Abrogation de la charte des partis politiques : Éclairages sur le quitus du CNT
Le Conseil National de Transition a adopté, le 12 mai 2025, le Projet de loi portant abrogation de la Loi 005-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques et de la Loi 2015-007 du 04 mars 2015 portant Statut de l'opposition politique.

Cette loi ne signifie en aucun cas un rejet du multipartisme ou de la démocratie, principes fondamentaux consacrés par la Constitution du 22 juillet 2023 (articles39 et 185). Il s'agit plutôt d'une phase transitoire, visant à créer un espace juridique vierge pour la construction d'un nouveau cadre plus adapté aux exigences de la refondation en cours.
La Commission des Lois a été saisie au fond pour l'étude du dépôt 2025/33 CNT, projet de loi portant abrogation de la Loi 05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques et de la Loi 2015-007 du 04 mars 2015 portant statut de l'opposition politique. Le document dénommé Loi n°2025-005 du 13 Mai 2025 portant abrogation de la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des Partis politiques, et la Loi n°2015-007 du 04 Mars 2015 portant Statut de l'opposition politique, a été adopté par le Conseil national de Transition qui a délibéré en sa séance du 12 mai 2025. Pour l'examen du projet de loi, la Commission des Lois a procédé à l'analyse du projet de loi et des documents y afférents ; à l'identification des personnes ressources ; à l'organisation des séances d'audition ; et la rédaction et l'adoption du rapport. La Commission des Lois du Conseil national de Transition, dans son rapport N°25-03/CNT/CLCLIDHIR, déposé au bureau du CNT sous le numéro 2025/33CNT, a apporté des éclaircissements sur le Projet de loi portant abrogation de la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques et de la Loi 2015-OO7 du 04 mars 2015 portant statut de l'opposition.
Tournant décisif
D'un trait de plume de sa main, Assimi Goïta a purement et simplement validé la Loi d'abrogation par Décret n°2025-339 PT-RM du 13 mai 2025. Juste après que ledit projet de loi aie été adopté par les membres du Conseil National de Transition, instance législative. À sa suite, le Conseil des ministres, réuni en session extraordinaire le 13 mai 2025 sous la présidence du Général d'Armée Assimi Goïta a pris cette décision majeure qui marque un tournant décisif dans la vie politique du Mali.
Le Chef de l'État, en promulguant la loi dont la teneur suit : «Article 1er : sont et demeurent abrogées, dans toutes leurs dispositions, la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques et la Loi n°2015-007 du 04 mars 2015 portant Statut de l'Opposition politique ; Article 2 : une loi détermine les conditions de formation et d'exercice des activités des partis politiques, conformément à la Constitution ; Article 3: la présente loi sera enregistrée et publiée au Journal officiel. Bamako, le 13 mai 2025. Le Président de la Transition, Chef de l'État, Général d'Armée Assimi Goïta» - tourne une page de l'histoire politique du Mali. En même temps qu'il ouvre une nouvelle page vierge. Les jeux sont donc faits.
Sous l'intitulé de loi d'abrogation n°2025-005 du 13 mai 2025, la nouvelle loi entre en vigueur une fois son adoption et sa promulgation actées par insertion dans le Journal officiel. Cette décision s'inscrit dans la mise en œuvre des recommandations issues des Assises nationales de la Refondation (ANR).
Dissolution actée et mesures conséquentes
C'est donc bien légalement que, sur rapport du ministre délégué, le Conseil des ministres a adopté le projet de décret portant dissolution des partis politiques et des organisations à caractère politique sur l'ensemble du territoire national. Quant à la Loi nouvelle, elle va notamment contribuer à initier un dialogue véritable avec les acteurs politiques et ceux de la société civile ; et de restructurer et rationaliser les partis politiques existants et debout dans la nouvelle ère "démocratique" et générique de la 4ème RÉPUBLIQUE DU MALI.
Les principales recommandations issues de ces consultations, qui ont motivé la dissolution, sont : la dissolution des partis et réorganisation par une nouvelle législation ; la suppression du financement public des partis, l'audit du financement public des partis ; la suppression du statut du chef de file de l'opposition ; la relecture de la Charte de la Transition pour un mandat présidentiel prolongé pour le Général d'Armée Assimi Goïta et le durcissement des conditions de création des partis.
Le décret prévoit des mesures strictes pour accompagner la dissolution : l'interdiction de toute réunion des membres des partis et organisations dissous ; l'interdiction de favoriser ces réunions, notamment par la mise à disposition de locaux ou de moyens ; l'Interdiction d'exercer toute fonction de fondateur, président, directeur ou administrateur dans les organisations dissoutes ; l'interdiction de toute autre activité politique ou à caractère politique de la part des organisations dissoutes.
