Nous devons regarder l'ombre : Le racisme "brillant" du siècle des lumières Le miroir brisant de la vérité
Nous avons grandi avec le récit d'une France des Lumières, phare de la raison et de la liberté.

Nous avons vénéré ses auteurs, célébré leurs mots, les considérant comme nos «ancêtres», porteurs d'un héritage intellectuel dont nous étions fiers. Pourtant, les propos attribués à ce grand homme de lettres, le Comte de Buffon, nous forcent à briser ce miroir.
Face à ces lignes qui déploient une idéologie de la supériorité raciale et justifient froidement l'horreur de la traite négrière, nous ressentons une profonde indignation. Notre héritage n'est pas monolithique. Il est temps que nous cessions de chérir aveuglément la «brillance» pour confronter l'abjection qui a été sciemment masquée.
Le polygénisme et la négation de l'humanité
Les affirmations de Buffon, telles que «Les hommes n’ont pas tous la même origine» ou «Jamais homme un peu instruit n’a avancé que les espèces non mélangées dégénérassent», sont le fondement même du polygénisme.
Cette théorie, aujourd'hui réfutée, prétendait que les races humaines avaient des origines séparées, contredisant l'unité de l'espèce humaine (monogénisme).
L'idéologie du déclassement
Les passages infâmes comparant les «nègres» aux singes, «C’est une grande question, les Noirs, s’ils sont descendus du singe ou si les singes sont venus d’eux», ne sont pas le fruit d'une simple ignorance. Ils sont une construction délibérée visant à déclasser une catégorie d'êtres humains. Nous voyons ici le savoir mis au service de la haine, le «brillant» naturaliste se transformant en théoricien de la déshumanisation.
L'essentialisation de la différence
Lorsque Buffon décrit les caractéristiques physiques («Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses») pour en déduire «la mesure même de leur intelligence», nous assistons à la naissance de l'essentialisme racial. L'infériorité n'est plus un accident, mais une caractéristique intrinsèque, définitive, et non modifiable par le climat, justifiant ainsi l'oppression universelle.
La traite négrière: l'abjection économique
L'aspect le plus glacé de ces citations est la justification du commerce des esclaves. Buffon y voit une «bonne affaire en même temps qu’une bonne action».
Le cynisme du capitalisme
L'auteur inverse la moralité: l'acheteur (l'Européen) devient le bienfaiteur, celui qui «soustrai[t] à la mort tant de malheureux nègres». La véritable ignominie est rejetée sur le peuple africain lui-même, accusé de «trafique[r] ses enfants». Nous devons y voir une stratégie rhétorique classique: décharger l'oppresseur de toute culpabilité en imputant la faute à la victime.
La légitimation par la supériorité
Le propos «Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maitre était né pour en avoir» est une phrase clé. Elle résume la mentalité coloniale: l'esclavage n'est pas un crime, mais la preuve naturelle d'une hiérarchie raciale, une destinée.
Nous comprenons que le racisme n'était pas un accident moral, mais le moteur idéologique et économique de la traite et de la colonisation.
Notre devoir face à l'héritage
Ces textes nous rappellent une vérité dérangeante: une partie du génie intellectuel français a été complice et architecte de l'oppression.
Les discours racistes de Buffon et d'autres figures célèbres du passé ne sont pas seulement «leurs valeurs», comme vous le notez, mais un lourd fardeau historique que nous portons collectivement.
Notre responsabilité aujourd'hui n'est pas d'effacer ces figures, mais de les lire intégralement: de reconnaître la contribution scientifique d'un côté et de dénoncer sans équivoque la pensée raciste de l'autre.
En ne séparant pas l'homme du penseur, en ne minimisant pas la toxicité de ces écrits, nous faisons le choix de la lucidité historique.
C'est le prix à payer pour que les valeurs d'égalité, d'humanité et d'antiracisme, nos valeurs, puissent véritablement prendre le pas sur les ombres du passé.
AKD
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