Les soliloques d’Angèle : Menaces sur l’eau, l’or bleu du Mali
Au Mali, le fleuve Niger s’étend sur près de 1 700 kilomètres, traversant le pays du sud-ouest au nord-est. Le Sénégal prend sa source au Fouta Djalon, et de vastes nappes phréatiques reposent sous les sols sahéliens. Pourtant, malgré cette richesse hydrique, la pénurie d’eau potable et la pollution sont réelles

Le fleuve si généreux est pourtant inaccessible depuis les berges de la ville de Bamako et dans beaucoup d’autres localités qu’il traverse. Des quartiers entiers, des villages vivent au rythme des coupures, nécessitant puits et forages. Nous voyons dans certaines zones, dans les chantiers, des vendeurs ambulants d’eau, ou des femmes et des enfants qui s’en vont remplir des bidons, parfois d’une eau douteuse.
Si la rareté de l’eau potable est un problème, la pollution des eaux en est un autre, fléau qui se constate dans la majorité des grandes villes du monde d’ailleurs. Dans de nombreuses zones urbaines, nous voyons sur le fleuve Niger des détritus, des déchets en papier, en plastique, des tissus etc…Résultat : une eau impropre à la consommation, qui devient potentiellement une source de maladies (diarrhées, dysenterie, choléra) et une menace pour les écosystèmes. Je dis bien les écosystèmes car ces eaux en plus de la pêche, servent à la pisciculture, à l’agriculture, à l’élevage…
Selon l’Unicef, une partie importante des maladies infantiles au Mali est liée à l’eau contaminée, (source Stratégie nationale Eau, Hygiène, Assainissement (EHA/Wash) Nutrition Mali 2019). Les faiblesses, voire l’absence de traitement des eaux usées amplifient le problème : les populations consomment parfois la même eau qui a servi de déversoir à des produits chimiques. Les teintureries, très présentes à Bamako, illustrent ce paradoxe cruel : une activité économique vitale, qui fait vivre des milliers de familles, mais qui empoisonne lentement l’environnement.
A cela s’ajoute le rétrécissement que nous pouvons constater à l’œil nu dû au changement climatique, aux pratiques agricoles non contrôlées sur les berges, au dragage continue du sable, une activité interdite sans autorisation, en se référant au nouveau code minier (loi n°2023-040 du 29 août 2023). Le Mali, riche en eau, vit donc une contradiction : « avoir l’or bleu mais avoir soif » !
Face à cette situation, plusieurs pistes se dessinent : développer des stations de traitement des eaux usées adaptées, y compris pour les petites teintureries artisanales et les sensibiliser à adopter un fonctionnement plus respectueux de l’environnement, encourager les forages solaires et la maintenance des installations rurales, impliquer les communautés dans la gestion des points d’eau ; car il y a de grands enjeux : la survie et la dignité. Derrière chaque bidon porté par une fillette de 10 ans, derrière chaque étendue d’eau colorée par des déchets chimiques, c’est l’avenir qui se joue, l’or bleu du Mali risque de devenir un poison lent — et de transformer la soif en héritage durable ; pensons y.
Parce que c’est notre Mali.
Muriel Jules
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