La sorcière Sounkoura avait donné son fils Niason au groupe de sorcières à laquelle elle faisait partie. Mais Konsé, la dulcinée de Niason, déjouera tous les complots ourdis par ce groupe de sorcières contre son amant et cela, à cause de l’amour qu’elle éprouve pour ce dernier.
Les faits se déroulent dans un vieux village qui a existé il y a un millénaire dans le Mandé au fin fond de la savane entre Djitoumou et Ouassolo. Cette zone regorge des terres les plus fertiles où réussissent l’agriculture, la cueillette, l’élevage et la chasse. De nombreuses confréries cohabitent ainsi dans l’ambiance et les intrigues, mais aussi dans la magie, la science occulte, la mythologie et la sorcellerie qui est l’apanage des femmes, surtout des vieilles. C’est un regroupement d’individus qui possèdent une certaine connaissance mystérieuse, voire mystique, occulte, souvent au service de la protection du village et de son autosuffisance alimentaire, de la prévention de la communauté contre les maladies, dangers aléas de la nature. C’est en se protégeant de la magie et de la science occulte, d’abord contre son semblable, ensuite contre la nature et les esprits maléfiques, que l’homme chercha et trouva des moyens et mécanismes irrationnels ; surtout pour détruire et non pour construire, mais toujours pour assurer la sauvegarde de la communauté dans la paix, la quiétude et la concorde. Une attention particulière était accordée par tous et à tous pour le bien et la protection de tous. C’est pourquoi on dénombrait d’ailleurs très peu de fous ou de folles au sein de la société. Cette aisance sociale était favorisée par de bonnes saisons pluvieuses et de moissons prodigieuses. Les hommes vaquaient à une multitude de recherches, surtout occultes, pour mieux dompter la nature, en commençant par la leur propre. Les femmes n’étaient pas en reste dans cette propagation du savoir mystique. C’est la « sorcellerie » qui était plutôt la panacée des femmes, des jeunes et surtout des vieilles.
Victime de sa propre sorcellerie ?
«
L’amour est à la base de tout. Qu’il provienne de Dieu ou des êtres, c’est bien par amour qu’on crée et procrée », a-t-on dit. C’est également par ce même amour qu’on protège et sauve tout contre tout. Dans un petit village perdu entre Djitoumou et Ouassolo, un homme s’était entêté à marier une femme qu’on accusait d’être une sorcière. Cette femme suspecte donnera son propre fils, Niason, comme sa quote-part au groupe de sorcières à laquelle elle appartenait. Mais il se trouve que la dulcinée de Niason était aussi une sorcière appartenant au même groupe de sorcières que sa belle-mère (la mère de Niason).
La nuit tombée, les sorcières se regroupèrent vers 3 heures du matin en un endroit inconnu de tout le monde pour planifier l’assaut qu’elles doivent mener contre la proie offerte par l’une d’entre-elles car c’est à tour de rôle que chaque membre doit offrir un enfant au groupe de sorcières. C’est ce qui assure d’ailleurs la pérennisation du groupe. Et c’est pourquoi on dit : «
Niogon ba doun dé bé souya diya ».
Cette nuit-là, c’était au tour de la mère de Niason d’offrir son enfant au groupe. Alors, à 3 heures du matin, en présence des autres sorcières (dont Konsé, la dulcinée de Niason), le groupe décida d’attraper Niason dans sa maison après que sa mère leur ait donné toutes les indications nécessaires pour ce faire. Métamorphosées en vautours et autres sortes d’oiseaux, les sorcières se séparèrent dans l’espoir de dévorer Niason le jour suivant. Mais entre temps, Konsé (la dulcinée de Niason) vint avertir ce dernier du complot fomenté par sa propre mère pour le livrer aux sorcières le lendemain à 3 heures du matin. Si bien que le jour du rendez-vous, les sorcières ne trouvèrent rien dans la maison de Niason et rentrèrent bredouilles. Le lendemain, les sorcières se retrouvèrent au même endroit. Cette fois encore, la mère de Niason fera une autre promesse de donner son fils pour le jour suivant. Mais Konsé (la dulcinée de Niason) avertit de nouveau son amant. Encore une fois, les sorcières ne trouvèrent pas Niason dans sa maison à l’heure indiquée. C’est alors qu’elles proposèrent un choix à la mère de Niason : qu’elle se livre elle-même si elle est incapable de donner son fils. Mais la pauvre vieille (la mère de Niason) demanda au groupe de sorcières un délai d’une semaine au bout de laquelle elle fera tout pour livrer son enfant : promis, juré.
Que ne ferait-on pas à cause de l’amour ?
Auparavant, Konsé avait fait en sorte que son amant (Niason) assiste à la réunion du groupe des sorcières tout en se mettant à l’abri puisqu’elles se rassemblent en se transformant en oiseaux ou en animaux sauvages. C’est ainsi que Niason entendit et comprit tous les rouages du complot tramé contre lui par sa propre mère et les sorcières. Le lendemain matin, Niason expliqua donc tous les dessous de l’affaire à son père. Alors, ce dernier lui conseilla de se défendre, sinon il finira par être dévoré par ces sorcières. Le comble, c’est que le père lui-même savait que sa femme était une sorcière !...Avant le rendez-vous fatal, Niason profita donc d’une occasion pour poignarder sa mère qui succomba aussitôt et à l’insu de tous. A la découverte du cadavre de la mère de Niason, sans autre forme de commentaire, on attribua sa mort à son groupe de sorcières parce qu’elle n’a pas été capable d’offrir à son tour son enfant audit groupe. En fait, la mère de Niason ignorait que Konsé, qui est sorcière comme elle dans le même groupe, était la dulcinée de son fils et que c’est elle qui l’informait de tout ce qui se passait au sein du groupe de sorcières et qui a déjoué le complot ourdi contre Niason. Un jour, Niason et Konsé décidèrent enfin de se marier. Mais le père de Niason refusa de donner son accord tout en expliquant à son fils qu’on lui avait également dit de ne pas marier sa mère parce qu’elle était une sorcière. Alors, Konsé pria le père de Niason de les laisser se marier car c’est elle qui déjouera désormais tous les complots des sorciers et sorcières. «
Je serai désormais un antidote contre les sorciers, une Niangouan qui protégera les gens contre la sorcellerie », promit-elle. C’est ainsi que le père de Niason accepta le mariage entre son fils et Konsé. Et ce fut dès lors le début du «niangouanya ». Et désormais, tant qu’il y aura la sorcellerie, il y aura le « niangouanya ».
C’est pourquoi on dit aussi : «
Niangouanya djou be kanou la », c’est-à-dire que c’est de l’amour que l’antidote de la sorcellerie tire son origine.
Abdoulaye Faman Coulibaly