Le Prof Samba Sow à l’issue de sa visite inopinée à Sikasso : « Une grosse équipe de plus 100 personnes ira corriger les faiblesses constatées sur le terrain»

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Pr Samba Sow
Pr Samba Sow

A l’issue de sa visite inopinée dans la région de Sikasso pour s’enquérir des dispositifs sanitaires mis en place contre Ebola, le Prof Samba Sow, coordinateur de la Cellule Opérationnelle d’urgence contre l’Ebola, récemment nommé conseiller spécial du président de la République en charge d’Ebola, dans un entretien qu’il nous a accordé » nous livre ses impressions sur ce qu’il a vu sur le terrain. Lisez plutôt.

 

Le Tjikan : quel était l’objectif de cette visite à Sikasso ?

Prof  Samba Sow : Le but de cette visite était de surprendre les agents  depuis  les autorités régionales jusqu’au niveau du District sanitaire pour descendre au niveau des cercles. Il s’agissait de les surprendre à l’état naturel parce que nous avons fait assez de visites où nous avions été annoncés. Je me suis dit que  pour les visites annoncées, les gens ont le temps de réparer ce qui ne va pas, c’est pourquoi nous avons décidé de faire des visites inopinées pour  nous  enquérir des réalités sur le terrain. C’était un souhait exprimé par le président de la République, le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique et l’ensemble du gouvernement. Il ne s’agissait pas de venir faire mal aux agents sur le terrain. Ce n‘est pas parce que nous n’avons pas confiance en eux. Ils sont en train de travailler de nuit comme de jour dans des conditions très difficiles. Notre visite avait pour objectif essentiel de  voir la réalité, dans quelles conditions ils travaillent pour pouvoir corriger au plus vite  les manquements.

 

Quels ont été vos premiers constats sur le terrain ?

S.S : Mes  premiers constats lors de cette visite, c’est qu’il ya des faiblesses. Mais la  toute première constatation est que malgré les difficultés, nous avons trouvé  de la présence humaine partout où nous avons passé. L’homme est là,  les agents de santé et de sécurité sont présents, ils sont en train de nous assister et nous accompagner dans la lutte contre Ebola. Il s’agit de la douane, la gendarmerie, la garde nationale, la protection civile que je remercie au passage.

Le deuxième constat est que le minimum de moyens que le département de la santé a mis à la disposition des équipes sur le terrain est présent partout où nous avons passé. Même s’il ya de temps en temps des manquements  et des points à corriger. Tantôt, ce sont des petits équipements qui manquent, tantôt c’est le traitement du personnel qui fait défaut. Car il y            a des personnes qui sont là depuis plus d’un mois et qui n’ont  perçu aucun salaire. Une situation à corriger de toute urgence.

Un autre constat comme à Zegoua, c’est que les transporteurs ne sont pas sensibilisés à fond. Surtout les conducteurs de tricycles. Ce n’est pas seulement à Zegoua, même à Kouremalé, à Kenieba, ils refusent d’obtempérer. Ce qui pousse souvent les agents de sécurité à utiliser contre eux des méthodes un peu fortes. Nous  avons eu une première rencontre de sensibilisation  et d’information avec les gestionnaires de ces compagnies de transport et ensuite avec leurs syndicats. Maintenant, la deuxième étape sera de les former par groupe afin que leurs syndicats prennent le relais pour leur passer l’information.

 

Quels sont les sentiments qui vous animent après cette mission ?

S.S : Je suis assez satisfait de la situation, car j’ai trouvé la présence humaine partout et un début de reflexe Ebola partout où nous avons passé au niveau des équipes socio-sanitaires et des communautés. J’ai trouvé mes collègues de la santé présents dans les coins les plus reculés du Mali, dans les conditions les plus difficiles et avec peu de moyens à leur disposition en train  de travailler. Cela est absolument remarquable. Je ne peux que  les féliciter et les encourager sur cette voie au nom du ministre de la Santé, du gouvernement du Mali et au nom du président de la République.

 

La turbulence s’éloigne de nous, quelles mesures allez-vous prendre pour  toute autre éventualité au Mali ?

S.S : La turbulence est en train de s’éloigner de nous mais pour éviter qu’il y ait une autre turbulence, c’est exactement ce que nous sommes en train de faire : aller sur le terrain afin de corriger les manquements.

Aussi, nous devons communiquer au maximum, boucler le pays. Il  ne s’agit pas de fermer les frontières du pays  mais boucler le passage pour le virus Ebola.   Aujourd’hui, le réservoir principal de ce virus, c’est l’homme malade. Il faut faire en sorte que nos cordons sanitaires, nos équipes socio-sanitaires même dans les coins les plus reculés soient équipés pour faire le contrôle sanitaire qui ne prend pas de temps. Afin de confirmer ou d’infirmer les éventuels cas suspects. Mais aussi, procéder à la prise en charge rapide des cas confirmés.  La seule façon de faire en sorte que le virus n’entre pas et contamine  nos communautés est de prendre les dispositions qui s’imposent.

Pour ce faire, une grosse équipe de plus 100 personnes  sortira pour aller corriger toutes les faiblesses enregistrées au cours de cette mission en termes d’équipements, de ressources humaines, de  matériels, de formation, de communication et de mobilisation communautaire.

 

Qu’allez-vous faire pour le cas spécifique de Sikasso où il y a des sites d’orpaillage qui drainent des étrangers ?

S.S : Pour Sikasso, la situation est difficile et critique car c’est une zone d’orpaillage par excellence. Alors, il faut pour cela des mesures particulières. Nous allons identifier des points et des personnes ressources, installer immédiatement des équipes socio-sanitaires et des cordons sanitaires qui travailleront  en permanence afin qu’il y ait des  dépistages. Au niveau des sites d’orpaillages, nous allons travailler avec les « Tonboloma », les chasseurs qui assurent la sécurité et qui sont bien organisés afin que  tous les jours, chaque personne vivant  dans ces sites se fasse contrôler par les équipes en place.Aussi,  chaque étranger qui viendra au  niveau de ces sites sera conduit  chez les agents dans les cordons sanitaires afin de subir le contrôle. Nous avons visité des sites où vivent  près de 20.000 personnes. Des sites où les étrangers  sont plus nombreux que les Maliens.

 

Est-ce qu’il existe aujourd’hui un gel certifié par le ministère de la Santé du Mali ?

Aujourd’hui, il n’existe pas de gel certifié ni par le ministère de la Santé du Mali, ni par l’OMS pour dire que c’est le meilleur gel à utiliser tout simplement parce qu’une une étude n’a pas été faite là-dessus pour indiquer le gel que l’OMS recommande. Depuis qu’Ebola a commencé, les gels viennent de partout, mais la meilleure solution est de se laver les mains avec de l’eau javellisée, de l’eau chlorée à 0,05% ou avec de l’eau et du savon.

Propos recueillis par D. Diama

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