"L'intégration régionale est l'aspiration de tous"

Omar Alieu Touray, président de la Commission de la Cédéao, parle des objectifs et défis de l'institution.

6 Août 2025 - 17:35
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"L'intégration régionale est l'aspiration de tous"
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"L'intégration régionale est l'aspiration de tous"
Omar Alieu Touray le président de la Commission de la Cédéao, veut croire que les objectifs des pays de la région restent en partie les mêmes.Image : Ubale Musa/DW

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest traverse une période difficile. Le départ des trois pays de l'AES de l'organisation sous-régionale - le Mali, le Burkina Faso et le Niger - a affaibli les institutions sous-régionales et affecté les relations entre les Etats.

Néanmoins, Omar Alieu Touray, président de la Commission de la Cédéao, veut croire que les objectifs des pays de la région restent en partie les mêmes, qu'ils soient membres de la Cédéao ou non. C'est ce qu'il a expliqué récemment à notre consoeur Fatou Ellika Muloshi, lors de son passage au Forum sur la gouvernance dans le Sahel, organisé en Gambie. En répondant d'abord aux allégations selon lesquelles la Cédéao serait en train de perdre en pertinence.

 DW : La Cédéao a longtemps fait office de médiateur important dans la région. La Gambie, où nous sommes actuellement, en a elle-même fait l'expérience lors de la crise politique de 2016. Mais l'idée se répand actuellement que cette structure sous-régionale perd de sa pertinence. Comment réagissez-vous à ces allégations?

Cette allégation reste une simple allégation. La Cédéao est toujours considérée comme la communauté économique régionale la plus avancée à l'heure actuelle. Les habitants de la sous-région continuent de profiter de ses réalisations. La Cédéao a su rassembler les gens.

C'est par exemple la seule communauté où vous pouvez vous déplacer librement. Les entreprises peuvent s'établir sans entrave. […]  La Cédéao, en ce moment même, est une zone de libre-échange, c'est un marché commun. C'est là que les produits locaux peuvent être vendus n'importe où au sein de la communauté.

Il est vrai que nous avons des défis à relever en termes de stimulation des échanges intercommunautaires, mais c'est autre chose. Les citoyens et les membres de la communauté sont libres de commercer entre eux.

Et au-delà de cela, nous travaillons sur un certain nombre de projets qui visent à améliorer le bien-être de la population. Nous nous penchons sur les infrastructures, sur la connectivité énergétique, nous envisageons de travailler ensemble dans le domaine de la paix et de la sécurité. Nous travaillons ensemble dans le domaine de la santé et dans d'autres domaines sociaux.

Donc, si vous y regardez de plus près, vous vous rendrez compte que ce que vous entendez sur la Cédéao tient davantage du battage médiatique que de la réalité.

DW : Vous avez mentionné la zone de libre -échange, qui prend de l'ampleur, mais qui n'est pas sans défis. D'autres domaines, tels que l'élimination de l'obligation de visa, sont également au point mort depuis des années, y compris l'idée d'une monnaie unique. Pourquoi faut-il autant de temps pour que certaines de ces idées soient effectivement réalisables?

... Mais cette idée est déjà réalité! Je veux dire par là qu'avec votre passeport, vous pouvez voyager en Afrique de l'Ouest, sans avoir besoin de visa, n'importe où dans la sous-région. La libre circulation est une réalité. Les citoyens de la Cédéao se déplacent librement dans la région.

Bien sûr, il peut y avoir quelques ajustements à faire, mais cela n'a rien à voir avec les politiques communautaires.

En ce qui concerne la monnaie unique, c'est tout à fait dans les cartons. L'année 2027 est la date limite fixée pour le lancement de la monnaie unique et cela nécessite un certain nombre de préalables.

Tout d'abord, il faut une volonté politique - dont les dirigeants ont déjà fait preuve. Mais il faut aussi que certains fondamentaux économiques soient corrects. Vous avez besoin de ce que nous appelons les critères de convergence. Et certains de ces critères pourraient échapper au contrôle de nos États membres. Comme vous le savez, nous venons tout juste de sortir de la Covid qui a vraiment mis nos économies à rude épreuve.

C'est pourquoi les dirigeants ont un peu avancé l'échéance pour que d'ici 2027, nous ayons ce que nous appelons la monnaie unique. 

[…] Pendant la Covid, les États membres ont dû emprunter pour répondre à certains besoins. Cela a donc fait grimper le niveau d'endettement dans beaucoup de nos États membres.

Voici donc quelques-uns des défis que nous essayons de relever. Mais la volonté demeure que l'Afrique de l'Ouest a besoin et doit se doter d'une monnaie unique. Et nous croyons que nous pouvons améliorer notre bien-être grâce à un plus grand commerce communautaire. […] Nous pensons également que nous devons investir massivement dans le secteur productif pour pouvoir exploiter un marché de 400 millions de personnes.

