Ils ne veulent pas de Dioncounda comme Président de la transition, c'est Amadou Haya Sanogo qu'ils préfèrent, alors il faut ce dernier ou rien. L'avis de Sanogo ne compte pas, ni celui des autres Maliens, encore moins de la CEDEAO. L'heure est grave, le ridicule ne tue plus. Qui sont et que veulent ces hommes ?
[caption id="attachment_65964" align="alignleft" width="350" caption="Le président intérimaire du Mali Dioncounda Traoré (d)"]

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Il y a lieu de lever certaines équivoques. La première porte sur le soutien spontané que ces hommes, comme des aventuriers, prétendent vouer à Sanogo, un parfait inconnu jusqu'à ce 22 mars 2012 où le Capitaine est passé d'une mutinerie à un coup d'Etat. Si par principe le coup d'Etat, crime proscrit par la Constitution n'est pas soutenable, l'acte posé ce jour tire son essence des faits et circonstances qui ont conduit à l'engendrer. Tout au moins selon la version des soldats qui ont déserté en plein combat contre les rebelles pour défaut de nourriture, d'armes et de munitions sans lesquelles il n'y a point d'armée ni de combattants sauf à se donner tout bêtement à la mort. C'est dans ces conditions intolérables que des femmes ont perdu leur mari, des pères et mères ont perdu leur (s) enfant (s), des enfants ont perdu leur père. Le camp de Kati, qui abrite nombre de ces veuves, orphelins et parents désormais sans soutien, est devenu dès lors un lieu sinistré où il n'y avait plus de place que pour la révolte. Les femmes ont tout avoué au Président Amadou Toumani Touré jusqu'au Palais présidentiel. Tout le monde a pu voir les images des atrocités commises à Aguel'hoc. Il n'y avait plus qu'à pilonner immédiatement les positions rebelles, au moyen des avions de combat. On en a beaucoup vu lors des fêtes anniversaires de notre indépendance (22 septembre) et de l'armée (20 janvier). Où sont-ils passés ces avions ? En outre, ne pouvait-on pas avoir des avions plus sophistiqués et des pilotes spécialisés d'où qu'ils viennent ? Mais non, Att a joué au défaitiste, et l'armée qui n'en pouvait plus a alors pris ses responsabilités à travers le CNDRE. Tout le monde connaît la suite. Att est chassé du pouvoir, l'espoir est né de voir un autre Mali, celui de notre rêve commun. C'est en cela que l'on comprend le soutien voué à Sanogo. Afin qu'il puisse poser des actes dans le but du changement escompté, avec comme préalables la victoire sur la rébellion, l'organisation d'élections crédibles au cours desquelles les populations seront sensibilisées dans l'objectif de porter leur choix sur des hommes et des femmes intègres et patriotes, capables d'assurer à notre pays le changement attendu.
La seconde équivoque porte sur la nature du soutien que la COPAM voue à Sanogo. Les intéressés exhibent des arguments qui ne tiennent pas du tout la route. Et pour causes ?
Lorsqu'ils parlent de changement, ils oublient que les armes ne doivent en aucun cas servir de moyens. En démocratie - pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple - c'est le verdict des urnes qui offre le changement. Les responsables de la COPAM le savent bien, notamment ceux parmi eux qui ont créé des partis politiques dont l'objectif principal est la conquête du pouvoir par les urnes. Nous ne leur apprenons rien, nous plaignons tout simplement leur attitude de se réjouir des séquestrations et de faire abattre des leaders politiques par les violences de toutes sortes : violence verbale, violence physique. Ces hommes sont-ils incapables de s'unir au sein d'une alliance politique, ou pensent-ils que même avec une alliance ils ne peuvent pas battre l'Adéma ou l'Urd à la présidentielle, ni aux législatives, encore moins aux communales ? Pour eux si donc Dioncounda devient Président de la transition, cela favoriserait davantage l'Adéma à la présidentielle qui aura une influence sur le reste des scrutins. Alors le changement escompté n'aura pas lieu. Voilà pourquoi il faut soutenir Sanogo pour détruire les grands partis. Voilà pourquoi Ibrahim Boubacar Kéita a lui aussi tourné la veste pour suppléer aux deux partis qui l'ont battus aux dernières élections. Voilà pourquoi la COPAM ne pouvait pas renoncer à son projet de porter Sanogo à la présidence de la République. Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt.
En effet, à la présidence de la République Dioncounda n'a aucune possibilité de tricher en faveur de l'Adéma. D'abord il n'a pas la réalité du pouvoir pour la simple raison qu'on est arrivé à le tabasser jusque dans son palais. Ensuite c'est le CNRDRE qui détient le portefeuille chargé d'organiser les élections, sous la direction d'un Premier ministre avec les pleins pouvoirs. Enfin Dioncounda ne peut plus être candidat à la présidentielle et l'Adéma perd du coup son candidat le plus valeureux au terme de sa convention d'investiture. Aussi, comment Dioncounda oserait tricher en faveur de l'Adéma pour s'exposer à une révolte généralisée ? Comment peut-on oublier que le Président peut perdre les élections, même s'il est candidat à sa propre succession ? En France et au Sénégal, pour ne citer que ces deux pays, les présidents sortants viennent de perdre les élections qu'ils ont organisées avec toutes les faveurs possibles.
En définitive, il n'y a pas lieu d'en vouloir à Dioncounda, ni de s'accrocher à Sanogo. Les responsables de la COPAM doivent plutôt en vouloir à leur destin de jamais gagnants et s'accrocher au travail politique qui est le leur sur toute l'étendue du territoire. Ils doivent arrêter de se prendre pour le peuple qui leur a toujours préféré l'Adéma.
Enfin, l'équivoque doit être levée sur la nature du pouvoir Att. Il ne s'agissait ni plus ni moins que du pouvoir d'un indépendant doublé du militaire. Un fait unique dans l'histoire de la démocratie à travers le monde. Une autre exemplarité malienne qui a fini par échouer. Comme pour dire que la gestion des affaires doit revenir aux partis politiques et non à un indépendant ou un militaire. Pour rappel, le général Moussa Traoré a également échoué. Aussi, Modibo Kéïta avec sa milice plus puissante que l'armée a échoué. Seul l'homme politique Alpha Oumar Konaré a réussi, avant d'être porté à la tête de l'Union Africaine qu'il a dirigée avec succès. Et faut-il le rappeler, Att ne disait-il pas qu'il est le président de la demande sociale et que c'est lui seul qui répondra de sa gestion du pouvoir ? Pourquoi donc en vouloir aux hommes politiques, jusqu'à oublier qu'ils sont les principaux acteurs du processus électoral ?
Quoi qu'il en soit, Dioncounda restera le Président de la Transition, n'en déplaise à ceux qui veulent profiter d'un coup d'Etat et fondent leur espoir de changement non sur le peuple, mais sur Sanogo qui n'a de vérité que celle des armes. Et les armes ne feront-elles pas mieux de parler au Nord plutôt qu'au Sud ?
Mamadou DABO