Gestion de la commune urbaine de Mopti de 2019 A 2022 : Plus de 600 millions F CFA d’irrégularités financières décelées

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Le Vérificateur général a initié la vérification financière de la gestion de la Commune urbaine de Mopti au titre des exercices 2019, 2020, 2021 et 2022 (1er semestre). A l’issue des travaux, la mission a décelé plusieurs irrégularités dont plus de 600 millions d’irrégularités financières.

S’agissant de la pertinence, il ressort que les Etats généraux de la décentralisation, tenus les 21, 22 et 23 octobre 2013 à Bamako, ont retenu la décentralisation comme un axe stratégique pour entreprendre la reconstruction de l’Etat malien.

Malgré quelques progrès réalisés, les collectivités territoriales (CT) font face à des défis importants, notamment le financement soutenable de la décentralisation par des ressources internes, la sécurité et la paix sociale, la gouvernance inclusive du territoire et l’amélioration de l’offre de services de qualité aux populations.

La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, signé le 15 mai 2015 à Bamako suite à la crise sécuritaire de 2012, a donné une nouvelle impulsion à la décentralisation à travers la création de nouvelles CT et le renforcement de leur autonomie financière. Ainsi, les CT percevront annuellement 30 % des ressources budgétaires de l’Etat.

Pour réaliser des investissements, la majorité des CT compte sur les ressources transférées par l’Etat et les appuis des partenaires au développement à travers l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales. C’est ainsi que dans la loi de finances 2016, l’Assemblée nationale a autorisé le gouvernement à transférer aux CT la somme de 195,400 milliards de F CFA, soit environ 10,7 % des recettes du budget de l’Etat.

Lenteur dans le transfert des ressources

En vue de résoudre les problèmes liés à la lenteur observée dans le transfert des ressources de l’Etat aux CT qui entravent la fourniture de services au niveau local d’une part et de renforcer les mécanismes de leur responsabilisation d’autre part, le Mali a conclu en 2019, avec l’Association internationale de développement (IDA), l’accord de financement d’un projet, dénommé “Déploiement de ressources d’Etat pour l’amélioration de l’offre de services”.

Cet accord est mis en œuvre à travers un projet dénommé Projet de déploiement des ressources de l’Etat pour l’amélioration des services et la riposte locale à la Covid-19 (PDREAS)”. A cet égard, la Commune urbaine de Mopti est l’une des 102 communes bénéficiaires des appuis du PDREAS. Suivant les comptes administratifs des exercices 2019, 2020 et 2021 de la CUM, les recettes et les dépenses s’élèvent respectivement à 9 327 554 941 F CFA et 9 345 120 526 F CFA.Par ailleurs, la Commune n’a jamais fait l’objet de vérification par le Bureau du Vérificateur général. Toutefois, des missions précédentes effectuées par l’Inspection des finances et celle de l’intérieur ont relevé plusieurs irrégularités dans sa gestion administrative et financière. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié la mission de vérification de la gestion de la Commune urbaine de Mopti au titre des exercices 2019, 2020, 2021 et 2022 (1er semestre).

Absence de débats et restitutions publics

Au chapitre des constatations, notons que la mission de vérification a constaté plusieurs irrégularités administratives et financières. Quant aux irrégularités administratives, elles sont relatives entre autres : à la non-exigence du respect, par les CGS, des modalités de justification des subventions reçues de l’Etat ; la non-tenue des documents de la comptabilité-matières ; l’absence de communication relatives aux informations requises aux soumissionnaires non retenus à l’issue des appels à concurrence ; la non-tenue de débats et restitutions publics conformes ; la délivrance des lettres de transfert et des permis d’occuper en lieu et place des CUH ; l’autorisation au chef de la section domaniale et foncière d’exercer irrégulièrement des attributions du représentant du chef du Bureau spécialisé des domaines et du cadastre.

A la suite de ces constations, la mission a formulé plusieurs recommandations. Ainsi, au maire de la Commune urbaine de Mopti, il lui a été recommandé de : veiller au respect, par les Comités de gestion scolaire, des modalités de justification des subventions reçues de l’Etat ; veiller à la tenue des documents de la comptabilité-matières ; communiquer les informations requises aux soumissionnaires non retenus à l’issue des appels à concurrence ; tenir les débats et restitutions publics conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; veiller à la délivrance des Concession Urbaines à usage d’Habitation et ou des Titres fonciers en lieu et place des lettres et permis d’occuper ; prendre les dispositions idoines permettant aux représentant du Bureau spécialisé des domaines et du cadastre, d’exercer les attributions qui lui sont dévolues.

