Rétrospection : Présidentielle 2013 : Duplicité et sournoiserie à l’Adema ?

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adema presidium xL’Adema-Pasj est très certainement le plus grand parti politique du Mali si l’on tient compte du nombre de ses élus, communaux, locaux, régionaux, nationaux et parlementaires. Ce parti doit cela à sa très grande implantation sur tout le territoire national.

Le Pasj est également le parti dont le candidat a remporté la première élection présidentielle de l’ère post-dictatoriale. Alpha Ouamar Konaré a régné pendant dix ans, exerçant ses deux mandats sans trop de partage car l’Adema est aussi ce parti qui a toujours voulu un pouvoir hégémonique, totalitaire et tentaculaire, dont les cadres ont toujours été en surnombre dans le gouvernement, l’administration, la finance et les affaires, de 1992 à aujourd’hui. Même après avoir passé la main à Amadou Toumani Touré qui doit à l’Adema son élection, en 2002, ce parti a continué à noyauter l’appareil d’Etat, faisant alliance avec les partis qui arrangent ses intérêts, détruisant ou affaiblissant les autres. Lui-même a connu de nombreuses déchirures, des saignées qui n’ont jamais sérieusement entamé sa suprématie sur l’échiquier politique national.

Le Pasj, c’est aussi ce parti qui a profité le plus du pouvoir du général Moussa Traoré, non pas seulement parce que son premier président a été un ministre de la dictature et que beaucoup de ses cadres ont milité dans l’Udpm, l’Unfm et l’Unjm, mais aussi parce que l’Adema a récupéré beaucoup de responsables et d’animateurs du parti Etat.  Déjà alors qu’elle n’était qu’association, l’Adema était un fourre-tout, un pot-pourri, un melting-pot dans lequel se retrouvaient pêle-mêle des communistes, des socialistes, des social-démocrates, des libéraux, des bourgeois, etc. Il est traversé par divers courants idéologiques et philosophiques dont les chefs de file ont toujours eu du mal à imposer aux autres un leadership. C’est donc un parti sans personnalité dominante dont tous les cadres et responsables, même ceux qui ont le pantalon troué, aspirent à grimper au sommet de l’arbre.

Le Pasj, c’est ce parti qui dispose d’une formidable machine électorale dont le carburant et le lubrifiant sont la fraude et la corruption.

Pour toutes ces raisons, aucun observateur ne pourrait s’empêcher d’avoir les yeux braqués sur la Ruche au moment où les Abeilles veulent lancer  un candidat dans la course à la présidentielle. Aussi quand les «sages» sont entrés en conclave pour désigner un heureux élu parmi les dix-neuf candidats à la candidature, ces observateurs s’attendaient à de chaudes joutes. Ils ont été surpris par celui qui a eu la préférence de la commission de bons offices : Dramane Dembélé, un «jeune» cadre de quarante-six ans. Ils ont été surpris parce que pour presque tout le monde, la logique voulait qu’Ousmane Sy soit le candidat de l’Adema à un scrutin aussi important que la présidentielle. Non pas seulement parce qu’il avait le soutien ferme du président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, mais parce qu’il présente les meilleurs atouts. Maitre d’œuvre de la décentralisation, il connait tout le pays, tous ses problèmes, a des contacts dans les coins les plus reculés du pays. De plus, il est un membre fondateur de l’Adema. Tout comme son épouse qui a été gouverneur du district de Bamako, membre du gouvernement, chef d’un grand projet de développement. Avec le couple Sy, c’est donc deux fois plus de capacité de mobilisation.

Pourtant, à bien y penser, ils ne devraient pas être surpris, ces observateurs. En effet, il y a longtemps, le président Konaré, que beaucoup croient sourd et muet, débranché de la Ruche, avait dit à ses camarades qu’il était nécessaire de rajeunir la direction de «son» parti. On connait aussi ses liens, toujours entretenus avec Dramane Dembélé, et on sait également qu’il a gardé une certaine main mise sur le parti. Il ne pouvait donc qu’imposer sa volonté à Dioncounda Traoré avec lequel il n’entretient plus de lien. D’ailleurs, face aux membres du Comité exécutif du pari qui attendaient leur verdict, les membres de la Commission de bons offices n’ont pu donner aucune raison objective ni aucun critère sérieux quant à leur choix.

Cependant, selon certains observateurs avisés, s’il a imposé Dramane Dembélé, ce n’est pas forcément pour le faire monter à Koulouba. Loin s’en faut. C’est tout simplement parce que Dramane Dembélé est un «poids plume» face à un poids lourd comme Modibo Sidibé, le petit-frère de Mandé Sidibé, l’ami et allié disparu d’Alpha Oumar Konaré. En 2002, pour déstabiliser l’Adema et amoindrir les chances de son candidat, Soumaïla Cissé, des candidatures indépendantes, dont celle de Mandé Sidibé, avaient été suscitées et encouragées. En 2013, le même scénario se reproduira contre le candidat officiel de l’Adema afin de faire gagner celui que le faiseur de roi a déjà choisi. Déjà, la Ruche bourdonne de duplicité et de sournoiserie.

Cheick Tandina

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