Professeur Younous Hameye Dicko, président du RDS : « Exigeons la pacification du pays »

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Younouss Hamèye Dicko
Younouss Hamèye Dicko, président RDS

Il l’a affirmé dans cet entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder. Faites –en bonne lecture.

Le Pouce : L’accord pour la paix a été définitivement signé le 20 juin 2015. Quel rôle pour la classe politique dans sa mise en oeuvre ?

Prof Younouss Hamèye Dicko :  «  La classe politique a un rôle dans toutes les questions importantes qui concernent la nation. Lorsqu’on oublie cela, on ne trouve pas la solution. Notre point de vue est que, lorsque la nation est en danger, la classe politique n’est pas autre chose qu’une partie du peuple malien. Elle est très représentative pour dire ce que l’opinion malienne veut et ce qu’elle attend de ses responsables. Depuis la préparation de l’accord, la classe politique s’est impliquée en totalité. Ceux qui sont de la majorité présidentielle se sont impliqués pour qu’il y ait un accord .Mais il ne faut se tromper que l’opposition politique s’est aussi impliquée pour qu’il y ait un aboutissement politique. Le fait que cette opposition cherche l’idéal pour un avenir, fait qu’elle a des positions qui, quelques fois ne sont pas réalistes. Cependant, il ne faut confondre cela avec l’implication de la classe politique et celle de l’opposition. Cette opposition voulait beaucoup de choses tout comme la majorité. Il fallait s’arrêter à une réalité qui était de savoir que nous ne sommes pas seuls à gérer cette affaire. Nous sommes avec la communauté internationale. Dans ces conditions, il y a des choses qui peuvent ne pas nous plaire, mais il s’agit d’un accord. L’important est que nous puissions nous retrouver en tant que maliens, qu’on soit de la rébellion ou pas pour envisager l’avenir. Aujourd’hui que cet accord a été signé, la classe politique ne peut pas croiser les bras parce que le danger est encore là. Ce danger peut être plus présent dans la mise en œuvre de l’accord que dans sa préparation. Un parti comme le RDS s’est impliqué très tôt. Depuis le 06 juin 2015, le parti a organisé une conférence de presse pour donner sa position par rapport à la mise en œuvre de cet accord. On n’arrivera à rien si on ne pacifie pas le pays. La mise en œuvre de l’accord de paix s’articule autour de deux volets. Le premier volet concerne la sécurité. C’est dire qu’il faut passer à la phase finale de la pacification du pays. On ne doit plus s’arrêter à la notion de sécurité. Notre stratégie est qu’à partir de Mopti, il faut sécuriser la rive droite du fleuve jusqu’aux frontières du Niger et du Burkina Faso. Cette opération doit se faire en même temps que  la sécurisation de la vallée du fleuve. C’est en ce moment qu’on peut faire face aux dangers qui peuvent venir du nord. On ne peut pas aller dans le nord alors que des fusils sont pointés dans votre dos du coté du Burkina ou du sud du Niger. Ça n’a pas de sens. Il faut que les stratèges miliaires de notre pays comprennent ce jeu.

