Garde à vue et mandat de dépôt : Deux mesures judiciaires concourant à la manifestation de la vérité
Dans une interview, Pr Mamadou Guissé, enseignant-chercheur à la Faculté de droit privé de l’Université Kurukanfuga de Bamako (UKB), explique les raisons de la garde à vue et du mandat de dépôt, deux mesures judiciaires qu’on entend maintenant en longueur de journée. Si la première peut être ordonnée par un officier de police judiciaire, par contre la deuxième est décidée par un juge d’instruction pendant l’instruction du dossier

Parlant d’abord de la garde à vue, l’enseignant-chercheur explique que c’est une mesure privative de liberté décidée par l’officier de police judiciaire au cours de l’enquête préliminaire. Pr Mamadou Guissé dira que comme son nom l’indique, la garde à vue consiste à détenir une personne de façon illisible dans les locaux de la police ou de la gendarmerie qui constituent les lieux d’exécution de cette mesure.
Selon l’universitaire, les raisons qui peuvent pousser l’officier de la police judiciaire à décider de la garde à vue ont trait à l’existence d’indices graves et concordants de nature à motiver l’inculpation d’une personne poursuivie au cours de l’enquête préliminaire et la sauvegarde de la vie de l’individu lui-même. Il soutient que commettre un certain nombre d’infractions peut entrainer la colère de la population ou des personnes victimes.
Donc, on pourrait porter atteinte à la vie de la personne poursuivie lorsqu’on estime qu’elle a commis une infraction de nature assez grave et qui irrite la population. L’autre raison pouvant justifier la mesure de garde à vue est de protéger l’enquête elle-même, selon l’universitaire. Car, la personne poursuivie, lorsqu’elle n’est pas placée en garde à vue, peut détruire les preuves. Et s’il n’y a pas de preuves, il n’y a pas d’infraction, explique l’enseignant-chercheur. Il ajoutera que sans cette mesure, la personne poursuivie peut également cacher les preuves ou essayer de mettre la pression sur les témoins voire les soudoyer ou les menacer. «Tout cela constitue des moyens d’entrave à la procédure. D’où la décision de mettre la personne en garde à vue», souligne Mamadou Guissé.
DÉLAI DE GARDE À VUE- En outre, le professeur de droit précise que seul l’officier de police judiciaire enquêteur peut être en mesure de décider de la garde à vue. Il signale au passage que le délai de cette mesure varie selon les circonstances et la nature de l’infraction commise.
D’après Pr Guissé, la garde à vue de droit commun est de 48 heures. Pour lui, cette durée peut être prolongée jusqu’à 72 heures sur autorisation spéciale du procureur de la République. L’universitaire ajoute que la durée de la garde à vue peut être également prolongée jusqu’à six jours voire au-delà lorsqu’il s’agit par exemple d’infractions plus complexes comme le terrorisme.
Après ce délai, quel peut être le sort de la personne mise en cause ? À cette question, Pr Mamadou Guissé répond qu’une fois la durée de la garde à vue terminée, lorsque l’officier de police judiciaire estime qu’il existe toujours des indices concordants de nature à motiver l’inculpation, il décide de dresser un procès-verbal et de le notifier au procureur de la République qui va décider du sort de la personne mise en cause. «S’il y a toujours des indices concordants qui motivent l’inculpation de la personne, le procureur peut décider d’ouvrir une enquête en saisissant le juge d’instruction. Dans le cas contraire, le juge et le procureur peuvent décider de relâcher la personne. C’est ce qu’on appelle une procédure de classement sans suite», explique l’universitaire.
MANDAT DE DÉPÔT, UN POUVOIR DU JUGE D’INSTRUCTION- S’agissant du mandat de dépôt, Pr Guissé dira que lorsque le procureur de la République estime qu’il y a lieu de poursuivre, il saisit le juge d’instruction qui peut exercer les mêmes actes de procédure que la police judiciaire en matière de garde à vue. L’objectif principal étant de retrouver les éléments de preuves, les auteurs et leurs complices et d’aller vers le jugement. «Au cours de l’enquête de la procédure d’instruction préparatoire, lorsque le juge d’instruction estime également qu’il existe des indices graves et concordants de nature à motiver l’inculpation de la personne, il peut décider de placer la personne poursuivie sous mandat de dépôt», fait savoir l’enseignant-chercheur. D’après lui, le mandat de dépôt est une mesure permettant d’envoyer une personne poursuivie de manière provisoire dans un lieu d’incarcération comme par exemple la Maison centrale d’arrêt (MCA) de Bamako en attendant le jour de son jugement. Il dira que le délai du mandat de dépôt est de 6 mois renouvelables une fois en matière délictuelle. Tandis qu’en matière criminelle, son délai est d’un an renouvelable deux fois (donc 3 ans au maximum).
«Au cours de la détention provisoire, lorsque le délai est expiré, le procureur ou le juge d’instruction est obligé de relâcher la personne avant le jugement ou est obligé de saisir la juridiction qui va statuer sur la culpabilité ou non de l’individu», détaille l’homme de droit. Selon Pr Mamadou Guissé, la réforme dans le nouveau Code de procédure pénale concerne le mandat de dépôt. Il dira qu’on a estimé que ce mandat est utilisé dans certains cas de manière abusive.
«Pour cette raison, on veut dessaisir le procureur de la République du mandat de dépôt et mettre en place un collège qui sera chargé désormais de la décision de placement sous mandat de dépôt», indique l’enseignant-chercheur.
D’après lui, ce collège sera formé de grands magistrats qui vont décider du sort de la personne poursuivie, c’est à dire la placer ou non sous mandat de dépôt.
Bembablin DOUMBIA
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