Chronique : Les « tribunaux » virtuels

De nos jours, les réseaux sociaux jouent un rôle central, à l’échelle mondiale, dans le partage des savoirs et la formation des opinions publiques. En rupture avec les lois et règles habituelles auxquelles sont soumis les médias et les journaux, ils se présentent comme de simples plateformes de diffusion de contenus, s’exonérant de toute responsabilité quant aux contenus qu’ils diffusent.

6 Octobre 2025 - 04:47
6 Octobre 2025 - 04:51
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Chronique : Les « tribunaux » virtuels

Contrairement aux médias traditionnels, les réseaux sociaux n’ont pas de ligne éditoriale, ils ne choisissent pas ce qu’ils diffusent. Cependant, cette neutralité n’est qu’apparente car, en réalité, tous les contenus publiés sur les réseaux sociaux ne sont pas diffusés de façon égalitaire. Chaque réseau social s’appuie sur un ou plusieurs algorithmes qui effectuent des tris, des classements et « décident » ce que vous, utilisatrices et utilisateurs du réseau, allez voir s’afficher sur vos écrans, sans l’avoir particulièrement demandé.  

Ce processus de fabrication de l’information est aujourd’hui relativement connu. Il pose néanmoins un problème majeur : celui de la mésinformation, voire de la désinformation. Car en effet, les contenus propagés sur les réseaux sociaux ne répondent ni à des critères journalistiques de vérification des sources, ni de recherche de vérité. Peu importe qu’ils déforment la réalité, qu’ils nient les faits, ou même qu’ils créent une « réalité alternative ». 

En 2025, peu de différences distinguent les principaux hébergeurs en matière de comptabilisation des vues. Dans la plupart des cas, une seconde de visionnage suffit pour qu’une vue soit enregistrée. C’est, en tout cas, la règle sur Instagram, X, Snapchat, Facebook, TikTok et YouTube Shorts. LinkedIn se montre légèrement plus exigeant, en requérant un visionnage d’au moins deux secondes pour comptabiliser une vue sur une vidéo.

Cette course aux vues et à la monétisation pousse certains à des extrêmes et les transforme en juge virtuel inique. Les accusations pleuvent, les jugements de valeurs se multiplient, les dénigrements sont légion et les sentences implacables. Dans le tribunal des réseaux sociaux, on est dans une zone de non droit. Pas besoin de preuve, les accusations suffisent. La présomption d’innocence n’existe pas, car il suffit que l’auteur des graves accusations s’exprime pour que cela s’impose comme une intime conviction.

Plus c’est gros et méchant, plus cela attire les curieux, et plus le nombre de vues augmente et plus l’auteur des accusations sans preuve se sent « puissant » et boit du petit lait en ternissant la réputation d’honnête citoyen. Les tribunaux virtuels puent la haine et la médisance tout en diffusant des contre-vérités et des germes de division. Ils deviennent comme une sorte de drogue pour les apprentis justiciers qui sont pris dans une boulimie destructrice et qui finissent par faire face à la vraie justice, en se retrouvant derrière les barreaux. Entre temps, les dégâts qu’ils auront causés laisseront des traces indélébiles. Si nous ne prenons garde de l’usage que nous faisons des réseaux sociaux, ces derniers finiront par faire de nous des zombis digitaux.

Salif SANOGO

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