Trois gouvernements en trois ans : Instabilité chronique au sommet de l’Etat

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Les tâtonnements et les improvisations sont les caractéristiques principales de la gouvernance instaurée par Ibrahim Boubacar Keïta, depuis son accession au pouvoir. Conséquence, ce régime bat tous les records de l’instabilité gouvernementale, sans vraiment faire face aux préoccupations des Maliens : insécurité grandissante, enlisement du processus de paix, mauvaise gouvernance, front social en perpétuelle ébullition. Cette gouvernance a plongé le pays dans une grave impasse et dans une crise politique qui s’aggrave chaque jour. D’Oumar Tatam Ly à Modibo Kéïta en passant par Moussa Mara, IBK y est allé de ses mauvais choix aussi bien des chefs de gouvernement que des ministres qui ont habillé l’institution dans les six remaniements ou réaménagements. Aujourd’hui, la Cité administrative s’apprête à recevoir son 4è Premier ministre en 4 ans et du 7è gouvernement. Mais déjà, la majorité des Maliens ne se font pas d’illusion : quel que soit le gouvernement qui viendra, il ne fera pas mieux.

Troisième chef de gouvernement du président IBK en 3 ans d’exercice du pouvoir, Modibo Keita, nommé Premier ministre le 9 janvier 2015, a formé le 15 janvier 2016 dernier son 3ème gouvernement en 12 mois. Inédit !

Entre le 08 septembre 2013 et le 15 janvier 2016, soit en l’espace de 28 mois et 7 jours, le président Ibrahim Boubacar Kéïta aura expérimenté trois Premiers ministres : Oumar Tatam Ly (8 septembre 2013-4 avril 2015), Moussa Mara (5 avril 2015-8 janvier 2015) et Modibo Kéïta (depuis le 8 janvier 2015).

Aucun d’entre les deux premiers n’a eu le temps matériel de mettre en œuvre sa Déclaration de politique générale, encore moins Modibo qui change de ministres à tour de main. En effet, sur les cinq gouvernements (le sixième est en exercice) qui ont vu défiler au moins une cinquantaine de ministres, trois sont à l’actif de l’actuel PM.

A quelle efficacité peut-on s’attendre dans un tel contexte d’instabilité gouvernementale ? Si l’on sait qu’à chaque retouche du gouvernement, les cabinets ministériels changent à près de 100% et les services rattachés à plus de 80%, l’on mesure l’impact dramatique de cette instabilité dans l’efficacité de l’action gouvernementale et la bonne marche des services publics. Les conséquences sont palpables: dysfonctionnement de l’administration, morosité dans les services publics avec leur corollaire de marasme économique, crise financière, ébullition du front social.

Pire, chaque Premier ministre qui arrive vient avec de nouvelles têtes de ministres, alors que certains de ceux qui partent n’ont eu que le temps de prise de contact avec les structures relevant de leurs départements respectifs ; du moins pas assez pour exécuter leurs feuilles de route. Exemples concrets : en deux ans et demi, des départements importants ont connu des ballets incroyables, avec au moins trois titulaires différents. Il s’agit des départements importants dans un pays qui sort de crise,  à savoir le ministère de la Défense et des anciens combattants qui a connu 4 titulaires différents, ceux de la Justice, et de la Communication avec 4 passants chacun et enfin, le stratégique ministère des Finances avec 3 occupants de l’hôtel des Finances.

Concernant le ministère en charge de la Défense, ce stratégique département, dans un pays en guerre,  est à son 4ème  ministre à savoir, Soumeylou Boubèye Maïga, Bah N’Daou, Tiéman Hubert Coulibaly et l’actuel occupant, Abdoulaye Idrissa Maïga. Ces différents chamboulements peuvent expliquer la lenteur de la réforme de la grande muette, toujours renvoyée aux calendes grecques.

Quant au ministère en charge de la Justice, l’un des départements les plus sollicités dans le contexte d’un pays où il est question de mettre en place une Justice transitionnelle pour panser les plaies béantes issues des crimes odieux, il est aussi malheureusement l’un de plus instables. Ils sont quatre ministres à se succéder à ce département : Me Mohamed Aly Bathily, Mohamed  Diarra, Mme Sanogo Aminata Mallé et Me Mamadou Ismaïla Konaté.

Le ministère en charge des Finances n’est pas épargné, alors que la relance économique d’un pays dépend de la capacité du ministre des finances à mobiliser et à bien gérer les ressources publiques, mais aussi et surtout à pouvoir rendre attractif l’environnement des affaires et convaincre ainsi les bailleurs de fonds de la bonne destination du pays. Se sont succédé ici : Mme Bouaré Fily Sissoko, Mamadou Igor Diarra et l’actuel locataire, Boubou Cissé.

