Dissolution des partis politiques au Mali : Une démocratie mal partie
Le titre de notre dernière parution sur la dissolution des partis politiques à savoir: «Les démocrates-prédateurs sauvés de justesse» a été diversement commenté. Mais derrière les commentaires acerbes et cléments, la réalité est palpable sur le terrain.

Lorsqu’on veut détruire un pays, on commence par privatiser ses secteurs vitaux, c’est qui a été fait au Mali par les démocrates-prédateurs. L’école, la santé, le commerce, la voirie ont connu une privatisation éhontée.
D’abord, l’éducation, un secteur clé du développement, fut la première manne financière des régimes successifs de 1994 à nos jours. Un commerce fructueux. Allez savoir qui sont les promoteurs des établissements scolaires privés ? C’est au Mali que foisonnent les universités privées, n’importe qui est détenteur d’un diplôme supérieur sans aucune formation. Ce n’est pas tout ? La quasi-totalité des ministres de l’Éducation nationale du Mali de l’ère démocratique sont presque tous promoteurs d’établissements scolaires privés (du fondamental au supérieur en passant par le secondaire. C’est pourquoi l’école publique est abandonnée à son corps défendant.
Quant à la Santé, c’est la mort dans l’âme que nous assistons à une mort programmée du système sanitaire. À quoi cela sert ? Les cliniques, les centres de santé, les pharmacies se rivalisent dans les quartiers sont comme des boutiques «sonrhaïs».
Ces promoteurs d’écoles et des structures de santé n’ont aucune licence ou d’agrément pour ouvrir une école ou une clinique. Rien à craindre puisque ce sont les «démocrates sincères et convaincus» qui sont derrière ces structures.
La voirie a été supprimée au profit des Groupement d'intérêt économique (GIE) de ramassage des ordures. L’environnement, dit-on, est le secteur pauvre du développement. Mais, ici c’est le contraire qui s’est passé. Les GIE de ramassage étaient la propriété des épouses de nos démocrates-prédateurs.
Quant au secteur du commerce, c’est l’argent planqué des démocrates que l’on découvre: c’est le secteur formel qui alimente le secteur informel. À titre d’exemple, les Présidents-directeurs généraux (PDG), les directeurs nationaux, les ministres et les présidents des institutions ont chacun une société ou une entreprise pour la fourniture du matériel bureautique, et autres besoins du service. Donc, l’argent dépensé par leur département retombe dans leur poche. Ainsi, va le Mali.
Rien n’a changé depuis. Les démocrates-prédateurs ont changé leurs conditions de vie, laissant le pays dans le creux de la vague. Ils se sont partagés tous les secteurs qui rapportent des fonds en les privatisant.
L’État n’a que des yeux pour pleurer ! Alpha a prêté son serment le 8 juin 1992. Depuis ce jour-là, la tension politique n’a cessé de croître au Mali. Une ONG malienne (PNCD), Processus non-gouvernemental de la communauté des démocrates) dirigée par le docteur a publié un rapport qui atteste qu’Alpha Oumar Konaré a été élu avec 23% des voix exprimées. Dès lors, on pouvait s’attendre au pire.
Entre 1992 et 2002, le parti Adema-PASJ (Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice) a eu quatre (04) Premiers ministres: Younoussy Touré, Sékou Sow, Ibrahim Boubacar Keïta, Mandé Sidibé avec des gouvernements de large ouverture. Ouverture faite aux opposants des partis politiques, malgré la majorité parlementaire. Le premier mandat de Konaré a été a été marqué par des oppositions farouches du Collectif des partis politiques de l’opposition (COPPO) et les grèves estudiantines. Ensuite, il y a eu des dissensions entre certains barons de l’Adema-PASJ qui aboutirent à une scission du parti (MIRIA).
D’autres partis politiques subirent la scission. Chaque fois qu’il y a eu un congrès d’un parti politique, les perdants créent leur parti politique pour prétendre à des strapontins de postes dans le gouvernement ou à l’Assemblée nationale du Mali.
Le parti ADEMA, qui a géré le pays, a donné naissance à plusieurs formations politiques qui se partagent le pouvoir comme un héritage. ADEMA (Alliance pour la démocratie au Mali): MIRIA (Mouvement pour l'indépendance, la renaissance et l'intégration africaine), RPM (Rassemblement pour le Mali), URD (Union pour la République et la démocratie), CODEM (Convergence pour le développement du Mali), ASMA-CFP (Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques).
La ruche est divisée en cinq et chaque division a donné naissance à un parti et chaque chef des partis politiques a été ministre. Nous n’avions pas une culture démocratique. Nous avons quitté le parti unique pour nous plonger directement dans le multipartisme sans tirer le bilan des vingt-trois (23) ans de parti unique.
Le premier réseau des démocrates- prédateurs a été décelé par la Banque mondiale dans un rapport intitulé: «Les lignes de travail», on y découvre vingt et un (21) milliardaires dont seize (16) fonctionnaires de l’État et cinq (05) opérateurs économiques. S’il est un régime qui a pillé le Mali, c’est sans nul doute l’Adema-PASJ et ses dérivés. Comment dans un Mali, cité comme «un bel exemple de démocratie», on a pu passer le relais à un candidat indépendant sans partis politiques ? Quelle utopie !
Quand la ruche prenait le pouvoir en 1992, le Mali était encore fier de ses ressources humaines, de ses potentialités naturelles, de ses ressources minières, hydrauliques et énergétiques. Loin d’ajouter un plus à cet héritage fort éloquent, le régime ADEMA a plutôt procédé à une privatisation à outrance et sauvage. Les Sociétés et entreprises d’État (SEE), dont certaines d’entre elles pouvaient encore être restructurées, ont été bradées. Il a donc suffi dix (10) petites années à certains barons, «démocrates sincères et convaincus» de l’Abeille solitaire de tout vendre et les grands perdants, les Maliens. Sous Amadou Toumani Touré (ATT) et Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ce fut l’apocalypse.
Quant à la gestion du foncier, c’est une bombe en attente d’exploser. Les édiles, les chefs de villages, les préfets et les sous-préfets, les gouverneurs et les gouvernements ont tout cédé jusque dans le lit des marigots, des rivières et maintenant c’est bouchage du fleuve qui est en court.
Les réalisations de Modibo Keïta et de Moussa Traoré ont été bazardées à des actionnaires étrangers. Dix (10) petites années émaillées de corruption et de détournements de deniers publics. Les démocrates-prédateurs, par leur comportement, leurs agissements, détenteurs d’un trésor de guerre ont sapé le fondement même de notre société.
Le Malien d’antan était respectueux, modeste, honnête et protégeait la chose publique. Cette génération a malheureusement cédé la place à une race de jeunes cupides, corrompus qui a perdu le sens de la dignité et de l’honneur. Leur seul souci: Argent, Voiture, Villa et la fête à l’ordre du jour. Voilà l’héritage légué par les démocrates-prédateurs.
Aminata D.
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