Transition et opinions : Ces détenus de trop ?
La période transitoire est le moment d’une quête de consensus et non celle d’une chape de plomb répressive…

Etant, par définition, une période d’exception, la Transition est généralement un moment de rassemblement des forces vives. Elle offre l’occasion aux forces vives d’apporter leurs contributions à la remise en selle du fonctionnement normal de l’Etat.
En effet, la période de Transition ne doit pas constituer une occasion de sévir contre les acteurs sociopolitiques, en particulier pour leurs avis et contributions sur le devenir de la Nation. Car, la gouvernance de Transition est censée recevoir des idées et suggestions sur le fonctionnement de l’Etat, en vue de lui permettre de mieux faire face aux défis existentiels du pays.
Or, dans le contexte du Mali, la gouvernance du pays avait été abondamment décriée, avant le renversement du régime du président IBK. Ce qui veut dire que les gouvernants avaient besoin d’accompagnements à travers des mécanismes d’alerte et de critiques en vue d’aider à se sortir du gouffre. Ce qui avait suscité un certain activisme et un zèle à pourfendre les éventuels dérives ou risques d’impasses. Et c’est ce qui a conduit à l’émergence de certaines voix, devenues particulièrement audibles au sein de l’opinion.
En effet, Youssouf Bathily dit Ras Bath, Issa Kaou Djim, Pr Clément Dembélé, Adama Diarra dit Ben le Cerveau, Rose la Vie chère figurent dans cette catégorie de véritables objecteurs de conscience de la Transition. Certains de ces cadres sont, depuis plusieurs années, dans les liens de la détention du fait de leurs opinions sur certains sujets majeurs de la Nation. C’est au point que de nombreux observateurs les considères tous comme des détenus …politiques. Puisqu’au fur et à mesure que la Transition se poursuit et semble s’éterniser, la gouvernance s’expose à davantage de critiques tant sur ses orientations que sur la gestion des préoccupations socio-économiques des populations. C’est ainsi que ces acteurs de la vie socio-économique ont eu à prendre la parole à diverses occasions pour décrier un pan de la gouvernance, ou fustiger des décisions des autorités de la Transition. Et certaines de ces prises de parole ont fini par tomber sous le coup de la loi. D’où des procédures judiciaires rondement menées et qui ont a abouti à des mandats de dépôts…
Ce qui n’a pas empêché certains observateurs de se montrer critiques contre ces arrestations. Certaines ne sont-elles dénoncées par certaines organisations comme étant des entraves à la démocratie, ou des atteintes à la liberté d’expressions ou d’opinions? Ces poursuites judiciaires ne constituent-elles pas finalement des taches peu glorieuses sur l’image des dirigeants ? Ne poussent-elles pas certains analysent à accuser le régime de « dérives dictatoriales » ? Rien n’est moins sûr. La preuve c’est qu’avant ces détentions, il y a eu des cas d’une dizaine de leaders politiques incarcérés avant d’être libérés, après leurs accusations pour tentative de déstabilisation des institutions de la Transition. Alors que ces chefs de partis politiques étaient en réunion dans un domicile privé…
Ce qui est sûr, c’est que cette volonté de réprimer ou d’étouffer les voix discordantes fragilise le pouvoir. Car, ce sont les critiques constructives et les propositions de pistes de solutions aux multiples défis du pays, qui aideront les autorités à demeurer sur la bonne voie. Puisque le risque d’usure du pouvoir est assez ancré dans les moeurs, que si les militaires au pouvoir se montrent hostiles aux critiques, ils pourraient aller droit dans le mur. Car, si la gestion de la crise sécuritaire est de leur domaine de prédilection, la gouvernance diplomatique, socio-économique peut leur jouer des tours. C’est pourquoi, il doit y avoir des mesures de clémence ou de circonstances atténuantes en faveur des détenus d’opinion, afin d’aider les forces vives à être plus coopératives vis-à-vis des gouvernants.
Il faut souhaiter que les plus hautes autorités soient plus réceptives à des contributions et à des critiques en vue de travailler au mieux-être des populations. Car, la Transition ne doit pas être la période de radicalisation ou même de règlements de compte, comme cela semble transparaître, avec des interrogatoires et convocations devant les structures judiciaires. N’était-ce pas le cas, la semaine dernière avec la convocation de l’ancien Premier ministre Moussa Mara devant la Brigade d’investigation judiciaire ?
Signalons que ce n’est pas la première fois que Moussa Mara est auditionné par la Justice. Il intervient souvent sur les réseaux sociaux en exprimant ses points de vue et convictions sur les grands sujets de l’actualité nationale et cela semble déranger. Or, les gouvernants doivent retenir que la gestion des affaires de la cité expose nécessairement à essuyer des critiques. Il faut avoir simplement le dos large pour tirer la bonne graine de l’ivraie. Car, comme le disait Montaigne, il faut frotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui et, c’est, assure la doctrine socratique, de la confrontation des idées que jaillit l’étincelle de la vérité.
Boubou SIDIBE/maliweb.net
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