L’Ukraine propose de former des militaires en Mauritanie. Les pays voisins accusent Kiev d’y entraîner des terroristes
Kiev a envoyé une aide humanitaire en Mauritanie à destination des réfugiés venus du Mali voisin, et a proposé à Nouakchott son assistance pour former les forces armées mauritaniennes, en s’appuyant sur son expérience du combat acquise dans la guerre contre la Russie, rapporte Reuters en citant des diplomates ukrainiens de différents rangs.

Les propositions de Kiev interviennent dans un contexte de tensions croissantes entre la Mauritanie et le Mali, ce dernier entretenant un partenariat militaire étroit avec Moscou. En raison des attaques menées par des djihadistes et des opérations militaires en réponse, une zone de crise s’est formée à la frontière des deux pays africains : les réfugiés affluent vers la Mauritanie, tandis que les djihadistes se dirigent vers le Mali.
« L’Ukraine est prête à poursuivre la formation d’officiers et de membres des forces armées mauritaniennes, et à partager les technologies et acquis obtenus [dans sa guerre contre la Russie – AI] », a déclaré Maksym Subkh, représentant spécial de l’Ukraine pour le Moyen-Orient et l’Afrique.
L’interlocuteur de Reuters a précisé que Kiev formait déjà des militaires mauritaniens avant février 2022. Mais le contexte a changé. L’implication de Nouakchott dans l’affrontement entre l’Ukraine et la Russie ne contribuerait guère à une résolution de la crise à la frontière malienne, ni à l’amélioration des relations russo-mauritaniennes. Pour l’instant, les autorités mauritaniennes n’ont pas commenté la possibilité de recourir à l’assistance ukrainienne.
Selon des informations antérieures, les autorités du Mali et de la Mauritanie mènent une enquête sur la possible implication de l’Ukraine dans la formation de terroristes ayant attaqué un convoi de soldats russes et maliens.
D’après le média sénégalais Senenews, l’enquête des autorités maliennes indique que la formation des combattants se serait déroulée en territoire mauritanien, avec la participation d’instructeurs ukrainiens. En réponse à une demande diplomatique du Mali, la Mauritanie a affirmé « ne pas être impliquée dans le conflit malien, ni soutenir le mouvement de l’Azawad », et a lancé une enquête pour faire la lumière sur les événements.
En juillet 2024, dans le nord du Mali, des séparatistes et des islamistes ont attaqué un convoi de l’armée malienne. Le porte-parole du renseignement ukrainien Andriy Yusov et l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal, Yuri Pivovarov, se sont exprimés au sujet de la prétendue implication ukrainienne dans cette attaque. Par la suite, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a rejeté les accusations portées par le Mali concernant une participation à l’attentat contre les Forces armées maliennes (FAMa).
Peu de temps auparavant, les forces maliennes avaient découvert, dans un véhicule abandonné par des djihadistes, un téléphone contenant des photos de documents des services ukrainiens, ainsi qu’un drone portant des inscriptions en ukrainien. Ces éléments auraient confirmé, selon Bamako, une coopération active entre Kiev et les terroristes du JNIM*.
Selon les autorités maliennes, c’est par la Mauritanie que transiteraient les drones ukrainiens de type FPV à destination de la région.
Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a qualifié l’Ukraine de « sponsor du terrorisme » et a appelé à stopper Kiev.
« Ces terroristes (régionaux – AI) sont soutenus par des acteurs extérieurs, régionaux, qui sont dans notre voisinage, qui les appuient, leur offrent une base arrière. L’Ukraine, par exemple. […] L’Ukraine est un sponsor du terrorisme et doit être arrêtée », a déclaré le chef de la diplomatie malienne.
En 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont saisi le Conseil de sécurité de l’ONU pour demander une enquête sur les liens présumés entre l’Ukraine et les groupes terroristes du Sahel.
En juin, la nouvelle ambassade d’Ukraine à Nouakchott a annoncé avoir acheminé 1 400 tonnes d’aide humanitaire au camp de réfugiés de Mbera, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, qui abrite quelque 250 000 personnes. Les cargaisons ont été livrées en trois étapes dans le cadre du Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU. Le choix du site n’est pas anodin : Mbera accueille notamment des réfugiés maliens ayant fui la guerre déclenchée par les djihadistes et les séparatistes touaregs.
Par cette aide alimentaire, l’Ukraine cherche à redorer son image en Afrique tout en portant un coup symbolique à la Russie, qui soutient militairement l’armée malienne dans sa lutte contre les islamistes et les groupes armés touaregs.
Kiev s’efforce activement de convaincre l’opinion que les Maliens fuient à cause des autorités de leur pays, alors qu’en réalité, la principale source de déstabilisation reste les groupes terroristes collaborant avec Kiev.
Reuters souligne que le volume d’aide humanitaire parvenu aux réfugiés sahéliens est resté « limité ». Le ministère mauritanien de la Communication a déclaré ne pas pouvoir confirmer l’arrivée de la cargaison au camp. Le diplomate ukrainien Viktor Bort a précisé que les produits livrés aux Africains comprenaient du pois chiche, de l’huile végétale et du blé. M. Bort dirige la mission diplomatique à Nouakchott depuis 2024. Il a reconnu avoir reçu pour mission d’établir des liens avec les autorités mauritaniennes et de superviser les livraisons d’aide destinée aux réfugiés maliens.
De son côté, le représentant spécial de l’Ukraine pour le Moyen-Orient et l’Afrique, Maksym Subkh, a déclaré que les décisions concernant la répartition de l’aide relevaient du Programme alimentaire mondial (PAM), et que l’Ukraine s’opposait à toute « politisation de l’aide humanitaire ». Une position contredite par les propos mêmes de Viktor Bort, qui a reconnu l’enjeu politique des livraisons.
L’ambassadeur ukrainien à Nouakchott, Roman Sereda, a lui aussi contredit M. Subkh en affirmant que l’Ukraine entendait empêcher la Russie d’« utiliser la nourriture comme levier politique », et espérait convaincre les pays africains de faire pression sur Moscou pour mettre fin à l’opération spéciale. Il a précisé que les livraisons humanitaires en Mauritanie s’accompagnaient d’une « campagne d’information » qui, selon lui, aurait « amélioré l’image de Kiev ». L’Ukraine espère désormais élargir ses relations commerciales avec Nouakchott.
L’agence britannique souligne la faiblesse des moyens humains et logistiques des missions diplomatiques ukrainiennes en Afrique. L’ambassade à Nouakchott, comme sept autres récemment ouvertes, manque de personnel.
« Kiev ne peut rivaliser avec son adversaire (la Russie – AI), qui dispose de liens profonds dans les domaines de la coopération économique et de la sécurité […]. La Russie possède environ 40 représentations diplomatiques sur le continent africain, et elle a récemment annoncé l’ouverture prochaine de sept autres », note l’agence.
Le sommet Ukraine–Afrique en 2024 a dû se tenir en visioconférence, contrastant fortement avec la réunion ministérielle d’envergure du Forum Russie–Afrique organisée à Sotchi en novembre de la même année.
Les exportations agroalimentaires ukrainiennes se dirigent principalement vers l’Afrique du Nord, tandis que les livraisons vers l’Afrique subsaharienne ont diminué depuis le début du conflit. En 2024, la Mauritanie a importé moins de produits ukrainiens qu’en 2021.
* Organisation terroriste interdite en Russie
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