DW : Revenons-en aux efforts de paix, la formation récente de l'AES (Mali, Burkina Faso et Niger) montre que les alliances se divisent de plus en plus. Ces pays se tournent également vers des partenaires non traditionnels comme la Russie et la Chine.

C'est vrai, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont pris la décision souveraine de se retirer de la Cédéao, mais vous devez avoir remarqué que rien n'a changé dans la sous-région. Nous continuons à commercer librement entre nous avec tous les États membres, y compris les trois pays qui se sont retirés. La population continue de jouir de la liberté de circulation dans toute la région, y compris à l'intérieur et à partir des pays qui se sont retirés.

L'intégration régionale est donc l'aspiration de tous, malgré les différentes configurations institutionnelles.

Quand j'étais au Mali en mai, j'ai eu l'occasion de rencontrer les trois ministres des Affaires étrangères de l'AES. Et ce qui est ressorti de cette réunion a été une confirmation de notre volonté de faire en sorte que l'Afrique de l'Ouest reste unie et que les Africains de l'Ouest continuent de bénéficier de l'intégration régionale ou de profiter des gains de l'intégration régionale qui ont été réalisés au cours des 50 dernières années.

DW : Certaines missions de maintien de la paix se sont retirées de ces régions aussi, des troupes internationales. Au moment où nous enregistrons cet entretien, nous venons d'apprendre la mort d'une cinquantaine de soldats au Burkina Faso. Comment assurer que la paix sera rétablie dans ces zones? Est-ce toujours un objectif de la Cédéao?

Tout d'abord, je tiens à présenter mes condoléances à la population. Et aux familles des soldats qui ont perdu la vie dans n'importe quelle partie de notre région ou du continent.

Nous nous sommes rendu compte que le défi auquel nos pays sont confrontés ne peut être relevé que par la collaboration et par des efforts conjoints, et c'est pourquoi l'un des domaines que nous explorons est de savoir comment établir la confiance. Pour que nous continuions à travailler ensemble dans la lutte contre le terrorisme. Le terrorisme, le monde entier y est confronté. Dans le monde entier, il ne peut être combattu qu'ensemble. Aucune entité ne peut à elle seule y remédier. Même les grandes puissances ont montré qu'elles avaient besoin d'alliances pour pouvoir construire et combattre l'insécurité.

Donc, pour nous en Afrique de l'Ouest, que vous apparteniez à la Cédéao ou pas, nous sommes d'accord pour dire que nous devons travailler ensemble pour lutter contre l'insécurité parce que nous nous sentons tous menacés par ce qui se passe dans une partie de notre région.

DW : Pensez-vous qu'il y aura un retour à l'ordre constitutionnel dans ces différents pays ? Parce que ces pays commencent même, en quelque sorte, à façonner la perception du type de leadership que l'Afrique veut établir. Où en est la Cédéao ?

Eh bien, la Cédéao croit beaucoup en l'ordre constitutionnel. C'est la position de la Cédéao amis actuellement, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ne sont pas membres de la Cédéao. Donc, je ne peux me prononcer que de la position de la Cédéao à l'égard de ses États membres.

DW : Donc une ligne a déjà été tracée, vraiment?

Eh bien, officiellement, les trois pays se sont retirés de la Cédéao, mais ils sont membres de la communauté ouest-africaine, et nous devons continuer, et nous continuerons à travailler ensemble pour servir les peuples de l'Afrique de l'Ouest.

DW : Que pensez-vous du rôle des jeunes dans la réconciliation entre l'histoire complexe de l'Afrique et ses aspirations à devenir une force mondiale pour l'avenir?

Lors de la discussion que nous avons eue hier, certains des intervenants étaient extrêmement jeunes et s'exprimaient très clairement sur ce qu'ils veulent, ils ne sont pas contre ce qui est proposé, ce qu'ils demandent, c'est d'être au centre de la scène. Ils veulent faire partie du processus de prise de décision. Ils ne veulent pas rester dans les marges et je suis tout à fait d'accord avec cela.

 

DW : C'est important parce que la plupart d'entre eux viennent de pays sous-développés, […] où l'on continue à parler des mêmes problèmes de pauvreté, d'analphabétisme. Pourquoi faut-il si longtemps au continent pour arriver là où il aspire à être ?

[…] En Afrique, nous devons nous concentrer sur la gouvernance. Et par gouvernance, j'entends la responsabilité, la discipline et la culture des résultats. Nous pourrions être assis sur des mines d'or. Mais sans rendre de comptes, nous ne tiendrons pas nos promesses. Sans discipline, nous n'irons pas très loin.

Et j'insiste beaucoup sur la responsabilité et la discipline, parce que nous avons tendance à penser que seuls les gouvernements devraient rendre des comptes à la population. […] Quel que soit le rôle qui vous est confié, vous devez rendre des comptes à ceux qui vous ont donné les moyens d'agir, en fournissant des résultats. […] Notre priorité doit être la bonne gouvernance.

DW : Merci beaucoup, Monsieur le Président.

C'est moi qui vous remercie.

Source: https://www.dw.com/f

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