Le ministre Mamoudou Kassogué dans Mali Kura Taassira 3 : «Il n’y a plus d’intouchable au Mali»

Le ministre de la Justice et des Droits de l'Homme, Garde des Sceaux, a donné cette assurance lors de son passage dans l'émission Mali Kura Taassira 3 hier soir sur l'ORTM. Il répondait aux questions de nos confrères Yaya Konaté de la télévision nationale et Issaka Tamboura du journal le Soft. Au cours de cet entretien,

16 Juin 2025 - 10:27
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Le ministre Mamoudou Kassogué dans Mali Kura Taassira 3 : «Il n’y a plus d’intouchable au Mali»
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Le ministre Mamoudou Kassogué dans Mali Kura Taassira 3 : «Il n’y a plus d’intouchable au Mali»

Mamoudou Kassogué a fait le point des actions majeures réalisées au niveau de son département durant l’année écoulée. Il a abordé les réformes structurelles dans le cadre du renouveau de l’appareil judiciaire et évoqué les perspectives dans la lutte contre la corruption, la délinquance financière, la criminalité transnationale, la cybercriminalité

À l’entame de ses propos, le ministre chargé de la Justice a réfuté les accusations de restriction des libertés publiques, des principes démocratiques, des fondements de l'état de droit, exprimées par certains compatriotes aujourd’hui dans un contexte de refondation de l’État dont la Justice constitue l’un des piliers essentiels. Pour le ministre Kassogué, la justice constitue le dernier rempart des citoyens contre les abus multiformes dont ils peuvent être victimes.

Il a expliqué qu’il y a un problème de compréhension de la justice et de son fonctionnement par les citoyens, ajoutant qu’il y a un certain fossé entre le fonctionnement de la justice, ce qu'elle est, ce qu'elle doit être et la façon dont elle est perçue par nos concitoyens. Très souvent, dira Mamoudou Kassogué, les gens voient la justice à l'aune de leurs intérêts. Dans un tel contexte, il est difficile qu’elle fasse l'unanimité. Toutefois, il a insisté sur le fait qu'aujourd'hui, la justice malienne est en train de faire sa mue. Ce qui justifie selon le ministre, l'adhésion progressive de la grande majorité des Maliens et des gens au-delà du Mali.

Sur les questions de restriction des libertés, le ministre Kassogué a dénoncé ce qu’il qualifie d’un faux procès, soulignant que les autorités n’ont pris aucune mesure en cette période pour restreindre les libertés. Cependant, il a reconnu que dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation et des concertations nationales, il a été demandé de revoir le nombre de partis politiques, des associations et d'autres acteurs intervenant sur la scène politique. Et c'est dans la mise en œuvre de cette recommandation qu'il est apparu nécessaire de procéder à la dissolution des partis politiques et des associations à caractère politique.

« On veut aller sur de nouvelles bases où on a des partis à nombre limité, performants et qui s'inscrivent dans la rédévabilité », a-t-il clarifié. L’invité de l’émission Malikura Taasira dira que le seul cas où ses services sont obligés d'intervenir, c'est lorsqu’en exerçant leurs libertés, des personnes finissent par enfreindre la loi. Sur la question du renouveau de la justice, Mamoudou Kassogué a évoqué les réformes institutionnelles et juridiques amorcées qui sont en train de changer complètement le visage de l’appareil judiciaire.

Au plan institutionnel, il s’agit de la création de sept nouvelles structures : le Pôle national économique et financier, le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, la Direction nationale des Droits de l'Homme, l'École nationale d'instruction pénitentiaire et d'éducation surveillée, l'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis et confisqués, la Cour administrative d'appel. «Elles sont toutes opérationnelles à la date aujourd’hui», a assuré le ministre Kassogué.

Concernant les règles juridiques, des réformes de fonds ont été entamées et ont consisté en la relecture du statut de la magistrature et de celui des greffiers. S’y ajoute l’adoption du nouveau Code pénal et du Code de procédure pénale. Le ministre a souligné que ces réformes ont permis de changer les outils de travail et la gouvernance de la justice en mettant les moyens nécessaires à la disposition des acteurs. Cela a aussi permis de rapprocher davantage la justice des justiciables, de la rendre plus performante et efficace au bénéfice des populations.  Le Garde des Sceaux a précisé que le Code pénal est déjà en vigueur depuis son adoption et sa promulgation le 13 décembre 2024. Quant au nouveau Code de procédure pénale, il entrera en vigueur six mois après, c'est-à-dire le 13 juin 2025.

 COMBLER LE DÉFICIT- Par rapport à l'accès à la justice, le ministre a souligné la mise en place d’une ligne verte, appelée «Bingani-Kunafoni», qui permet aux justiciables de dénoncer les différents cas d'abus et de dysfonctionnement au niveau de la justice. Cette ligne a enregistré plus de 450 appels en 2024, en six mois, a fait savoir Mamoudou Kassogué.