Assurance du maintien de la démocratie
La Charte abrogée, en vigueur depuis 2005, ne répondait plus aux réalités institutionnelles et politiques du Mali, et son abrogation, tout comme celle du statut du chef de l'opposition politique, permettra de poser les bases d'une nouvelle législation plus cohérente, inclusive et conforme à la Constitution du 22 juillet 2023.
Dans une démarche constructive, le projet de loi initié par le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du soutien au processus électoral, avait déjà été adopté par le Conseil des ministres, en sa séance du 30 avril 2025. Auparavant, le ministre délégué avait d'abord adressé des lettres individuelles aux partis politiques et aux organisations de la société civile, le 19 décembre 2024, en vue de recueillir leurs propositions, au plus tard le 14 mars 2025. C'était dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des ANR pour la relecture de la Loi 05-047 du 18 août 2005 portant charte des partis politiques.
D'après le ministre délégué Mamani Nassiré, sur les 297 partis politiques existants et formellement saisis, seuls 137 partis politiques ont répondu aux correspondances qui leur ont été adressées. Il s'en suit que 160 partis politiques, soit la majorité des partis politiques, n'ont pas répondu. Quant aux organisations de la société civile, sur les 94 organisations saisies, seules 8 ont répondu et 86 n'ont pas réagi. À l'issue du dépouillement des réponses des partis politiques et des organisations de la société civile, il est ressorti qu'au lieu des propositions concrètes permettant la mise en œuvre des recommandations des ANR, les partis politiques se sont contentés de généralités, sans aucune modalité opérationnelle de mise en œuvre des recommandations.
Ces constats ont fait l'objet d'une communication verbale du ministre délégué, lors du Conseil des ministres du vendredi 04 avril 2025. Telle est l'économie de cette Loi d'abrogation qui a débouché sur la consultation des Forces vives de la Nation et des Maliens établis à l'extérieur, après que le Conseil des Ministres du mercredi 09 avril 2025 ait validé et lancé lesdites concertations, organisées en deux phases : une phase régionale, du District de Bamako et des Ambassades et Consulats, tenue les 16 et 17 avril 2025 et une phase nationale, tenue à Bamako les 28 et 29 avril 2025. La grande majorité des personnes ressources auditionnées ont salué l'initiative de ce projet de loi dans la mesure où son adoption permettra de fonder un nouveau cadre juridique plus adapté aux aspirations de refondation exprimées par les Forces vives de la Nation, en cohérence avec les recommandations des ANR de 2021. Afin de donner au gouvernement les coudées franches pour opérer les réformes de façon sereine.
La Loi d'abrogation ne remet en cause ni la démocratie, ni le multipartisme. Car l'article 39 de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2023 dispose que : «Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l'intégrité du territoire national, de l'unité nationale et de la laïcité de l'État».
Les forces vives, formations politiques et les Maliens de la diaspora, ont appelé à une refonte complète du cadre régissant les partis politiques, en mettant fin à la prolifération incontrôlée des formations politiques et en encadrant rigoureusement leur création, leur financement et leur fonctionnement. Ces recommandations, portées par l'abrogation, permettent ainsi au ministère de l'Administration territoriale de suspendre légalement la délivrance de récépissés, en évitant une contradiction juridique née du maintien en vigueur de la Charte. Par les articles 39 et 185 de la Constitution garantissant leur perpétuation, les partis politiques légalement formés sous la nouvelle loi, pourront être reconnus et répertoriés pour participer aux prochaines élections, une fois l'adoption du nouveau texte en préparation entérinée. Comme le prévoit l'article 2 de la loi d'abrogation, qui indique expressément l'élaboration d'une future loi sur les partis politiques. Ce qui éviterait le risque de vide juridique.
Khaly-Moustapha LEYE
La Loi d'abrogation du 13 mai 2025, n°2025-005, comprend ainsi trois articles clés
Article 1er : le CNT prononce l'abrogation des deux lois concernées. Article 2 : le CNT annonce qu'une loi déterminera les conditions de formation et d'exercice des activités des partis politiques, conformément à la Constitution. L'article 3 porte sur les formalités de publication et d'enregistrement de la loi au Journal Officiel.
La Commission des lois est invitée à veiller, dans l'élaboration de la nouvelle législation, au strict respect de la Constitution, à la sécurisation des transitions politiques, à la garantie des libertés fondamentales et à la consolidation des principes républicains. Pour limiter à cet égard, les effets pervers de l'adoption du décret n°2025-0318/PT-RM du 07 mai 2025, suspendant les activités politiques, dans un contexte marqué par l'absence de nouvelle loi encadrant lesdites activités. Une situation jugée de nature à accentuer les tensions sociales et les incertitudes politiques, bien que l'abrogation apparaisse juridiquement justifiée et politiquement pertinente. Elle ne saurait tout de même aboutir sans s'intégrer dans une refondation institutionnelle concertée, équilibrée et respectueuse des aspirations démocratiques.
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