Le ministère en charge de la communication et de l’économie numérique connait le même sort. Ils sont quatre ministres à s’être succédé à la tête de ce département, mais aucun ne semble avoir relevé le défi de la bonne communication, tant les Maliens émargent aux registres des infos pauvres. Il s’agit de Jean-Marie Idrissa Sangaré, Mahamadou Camara, Choguel Kokalla Maïga et maintenant Me Mountaga Tall.

 

Une cinquantaine de ministres…

Pour ce qui est du ministère de l’administration territoriale, un confrère dessine un tableau déplorable de ce qui s’y trame : « Chargé d’organiser les élections…, le ministère de l’Administration Territoriale est devenue, depuis 2013, une véritable girouette qui ne cesse de changer de tête. Le département est revenu tout d’abord au général Moussa Sinko Coulibaly, l’organisateur des élections victorieuses de 2013. A la démission du gouvernement d’Oumar Tatam Ly, le général Sada Samaké, un proche d’IBK, est nommé à la tête du département, renommé à l’occasion « Ministère de l’Intérieur ». Sada a alors sous sa tutelle un ministre délégué chargé de la Décentralisation en la personne de Malik Alhousseyni.

Un trimestre plus tard, nouveau changement: le ministre délégué chargé de la Décentralisation tombe au profit d’Ousmane Sy. Devenu Premier Ministre, Modibo Kéita transforme ce département en un super-ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation qu’il confie à Idrissa Maïga, l’ex-directeur de campagne d’IBK. Sada est logé au département de la Sécurité et Ousmane Sy est remercié ». A propos de ce département, rappelons qu’à la faveur d’un léger réaménagement, il est passé aux mains de Mohamed Ag Erlaf, avec le retour de la composante « Décentralisation ».

IBK a ainsi utilisé une cinquantaine de ministres. Or, qu’il soit politique ou technocrate, chaque ministre vient avec son cabinet en poche et avec, en tête, son idée de s’enrichir au plus tôt et/ou de renflouer les caisses du parti. D’où l’empressement de chacun à placer ses hommes à la tête des différents services centraux et des services rattachés jusqu’au plus bas de l’échelle. Ainsi, la psychose plane à chaque changement de gouvernement, paralysant toujours l’Administration.

Le drame, c’est que très souvent, c’est la famille présidentielle qui est indexée de tirer les ficelles dans l’ombre et de bénéficier d’un bon quota de parents à caser.

Autre remarque, c’est que les départements sont faits et défaits au bon vouloir d’IBK.

Un ministère créé en septembre 2015 (Coopération internationale et Intégration africaine) a disparu quatre mois après, lors du remaniement du 15 janvier qui voit la création surprenante d’un ministère de la Recherche scientifique. Dans un pays comme le Mali, que vaut un ministère de la Recherche scientifique détaché de l’Enseignement supérieur? Mieux, l’avènement de ce ministère est intervenu trois jours après que  le conseil des ministres ait créé une direction générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Quelle incohérence?

Ces remaniements ne résolvent en rien les graves questions auxquelles le pays est confronté et qui ont pour noms: insécurité grandissante, enlisement du processus de paix, mauvaise gouvernance, chômage des jeunes, malaise social. Sans doute, les solutions aux problèmes du Mali ne résident pas dans les replâtrages sans fin de gouvernements. Mais plutôt dans la volonté du président IBK à se départir des promotions et récompenses des membres de la famille et des alliés politiques ; dans la volonté d’IBK à faire enfin face aux vraies réalités du pays et à sortir du pilotage à vue instauré en mode de gouvernance. Car, le vrai problème du Mali aujourd’hui, c’est IBK lui-même.

Une des solutions qu’il parvienne à stabiliser une équipe gouvernementale pour vaincre le sentiment de peur d’être relevé à tout instant afin de permettre à ses ministres de mieux se concentrer sur les dossiers cruciaux de leurs départements et avoir le temps de mettre en œuvre les promesses de campagnes et sa vision pour le Mali. Sinon, ce sera l’éternel retour à la case départ.

Issa B Dembélé

 

 

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1 commentaire

  1. comrades if there is productive plus beneficial improvement with each change of government we should welcome change but, if there is not productive plus beneficial improvement with each change of government we have a problem at very top of government which is IBK. Very much sincere, Henry Price aka Obediah Buntu Il-Khan aka Kankan.

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