LE PS AU SENEGAL ET L’ADEMA AU MALI: Deux options politiques différentes face à l’alternance

Membres de l’International socialiste, le Parti socialiste sénégalais (PS) et l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) ont été tous deux victimes de l’alternance politique respectivement en 2000 et 2002. Mais, dans la...

31 Août 2006 - 09:39
31 Août 2006 - 09:39
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Membres de l’International socialiste, le Parti socialiste sénégalais (PS) et l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) ont été tous deux victimes de l’alternance politique respectivement en 2000 et 2002. Mais, dans la défaite, les deux formations politiques ont pris des options différentes. Les socialistes sénégalais ont courageusement pris le chemin de l’opposition. Pris en otage dans la Ruche par ceux qui ont toujours privilégié leurs propres intérêts au détriment des objectifs politiques de leur parti, les Abeilles de Bamako-Coura ont préféré faire allégeance au vainqueur.
 
Le Parti socialiste sénégalais (PS) et l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) ont de nombreux points communs. A commencer par le fait qu’ils sont tous deux victimes de l’alternance au Sénégal (mars 2000) et au Mali (juin 2002). A ce niveau, le PS se démarque par sa longévité au pouvoir (près de 40 ans de règne sans partage au Sénégal). Créé en 1948 par Senghor, premier président du Sénégal indépendant, le Bloc démocratique sénégalais (BDS) a été rebaptisé Union progressiste sénégalaise (UPS) en 1958, puis Parti socialiste en 1974. « La Maison du PS », dans le quartier dakarois de Colobane, vit aujourd’hui la phase la plus critique de son histoire.
Animé d’une forte culture de gouvernement, il a été à la fois traumatisé et déstructuré par la perte du pouvoir. Comme d’ailleurs la Ruche de Bamako-Coura, le siège de l’Adéma/Parti africain pour la solidarité et la justice (PASJ). Ces formations politiques ont également souffert de presque les mêmes maux comme le débauchage de leurs cadres, la défection des militants de base, la réduction de leurs moyens et une sérieuse réduction de leur influence politique.
La ressemblance entre les deux chapelles, qui appartiennent toutes à l’International socialiste, s’arrête visiblement à ce niveau. Mars 2000. C’est une vraie débâcle électorale qui est infligée aux socialistes sénégalais. Si Diouf a perdu avec 41,5 % des voix à la présidentielle de février-mars 2000, le PS est passé de 93 à 10 députés aux législatives d’avril 2001. L’ampleur de la débâcle a conduit certains observateurs à pronostiquer sa « disparition progressive ». Une défaite qui a ouvert la page peu glorieuse de la « transhumance politique ».
 
Transhumances politiques
De nombreux dignitaires du désormais ex-parti au pouvoir ont tourné casaque et rejoint la formation de Wade. Il s’agit, entre autres, de Mbaye Jacques Diop, Assane Diagne, Adama Sall, Abdourahmane Sow, Sada Ndiaye, Abdoulaye Diack, Iba Guéye, Aïda Mbodj… Et, selon nos confrères de Jeune Afrique, même l’ex-porte-parole du PS, Abdourahim Agne, qui se disait « dernier des Mohicans », a fondé sa propre formation politique, le Parti républicain (PR), après de nombreux et vains appels du pied à Wade. Ne démordant pas, il continuerait de négocier discrètement avec le Pape du Sopi (changement) afin de s’allier à lui à l’occasion des élections présidentielle et législatives de février 2007.
La défaite de l’Adéma s’est limitée à la présidentielle. Lors des autres consultations électorales (législatives et municipales), l’Abeille solitaire a confirmé son statut de première force politique du pays. Toutefois, les frustrations nées de la mauvaise gestion de l’investiture à la candidature du parti à la présidentielle dans la Ruche l’ont contraint à une seconde césarienne. Le candidat malheureux du second tour de 2002, Soumaïla Cissé (actuellement président de la Commission de l’Uémoa), a fait défection pour créer sa propre chapelle, l’Union pour la République et la démocratie (URD). Sans compter que de nombreux cadres des Rouge-Blanc militent aujourd’hui ouvertement dans le Mouvement citoyen, l’un des grands artisans du retour du président Amadou Toumani Touré, il y a quatre ans.
 
