire, plusieurs amendements l'ont même renforcé, comme l'abolition de l’obligation d’obéir à son mari ou le droit pour une femme de transmettre son patronyme à ses enfants. En parallèle au Code, les Tunisiennes ont le droit de voter depuis 1956 et celui d’avorter depuis 1973. Et ce samedi 12 août 2006, le président Zine El Abidine Ben Ali a réitéré, devant un parterre de 1200 femmes, son attachement au CSP et a annoncé deux projets de loi : l'un pour renforcer le droit au logement au profit de la mère ayant la garde des enfants et l'autre pour unifier l'âge minimum au mariage, le fixant à 18 ans pour les jeunes des deux sexes. Et même si « la dot existe toujours et l’homme le chef de famille absolu », les Tunisiennes ne cessent de récolter les dividendes palpables de leur combat pour l’émancipation.

Une majorité frustrée

Ce qui est loin d’être le cas de leurs sœurs du Mali. Requinquées par les résultats obtenus dans leur combat de positionnement au sein des partis politiques, les femmes n’avaient rien ménagé pour imposer le genre dans la nouvelle loi électorale. Il était ainsi question de faire en sorte qu’aucun des deux sexes ne dépasse 70 % sur les listes de candidature aux différentes élections.

Le jour du vote de cette loi, les femmes s’étaient massivement mobilisées afin de sensibiliser et de faire admettre le système de quota. Elles ont même rêvé de la victoire après l’accueil triomphal que leur a réservé Ladji Bourama à l’Hémicycle.  Hélas, nos sœurs, filles et mères ont été une nouvelle fois renvoyées à leur statut de « bétail électoral » ! S’abritant dernière des dispositions constitutionnelles, les élus de la nation ont impitoyablement rejeté cette disposition qui aurait permis aux militantes de pouvoir concurrencer réellement les hommes sur les listes électorales.

Les ONG et associations féminines ont une fois fait illusion. Au Mali, la politique reste d’abord « une affaire d’homme » même si aucun candidat ne peut se vanter aujourd’hui de se passer des voix des femmes. Les constituants (misogynes ?) l’ont voulu ainsi. Pouvait-on réellement espérer mieux en sachant que sur 147 députés à l’Assemblée nationale il n’y a que 15 élues ? Et si on tient compte de la règle de la démocratie, c’est-à-dire la voix de la majorité, celles-ci ne peuvent en aucune manière influencer les lois votées au Parlement même si elles vont à l’encontre des intérêts de la couche féminine.

« L’approche genre prend de plus en plus de l’importance dans la vie politique au même titre que dans celle socioéconomique tant au Mali qu’à l’étranger. C’est surtout dans notre pays que cette dynamique est plus active. En effet, les Maliennes, inlassablement, se battent pour leur émancipation, leur indépendance économique et ce à travers des associations de défense de leurs droits », écrivait un confrère cette semaine. Comme leurs sœurs d’ailleurs, elles se sont laissé sans doute prendre au piège de l’apparence et de la démagogie politicienne.

Les femmes sont certes actives dans l’arène politique, mais quelles sont les retombées réelles d’un tel activisme ? Quels en sont les acquis ? Dans ce pays, l'émancipation féminine se fait encore selon la volonté et au rythme souhaité par les époux, les patrons, voire des décideurs politiques pour qui les femmes ne sont que des ascenseurs. Le genre ne devient une réalité que lorsqu’il s’agit de mobiliser des financements extérieurs pour tel ou tel projet. Aujourd’hui, nous avons une femme préfet, présidente de la Cour suprême et patati et patata… Mais, qu’est-ce que cela réellement face à la frustration des Maliennes ? 

Quelle attitude adoptée ?

Ces promotions isolées traduisent-elles réellement une quelconque avancée de la quête de la citoyenneté féminine ? La seule satisfaction est que celles qui sont ainsi promues le méritent au moins ! Mais, combien de femmes méritantes restent toujours dans l’ombre, écrasées par des hommes incapables, par la pression politique ou les préjugés socioculturels ? Puisque l’Assemblée nationale vient de contrarier leur volonté de jouer le rôle de vraies citoyennes dans leur pays, que reste-t-il aux Maliennes ?

Se battre en étant consciente de la réalité ! Prendre conscience de leur force réelle ! Parce que la démocratie est avant tout la loi de la majorité. Une réalité qui se conjugue au féminin dans notre pays. Les Maliennes doivent aussi prendre conscience que le chemin de l’émancipation sera très long dans notre démocratie phallocratique. Il convient de mieux mûrir et repenser leur combat. Elles doivent imposer la relecture de tous les textes de la République afin de déceler les entraves à la concrétisation de leur volonté politique.

Au lieu de se réjouir ou de se satisfaire naïvement des « avancées » insignifiantes, elles doivent revendiquer encore plus d’attention et de considération. Cette résistance doit d’abord commencer par les partis politiques. Il est indispensable de s’imposer dans ce cadre politique pour espérer renverser les tendances misogynes. C’est à ce niveau qu’il faudra d’abord défoncer les portes en faisant preuve d’audace, de détermination et de réelle mobilisation. Elles doivent comprendre que « les activités intenses » de sensibilisation, d’information et de négociations ne les conduisent présentement que vers l’impasse. La politique est une arène où les rivaux ne se font pas de cadeaux. Les femmes doivent donc continuer à se battre pour mieux se positionner et ne plus servir de dindons de la farce lors des prochaines consultations électorales.

Elles doivent se battre, mais pas se combattre. C’est dire qu’elles doivent pouvoir taire, en certains moments, les considérations politiques et les rivalités stériles pour faire cause commune. Une majorité n’est rien si elle n’est pas solidaire et unie. Malheureusement, les femmes passent plus de temps à se combattre qu’à se battre. Le cas de Bla (près de 300 km au nord de Bamako) en est un triste exemple.

Cette localité est aujourd’hui dirigée administrativement et politiquement par les femmes. En effet, la préfecture et le conseil de cercle sont tenus par deux dames qui, hélas, sont toujours à couteaux tirés. La seconde, particulièrement, consacre plus d’efforts à saboter les actions du préfet qu’à créer des perspectives meilleures pour ses concitoyens.

Ainsi quoi que l’on dise, le principal ennemi de la femme est la… femme.

Moussa Bolly

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