L’accord d’Alger est en passe de devenir un véritable feuilleton, avec ses rebondissements, ses incertitudes, ses non-dits, ses arrière-pensées et surtout il charrie les légitimes interrogations de nombreux Maliens ; interrogations qui sont demeurées, pour l’heure, sans réponse. Chaque jour apporte son lot de commentaires passionnés et de prises de position hypocrites. Chacun y va de son trémolo, avec pour beaucoup d’intervenants la seule préoccupation de prendre date.
Dix jours après que l’Etat ait décidé d’expliquer les accords, que peut-on retenir ? Sérieusement, pas grand-chose. Sauf que la confusion s’épaissit jour après jour. Je ne reviendrai pas sur le vieil air du genre « on a signé parce qu’on voulait éviter la guerre », « les guerres qu’on gagne sont les guerres qu’on évite », etc. Je n’y reviendrai pas pour la seule raison que les Maliens n’y croient pas parce que non convaincus, parce que ceux qui débitent de tels propos manquent par trop de conviction pour ne pas dire de sincérité.
Je ne parlerai pas non plus du fait que, dans la confusion des genres à laquelle cette banale affaire a donné lieu, on a poussé les militaires hors des limites à eux fixées par la loi, c’est-à-dire se tenir hors du champ politique. En effet, qui n’a entendu le chef d’état-major général des armées, le général Seydou Traoré tenir un discours qui n’a rien de militaire. Mais comme je l’ai dit, je n’en parlerai pas.
De quoi vais-je donc parler ? De la seule interrogation que les Maliens ne cessent de se poser. Qu’ils soient ministres, députés, hommes politiques, société civile, militaires, etc. tous se posent la même question : quel est le sort qui est réservé aux mutins du 23 mai, pompeusement récupérés sous l’appellation d’Alliance du 23 mai pour la démocratie et le changement ?
Je pense que sincèrement, ce n’est pas sorcier comme question. Va-t-on leur appliquer la loi, en la matière va-t-on les radier oui ou non ? Parce que toute la littérature enrobée dans du bon français qui consiste à répondre à chaque fois par la même phrase, « on va gérer leur cas avec discernement », ne semble satisfaire les Maliens toutes couches socioprofessionnelles confondues. Donc je repose la question : les mutins du 23 mai seront-ils oui ou non radiés ? Je parlerai aussi des dysfonctionnements institutionnels constatés à la faveur de cette affaire.
Le président de la République a fait de cette affaire une affaire personnelle, court-circuitant tous les mécanismes institutionnels pour ne s’en référer qu’aux militaires et surtout à ses propres amis : les généraux Kafougouna et Seydou ; les colonels Gassama et Minkoro Kané. Les négociations ont été faites par eux et les explications sont données par eux.
A telle enseigne que tous les Maliens qui regardent encore l’ORTM ont vu cette scène surréaliste où le ministre de la Défense est perdu dans l’assistance alors que son chef de cabinet donnait des explications. Qu’il soit civil et surtout qu’il soit tenu à l’écart du début à la fin est une chose, mais une autre chose est de lui éviter une humiliation supplémentaire en le dispensant d’assister à la rencontre. Ce sont ceux dont je viens de parler qui ont accaparé pendant ce laps de temps toutes les fonctions : communication, porte-parole, Affaires étrangères, etc.
Tous les ministres coiffés au poteau, le premier d’entre eux y compris, maugréent en silence et prient que personne ne leur pose des questions auxquelles de toute évidence ils ne pourraient pas répondre. Je pense qu’il est du devoir de tous les républicains de mettre le holà sur ce genre de comportement. ATT lui-même qui a été le premier à monter au créneau alors même que de par sa fonction il aurait pu attendre un peu, se trouve aujourd’hui dans une situation où il ne peut plus rien faire. Or, je vous le dis, c’est le dernier recours.
Je parlerai également de tous ceux qui défendent l’accord mais qui sont de toute évidence dans l’inconfort le plus total. Ce qu’ils pensent est souvent à mille lieues de ce qu’ils déclament. Le cas le plus flagrant nous a été fourni par le Parena lors de son 2e conseil national extraordinaire tenu le week-end dernier à Sikasso. Dans une envolée dont il garde visiblement le secret et l’usage pour les grandes occasions, Tiébilé Dramé demande à ce qu’on mette la forme et la méthode de côté pour se rendre compte que l’accord est parfait.
Il sait très bien que si on mettait la forme et la méthode de côté, il n’y aurait plus d’accord du tout. Les hommes de droit lui répondront certainement que beaucoup de dossiers importants perdent de leur existence à cause des vices de procédures.
Je parlerai enfin du communiqué du RPM relatif à l’accord. La dureté du ton est à la hauteur des frustrations engendrées par la signature de cet accord. La dureté du ton employée prend également en compte une bonne partie de ce que disent les Maliens. Et je crois sincèrement que IBK a lui-même signé parce qu’il lui a été « interdit » de s’exprimer sur la question en tant que président de l’institution Assemblée nationale. Et comme il est le président du RPM, il s’en donne à cœur joie.
L’émotion suscitée chez les Maliens par cet accord est plus due au fait qu’ils ont l’impression qu’on leur cache des choses qu’au contenu des accords qui, pour beaucoup, est un non sens. En attendant de dissiper tous les malentendus, c’est le sauve qui peut. Et bien entendu le bal des faux culs est propice à cela.
El hadj TBM