Le ministre dira que pour mettre toutes ces réformes en œuvre, il faut du personnel adéquat. « Malheureusement, dans le secteur judiciaire, nous avons hérité d'un personnel qui était en deçà vraiment des besoins de la justice », a déploré Mamoudou Kassogué. D’après lui, le Mali compte 499 magistrats pour une population de près de 23 millions, ce qui fait un ratio d’un magistrat pour 40.000 habitants, alors que selon les normes internationales, c’est un magistrat pour 10.000 habitants. Il soutient que c’est pareil pour les greffiers et les avocats. Pour combler ce déficit, l’État a pris des dispositions pour faire des recrutements massifs sur trois ans afin de pouvoir remonter la pente. C'est pourquoi, en trois ans, il a été procédé au recrutement 316 auditeurs de justice.

«Nous avons aussi recruté 240 greffiers en chef stagiaires et 125 agents du cadre de la surveillance des services pénitentiaires dans les mêmes conditions », a expliqué le ministre Kassogué, qui soutient qu’aujourd'hui, il est facile de constater que les sessions d'assises se tiennent régulièrement contrairement à un passé récent. « Aujourd'hui, on tient au moins deux sessions d'assises par an. Et on arrive même à tenir des sessions spéciales consacrées à certaines thématiques particulières, notamment la lutte contre la corruption et contre les violations graves des droits de l'Homme», souligne-t-il.

Sur les conditions de vie des prisonniers, le ministre a fait comprendre que la lenteur de la justice est due à plusieurs facteurs dont la faiblesse du personnel par rapport au volume des affaires. À côté de cela, il y a la complexité des affaires tels que les dossiers de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme. À ce niveau, il a salué les efforts de l’État. Avant d’évoquer l’exécution de plus de 22 transferts de la Maison centrale d’arrêt de Bamako (MCA) en direction d'autres Maisons d'arrêt où les effectifs sont moins importants, telles que Kéniéroba, Koulikoro, Kati et Dioïla, concernant  plus de 1.700 détenus.

Sur certaines affaires qui font l’actualité, le ministre en charge de la Justice a tenu à préciser qu’il n’y a plus «d’intouchables au Mali ». Quand le premier responsable de l'administration pénitentiaire se retrouve derrière les barreaux, comment ne pas y percevoir le signe fort de la fin de l’impunité, dira le ministre Kassogué. Par rapport à la récente comparution de l’ex-ministre de l’Économie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, devant la Cour d’assises spéciales dans l’affaire « achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires », le Garde des Sceaux a fustigé une certaine manipulation des faits. Avant de donner des assurances que toutes les dispositions seront prises pour que le procès puisse avoir lieu dans le plus grand respect de la dignité humaine.

 400 MILLIARDS RECOUVRÉS- Dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance financière, le ministre Kassogué a salué des résultats très encourageants. Il dira que suite à l’audit de plusieurs structures ayant abouti à la constitution de dossiers transmis à différents niveaux de jugement (Pole économique, Cour d’appel et Cour suprême), cela a permis un recouvrement record d’environ 400 milliards Fcfa rien qu’en 2024. S’y ajoutent les biens saisis et les matériels rendus indisponibles en attentant la fin des procédures en lien avec les avoirs criminels.

Sur le même chapitre, Mamoudou Kassogué a indiqué que les réformes ont aussi permis de rendre les infractions d'atteintes aux biens publics imprescriptibles et ont favorisé l’ouverture systématique d'enquête pour blanchiment qui permet non seulement d'allonger le délai de traitement des dossiers mais surtout de saisir les biens, même en cas de décès, des personnes mises en cause. En ce qui concerne la lutte contre la cybercriminalité, le ministre en charge de la Justice s'est félicité des résultats tangibles obtenus depuis la création du Pôle judiciaire spécialisé dédié à l'assainissement du cyber espace.

En termes de perspectives à court et moyen terme, le Garde des Sceaux a évoqué les avancées dans le cadre de l’adoption du Programme décennal de la justice qui remplacera la Loi d’orientation et de programmation du secteur de la justice pour les 10 ans à venir. En outre, il a annoncé la mise en place de la Médaille d’honneur de la justice pour récompenser ceux qui se sont illustrés à travers leurs actions et comportements, mais aussi le prix de l’intégrité judicaire « Daniel Amagoin Tessougué », qui viendra également récompenser les meilleurs dans le domaine.

Sans oublier d’autres réformes importantes; notamment la politique pénitentiaire, première depuis l’indépendance, dont le document déjà validé se trouve dans le circuit d’adoption ainsi que la stratégie genre du ministère de la Justice en cours d’adoption. Il en est de même pour la digitalisation des moyens de paiement et celle des procédures, ce qui permettra à la justice de gagner en temps et en efficacité.

Aboubacar TRAORE

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