Oui, nous sommes tous des Maliens à part entière

18 Fév 2012 - 09:16
18 Fév 2012 - 09:16
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Le tapis vert (c'est-à-dire celui des négociations) sanctionne toujours un rapport de forces. En attendant donc que l’Etat et les rebelles viennent à conclure, intéressons-nous de près aux liens sociaux tissés de longue date entre les sédentaires du Sud et les nomades du Nord et qui ont pris de l’étoffe, les semaines passées nous ayant laissé de l’amertume à la bouche. Dans son discours du 1er février 2012, le Président de la République, qu’il nous plaira ici de considérer comme le « Chef de famille », déclarait : « Je ne me lasserai jamais de rappeler que le Mali est Noir, que le Mali est Blanc ». Et d’ajouter que cette diversité est une force et une richesse à préserver à tout prix. Le Président ATT nous rappelait ainsi à notre devoir de « garder le sens de la fraternité » et « d’éviter le piège de la confusion ». ATT désignait autrement « ceux qui ont choisi de vivre parmi nous ». Pas donc de « confusion dans les quartiers, villages, hameaux et dans les camps militaires… ». Dans la semaine qui suivit, au CICB a eu lieu une réunion de haut niveau parrainée par la Primature avec les leaders religieux, les familles fondatrices de Bamako et les communautés du Nord. C’est devant ce parterre que l’Imam M. Dicko déclara : «Jamais notre pays n’a connu un tel problème !… ». Nous revenons alors d’une semaine folle où les passions s’entrechoquèrent. La vindicte populaire grondait en ces temps-là parce que les populations semblaient subitement plongées dans les profondeurs d’une obscurité où les prétendants même à la lumière étaient jugés « aveugles ». Voilà jusqu’où avait mené la passion vengeresse de populations en manque d’informations saines venant du Nord-Mali. Ce fut justement un de ces rares moments où plus ceux qui n’ont rien à dire ne disent rien… Aujourd’hui, les avis peuvent être partagés, voire opposés sur ces griefs contre la énième rébellion qui nous venait du Nord. Il y a quelques jours de cela, la capitale Bamako, qui ne peut résumer à elle seule le pays entier, n’était plus que le film des événements d’une société malienne en accéléré. La comparaison avec des images en noir et blanc n’était pas osée (tant qu’elle représentait de part et d’autre les populations) car ce film des évènements nous montrait la genèse de ce qui aurait pu passer pour une tragédie. Nous avons vécu en direct une sorte de drame claustrophobe sur la relation entre les populations, le Touaregs et assimilés vivant avec elles. Ces journées folles pouvaient ressembler à la projection d’une laideur de notre société où les Touaregs tenteraient de se trouver un refuge pour se soustraire. Nous étions alors en pleine séquence d’une systématisation des scènes de chasse au faciès. La passion contrariée de nos compatriotes La paix est donc un comportement, même au milieu des difficultés et des chausse-trappes. On ne le répétera jamais assez : avec cet irrédentisme touareg, la nation a un problème, mais la nation n’est pas le problème, ceci pour tous les faussaires de l’identité. Déjà, vers 1898, l’ancien gouverneur du Soudan français, L. de Trentinian, avertissait contre une certaine haine de la race que nourrissaient des tribus. A cette époque, les colons ne voulaient pas de cette entité qui ne prendra corps qu’avec ce projet de l’OES. L’ancien Premier ministre M. Ag Amani vient de nous envoyer un message optimiste depuis Dakar. De solides appuis, l’homme n’a point voulu faire des boulettes avec sa déclaration que l’on vous invite à relire. Son drame est personnel, mais pour faire un scoop, il faut un bon sujet et aussi de bons témoins. Nous sommes en face d’une fascination contrariée chez un homme qui a tant donné. Souvenons-nous de la trace de feu et de fer dans la chair des siens lors d’une précédente rébellion. Aujourd’hui, il vient exprimer sa compassion aux familles des victimes des « douloureux évènements ». Une situation dramatique, inadmissible « qui menaçait la sécurité de sa famille ». Partir donc pour « assurer prioritairement la sécurité des siens ». Mais ni fuite ni exil. Ag Amani envisage son retour dans les plus brefs délais. De ces rumeurs d’absence, il nous assure de la constance de son engagement pour son pays, le Mali. Fidèle aux valeurs de tolérance, de fraternité, de paix et des principes qui animent « tout patriote pour l’édification d’un Mali un et indivisible », l’intention de l’ancien Premier ministre est louable et pertinente en ces temps chaotiques qui voient un autre ministre de la République encore en charge prendre des « moyens précautionneux » pour mettre les siens à l’abri. Un autre ancien ministre aussi serviteur de la nation s’est fendu d’une lettre ouverte au Président de la République. Le joli visage de Zakiyatou Oualett Halatine hantait toute la ville. Les Katois s’en étaient pris à son domicile, saccageant tout sur leur passage. Elle écrivait alors : « Mon étonnement est que  je ne peux pas penser un seul instant, les services militaires et de sécurité, et peut-être vous-même (NDLR : le Président ATT) vous n’étiez pas au courant de ce qui allait se passer et que vous n’ayez pris aucune disposition pour l’anticiper… ». Durant ces journées de peur, comment les autres têtes d’affiche ont-elles pu se cacher ? Quelles étaient leurs hantises lors de ce Jeudi noir de la colère ? Ce sont des faits qui nous font pencher sur « l’indignation » qui devient un lieu alternatif où les « couleurs noires »  (entendez  les populations) et le « métal des gens à peau blanche » claquaient. Oumarou Ag I. Haïdara  du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) nous a dit que « le Mali est comme l’œil sur la rétine (blanche) qui est inséparable de la pupille (noire) ». A Tombouctou, il ajoutera encore que «chaque sédentaire a son nomade ». Au conclave des ressortissants du Nord au CICB (le 7 février dernier) ; Baba Hakim  Haïdara  revenait sur la devise du Mali : « Un Peuple- Un But-Une Foi ». Il demandait au pouvoir de s’assumer pour faire régner l’ordre républicain. Dans la déclaration des ressortissants du Nord, un appel est lancé pour rejeter toute forme d’amalgame. Le Forum des organisations de la société civile en appelle à une information saine de la part du Gouvernement. Il demande l’arrêt des destructions ciblées contre les Touaregs, Arabes et assimilés. Adama Diakité, un des dirigeants, en appelait à un « traitement équitable et égalitaire de toutes les ethnies » et invitait aussi à mener une réflexion sur le développement du sentiment communautaire (il faut voir ces associations des ressortissants à connotation ethnique et régionale). Il vaut mieux admettre une critique pour mieux la désamorcer et aller au-delà. A elle seule, une indignation devant des faits récusables ne suffit pas, car viendra l’heure de l’engagement pour trouver le chemin de l’espérance, comme on dit. Ce sentier-là est toujours celui de l’action. S. Koné

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