 Le deuxième volet concerne l’assaut politique. Il s’agit naturellement de la régionalisation qui va certainement préoccuper les maliens. Tout le monde parle de places et de ministères à donner. Déjà on parle des ministères de souveraineté. Tous les ministères sont démocratiques. Il y a eu des élections. Aller au gouvernement est un problème démocratique et non un problème physique. On est en droit de donner un ministère à tout malien qui a les capacités de l’occuper. Mais pas avec un fusil, ni avec des exigences. Plutôt avec des revendications. Le gouvernement a été démocratique. Le président a été élu avec 78 % des suffrages exprimés. C’est lui qui décide  de qui doit occuper tel ou tel poste ministériel. Il ne faut pas faire de la diversion à cette question. Nous devons d’abord exiger la pacification du pays dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix. Ensuite tout le monde pourra aller dans son opposition ou dans sa majorité. Et le jeu politique continue. Il est aussi important que la question d’Azawad soit définitivement évacuer si on veut que la mise en œuvre de l ‘accord se fasse dans la paix. A ce niveau  la notion d’Azawad doit être rapidement régler dans un débat national. On ne peut pas continuer à aller s’asseoir avec des gens qui brandissent encore l’Azawad. Toute fois, il faut analyser le besoin de liberté des maliens qui s’est exprimé dans la régionalisation. Aujourd’hui la décentralisation n’est plus de mise. Aussi faut-il comprendre que la régionalisation ne s’appelle pas décentralisation renforcée. Dans ce processus, le gouverneur élu qui deviendra aussi le président du conseil régional  est obligé de rendre compte au peuple. Ce n’est pas un inconnu qui est nommé par décret pour administrer les populations. Par exemple le gouverneur de Sikasso va développer cette zone. Le fait d’élire ces gouverneurs n’est pas une menace pour le Mali. La menace viendrait si le Mali refuse de comprendre que les populations doivent se gérer dans une liberté nationale, dans un esprit patriotique, d’unité nationale et d’intégrité territoriale. C’est ce qu’il faut cultiver et tenir avec force en ce qui concerne l’Etat régalien malien ».

Le Pouce : Selon vous, quelle doit être la clé la solution pour l’Etat et les autres partenaires dans la mise en œuvre de ce processus de paix ?

 Prof Younouss Hamèye Dicko :  « Je ne connais qu’un seul acteur. Il s’appelle la république du Mali. Les autres ne sont que des appendices qui sont là pour aider. Quand ça a chauffé du coté de Kidal, personne ne nous a aidé. Les évènements du 21 mai 2014 ce sont déroulés dans une situation dans laquelle on a même pensé que nos amis sont devenus quelque part nos ennemis. Il faut qu’on sache que la principale victime, le principal agent et combattant, le principal acteur, c’est la république du Mali. Il appartient donc à la république du Mali de renforcer ses capacités de défense, de mobiliser son peuple pour obtenir les résultats. Il est illusoire de croire que seul le gouvernement peut l’obtenir. De l’extérieur on peut manipuler le gouvernement comme on veut. On peut utiliser le gouvernement, l’intimider et faire ce qu’on veut contre lui. A chaque fois que nous avons décidé de faire face, on essaie de faire chanter. On essaie d’insulter notre président et d’aller chercher des poux dans des têtes rasées. C’est des choses qu’il faut comprendre. Le représentant du secrétaire général des Nations Unies Arnauld Akodjenou vient de dire que les casques bleus ne sont pas là au Mali pour lutter contre les Jihadistes ou des rebelles mais qu’ils sont là pour s’interposer. Entre qui et qui ?

Lorsqu’ils ont voulu venir, ils m’ont rencontré avec mes camarades. Je leur ai demandé qu’ils viennent s’interposer entre qui et qui. Nous leur avons précisé qu’il ne s’agira pas de s’interposer comme dans les autres pays. Derrière la rébellion touareg il y a beaucoup d’autres rebellions notamment le MUJAO, AQMI, le MNLA, le MAA, le HCUA  etc.… Dans les autres pays comme la RDC, ceux  qui font la guerre  ne cherchent pas à diviser le pays. Ils cherchent le pouvoir. Quand tu viens t’interposer entre le Mali et ses ennemis, il s’agit de faire face à une situation nouvelle. Vous ne pouvez pas non plus avoir du résultat. Je crois qu’ils nous ont donné raison aujourd’hui.

L’intervention onusienne au Mali n’est pas pareille comme celle faite   en RDC ou au Soudan. L’expérience a montré qu’à chaque fois ils sont venus s’interposer dans un pays confronté à une rébellion, ils aident à le partager.

Depuis 2013, les gens ont compris que la tâche  de l’O NU allait être difficile.. Le peuple malien sera sur leur dos et les groupes armés seront en leur face. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui. Pour moi, il n’existe qu’une seule solution, c’est que la république du Mali avec son peuple et ses capacités militaires soit prête à toutes les éventualités ».

Entretien réalisé par JEAN GOÏTA

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