Une action militaire internationale rapide au Nord du Mali est-elle une simple vue de l’esprit ? En tout cas, si Ban Ki-Moon a de l’audience, ce n’est pas demain que les paras nigérians sauteront sur Kidal. Le secrétaire général de l’Onu préfère la négociation et s’il n’est pas désavoué par le Conseil de Sécurité, la Micema dépendra des contributions volontaires des Etats membres de l’Union africaine et pays occidentaux amis du Mali.

On sait ce que cela veut dire, l’Ua et la Cedeao, tant comme institutions que dans l’écrasante majorité de leurs Etats étant perfusées par la communauté internationale. La posture de Moon est troublante pour le moins. Car la requête d’intervention au Nord Mali dont il vient d’être saisi émane tout de même d’institutions africaines légitimes, autant briefées sur les enjeux que l’est Manhattan et sincèrement préoccupées par l’onde de choc possible de la crise malienne. Seules les insuffisances techniques de leur stratégie ou éventuellement le coût pharaonique de celle-ci peuvent, dès lors, susciter les réserves de New York encore qu’il y a une tradition de prudence et de retenue à faire valoir ici. L’argument du Secrétaire général sur les conséquences humanitaires et les droits de l’homme ne peut être ignoré d’aucun démocrate. Il faut l’expliciter : Moon parle ici de ce que beaucoup redoutent, à savoir les représailles aveugles de l’armée malienne mise en première ligne contre des civils Touareg, Arabes ou même Sonrais dans la mesure où certains de cette ethnie sont suspectés d’avoir servi de cheval de Troie de l’Occupation et aussi de fers de lance du néo-wahabisme professé par les jihadistes d’Aqmi-Mujao. Le risque mérite d’être pris en compte dans la stratégie de libération du Nord, c’est évident. Tout comme il est évident que l’armée multiethnique que nous a donné le Pacte National a permis de circonscrire aussi bien en 2006 qu’en 2012 le regrettable passif de la «guerre du faciès». Ce n’est pas parce que le risque de bavures existe que le Nord du Mali dit être abandonné aux mains de ceux qui l’occupent en violation du droit international dont l’Onu est la garante. D’ailleurs, si ce risque n’est pas le bon prétexte pour abandonner les communautés maliennes à leur sort, le principe aurait dû prévaloir en Libye dont tout le monde attend le bilan humanitaire des frappes légitimées par New-York. Il aurait dû en outre indigner davantage les 17000 casques bleus de la Rdc devant les femmes et les enfants fuyant, toutes langues dehors, des forces d’occupation. Il aurait dû également justifier un engagement décisif aux côtés du peuple syrien qui n’a eu, pendant plusieurs mois que sa prière du vendredi et sa poitrine courageuse contre les balles d’une armée lâchée contre son peuple et qui n’aurait reçu de réponse internationale qu’en utilisant les armes chimiques, pas l’aviation. La posture du premier gendarme de la paix mondiale semble simplement ramener sur le tapis la sempiternelle question de la négociation versus la guerre que le Mali, en dépit de l’extraordinaire volatilité de sa gouvernance, a tranchée. Il l’a tranchée en disant oui et non. Oui à ceux qui font amende honorable mais non à ceux ne font pas machine arrière. Le bénéfice d’une action rapide au Mali est pourtant net. D’abord, c’est le seul qui permet d’éradiquer le narco-terrorisme - dont toutes les parties prenantes soulignent la gravité-. Ensuite, c’est lui qui réduit les risques de sanctuarisation d’un néo-fondamentalisme dont Aqmi n’est pas le responsable mais le terreau et qui est une passerelle plausible entre le Nord et bien des capitales sous-régionales dont Bamako, nous ne soulignerons jamais assez. Enfin, au lieu d’y faire face une fois pour toutes, négocier le statu quo ante, c’est-à-dire le crime organisé et son cache-sexe local relogés dans les contreforts de l’Adrar, c’est prendre le risque de reproduire au Nord du Mali -Att n’oubliait jamais de préciser que ce Nord était surtout le Sud de l’Algérie- un Polisario bis. On nous rétorquera bien sûr que la communauté internationale -une autre nébuleuse avec laquelle personne n’a jamais dîné, selon une boutade connue, ne peut mettre ses billes dans un Etat aussi avancé dans l’autodestruction et la liquidation de ses acquis. Nous ne saurions avoir d’autre réaction que de baisser la tête. En tout cas ceux pour qui ce pays veut encore dire quelque chose.
Adam Thiam