Tenir régulièrement l’ensemble des documents de la comptabilité-matières

Quant aux présidents des Comités de gestion scolaires de la Commune urbaine de Mopti, ils doivent : signer les bordereaux de livraison joints aux factures d’achat des produits payés sur les fonds alloués par l’Etat ; joindre aux états d’émargement, tout document administratif attestant tout changement de président de CGS.

Au comptable-matières de la Commune Urbaine de Mopti, la mission lui recommande de tenir régulièrement l’ensemble des documents de la comptabilité-matières. En ce qui concerne le représentant du chef du Bureau spécialisé des domaines et du cadastre auprès de la Commune urbaine de Mopti, les vérificateurs lui demandent de traiter et soumettre à la signature du maire, des concessions urbaines à usage d’habitation et des titres fonciers en lieu et place des lettres et permis d’occuper.

Concernant les finances, la mission a décelé plusieurs irrégularités dont le montant total s’élève à 621 835 883 F CFA. Elles sont relatives au paiement sur les frais d’édilité, des droits d’enregistrement dus par les bénéficiaires de lots à usage d’habitation ; à la non-attribution des marchés aux moins-disant ; au paiement des travaux non conformes aux devis quantitatifs ; au paiement d’un marché non exécuté entièrement ; à l’octroi d’indemnités et frais de déplacement indus aux chefs de quartier ; à l’octroi de subventions irrégulières ; au non-versement au régisseur de recettes des frais de transfert collectés ; au non-versement au régisseur de recettes des frais d’édilité collectés ; au faible recouvrement des droits d’enregistrement au profit du budget national ; au non-recouvrement des frais de permis d’occuper ; au non-recouvrement des redevances de marchés et de location.

Les faits dénoncés transmis aux juridictions compétentes

Les faits ainsi dénoncés ont été transmis au président de la Section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Mopti, chargé du Pôle économique et financier. Ils sont relatifs : – au paiement des droits d’enregistrement sur le montant des frais d’édilité pour un montant de 1 980 000 F CFA ; à la non-attribution d’un marché au moins-disant pour un montant de 72 453 285 F CFA ; au paiement de travaux non conformes pour un montant de 576 000 F CFA ; au paiement d’un marché non exécuté entièrement pour un montant de 2 448 000 F CFA ; à l’octroi d’indemnités et de frais de déplacement indus pour un montant de 7 660 000 F CFA ; à l’octroi de subventions irrégulières pour un montant de 27 817 000 F CFA ; au non reversement des frais de transfert pour un montant de 48 761 000 F CFA ; au non reversement des frais d’édilité pour un montant de 313 177 500 F CFA ; au non recouvrement des frais de permis d’occuper pour un montant de 3 200 000 F CFA ; au non recouvrement des redevances de marchés et de location pour un montant de 24 867 000 F CFA.

Le fait relatif au non recouvrement des droits d’enregistrement pour un montant de 105 976 098 F CFA a été transmis au directeur régional des Impôts de Mopti.

En conclusion, les travaux de cette vérification ont révélé que la gestion de la Commune urbaine de Mopti est entachée de dysfonctionnements de contrôle interne et d’irrégularités financières. Au nombre des dysfonctionnements de contrôle interne, nous pouvons citer : la non-tenue de la comptabilité-matières, la tenue non conforme des débats et consultations publics préalables à l’élaboration du budget de la Commune et la gestion irrégulière des affaires domaniales et foncières. Afin de corriger les lacunes constatées, l’équipe de vérification a formulé des recommandations dont la mise en œuvre diligente par la CUM permettra de résoudre les irrégularités constatées.

S’agissant des irrégularités financières, elles s’articulent autour du non-reversement des recettes issues des transactions domaniales et foncières, du paiement intégral d’un marché non entièrement exécuté, du paiement d’équipements scolaires non conformes, de l’octroi de subventions et de frais de déplacement indus, du non-reversement de la totalité des redevances de marchés et des locations de magasins, et de la mauvaise attribution des marchés publics.

Comprendre les procédures en matière domaniale et foncière

Cette mission a permis au bureau communal de la Commune urbaine de Mopti de comprendre les procédures en matière domaniale et foncière, de réception des biens et services et de la passation des marchés publics. Elle a également permis de mettre un accent particulier sur le devoir de redevabilité des élus à l’endroit des citoyens ainsi que la nécessité de la participation citoyenne à la gestion des affaires locales.

       Boubacar Païtao avec le BVG

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