Sikasso sous couvre-feu : Quand le balafon repousse l’heure du silence
À Sikasso, dès 23h, les rues se vident, les motos s’éclipsent, les commerces baissent leurs rideaux. Pourtant, le couvre-feu officiel ne débute qu’à minuit. Dans la cité verte du Kénédougou, la peur a pris une heure d’avance sur la loi.

Depuis plusieurs mois, les autorités régionales ont instauré un couvre-feu nocturne pour faire face à la recrudescence des attaques terroristes et islamistes. Officiellement fixé à 00h, il est devenu une norme sociale dès 23h. Les habitants, par prudence, préfèrent éviter toute confrontation avec les patrouilles ou les risques liés à la nuit.
"Même si le couvre-feu commence à minuit, personne ne veut être le dernier dehors. À 23h, Sikasso devient une ville fantôme", confie une vendeuse de brochettes.
La mesure a profondément transformé les habitudes nocturnes. Les boîtes de nuit ont fermé leurs portes, les balani shows ont disparu des carrefours et les grins, ces lieux de discussion informels, se sont tus dans les ruelles.
Les forces de l’ordre, en alerte permanente, quadrillent la ville. Dans la circulation, des policiers armés veillent, kalachnikov en bandoulière, à maintenir l’ordre et prévenir toute attaque.
Mais du 9 au 11 octobre, Sikasso a retrouvé un souffle nocturne. À l’occasion de la 9ᵉ édition du Festival international Triangle du Balafon, les autorités ont assoupli régionales de manière officieuse les horaires du couvre-feu. Objectif : permettre aux concerts, expositions et veillées culturelles de se dérouler dans une ambiance festive et sécurisée.
"Le balafon ne se joue pas à l’heure des horloges, mais à celle des âmes. Il fallait que la ville vive au rythme de sa culture", a déclaré un membre du comité d’organisation régional.
Pour accompagner cet allègement, un dispositif sécuritaire renforcé a été mis en place autour des sites du festival. Des patrouilles mixtes ont veillé à la fluidité des déplacements et à la protection des festivaliers. Résultat : une atmosphère sereine, où les sons du balafon ont remplacé les bruits de bottes.
L’expérience a relancé le débat sur la pertinence et la durée du couvre-feu. Certains habitants espèrent un réajustement plus durable, d’autres rappellent que la sécurité reste fragile.
"Ce festival a montré qu’on peut vivre la nuit sans craindre le pire. Il faut maintenant que les autorités trouvent un équilibre entre vigilance et liberté", estime un habitant de Sikasso.
Ousmane Mahamane
(De retour de Sikasso)
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