Option politique différente
La différence fondamentale entre le PS et l’Adéma se situe au niveau des options politiques faites après leur échec dans la conservation du pouvoir. A Colobane, on a irrémédiablement opté pour l’opposition. Bamako-Coura a préféré ne pas se priver des délices et fastes du pouvoir. Les Adémistes ont préféré adhérer à la gestion consensuelle du pouvoir alors qu’ils avaient tous les atouts pour constituer une opposition forte, responsable, constructive et incontournable dans la gestion des affaires publiques.
Après s’être habitué à la dure vie de l’opposition, le Parti socialiste essaie aujourd’hui de se relever de sa défaite de mars 2000. En effet, après quatre années de descente aux enfers (de 2000 à 2004), le PS commence à sortir la tête hors de l’eau à la faveur de la fin de l’état de grâce et des erreurs d’inexpérience de Wade et de son équipe.
Après plusieurs décennies de désamour, les universitaires franchissent le Rubicon. Ils ont ainsi formé un réseau, en 2004, pour rejoindre le parti d’Ousmane Tanor Dieng. La même année, des cadres de l’Etat et du privé ont mis en place l’association « Vision socialiste » affiliée à Colobane. Les jeunes leur ont emboîté le pas en créant « Jeunesse pour la démocratie et le socialisme ».
Et depuis 2000, le parti a vendu 356 000 cartes de membre. Un record dans un pays sous-développé. « Il compte en écouler davantage, principalement dans le monde rural, en surfant sur le mécontentement qui y prévaut, notamment à cause des difficultés de la filière arachidière », souligne Jeune Afrique. Il est évident que ce réservoir de voix constitue un enjeu fondamental pour les dirigeants du PS qui disposent, à ce niveau, d’une très importante marge de progression de leur formation dans les campagnes.
Le 1er secrétaire des Verts (couleurs du PS), Tanor Dieng multiplie les interventions en faveur des paysans et inscrit, de manière récurrente, la question du monde rural à l’ordre du jour des réunions du bureau politique.
Reprenant du poil de la bête, le PS redevient peu à peu fréquentable. Son discours se tonifie à mesure qu’approchent les échéances électorales de 2007.
Fêtant le 6 août 2006 son 1er anniversaire, Convergence socialiste, un autre mouvement affilié, n’hésite pas à évoquer la question jusqu’ici taboue de l’âge d’Abdoulaye Wade (officiellement 80 ans) et de sa capacité à diriger le pays au-delà de 2007. Même si des nuages planent sur la quiétude de Colobane par rapport aux choix de son étalon qui doit défendre ses couleurs aux présidentielles de 2007, le PS a pris le monopole du débat politique au Sénégal et s’apprête à tenir la dragée haute aux Bleus de Wade dans moins d’un an.
 
L’Adéma prête à renoncer…
Ce qui n’est pas le cas de l’Adéma profondément divisée par rapport à un éventuel soutien à ATT l’année prochaine. Un choix de certains responsables qui sont loin de faire l’unanimité au sommet et à la base du parti. Au rythme où vont les choses, il serait surprenant que l’Adéma aligne un candidat contre son allié au pouvoir. Contrairement au PS, l’Adéma est loin d’ouvrir les chantiers de sa reconstruction devant aboutir à la reconquête du pouvoir dans moins d’un an. Les membres du comité exécutif agglutinés à Koulouba ne ménagent aucun effort et aucune combine pour que la Ruche reste mobilisée derrière ATT qualifié de « militant de la première heure » de l’Adéma.
Et pourtant, même si sa victoire à la présidentielle est difficile à prédire, l’Adéma a de fortes chances de s’imposer au cours des autres échéances électorales. Si ses dirigeants pouvaient assumer leur responsabilité, le parti peut même tabler sur une majorité à l’Assemblée nationale. Ce qui lui permettrait d’imposer une cohabitation au vainqueur de la présidentielle de 2007. Hélas ! Les conflits d’intérêt par rapport au soutien à ATT sont en train d’occulter le vrai débat sur la reconquête du pouvoir qui aurait dû être la priorité au sein de la Ruche. Les Abeilles gagneraient pourtant à s’inspirer de l’expérience de leurs frères sénégalais de l’International socialiste.
Moussa Bolly

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