Retrait de la CPI : Seidik Abba dénonce une justice fragilisée

Dans un geste sans précédent, les trois pays membres de l’AES ont annoncé, le 22 septembre 2025, leur retrait immédiat du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI).

1 Octobre 2025 - 01:37
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Retrait de la CPI : Seidik Abba dénonce une justice fragilisée

Cette décision, officialisée par un communiqué conjoint, marque une rupture majeure entre ces États sahéliens et l’ordre judiciaire international.

Les dirigeants de l’AES ont justifié leur retrait par une perte de confiance envers la CPI, qu’ils accusent de partialité et de néocolonialisme judiciaire.

Selon eux, cette Cour, censée incarner la justice universelle, s’est transformée en un instrument de répression aux mains de l’impérialisme, ciblant prioritairement les pays africains tout en épargnant les grandes puissances.

Pour Seidik Abba, journaliste, écrivain et spécialiste du Sahel, cette décision des dirigeants de l’Alliance des États du Sahel s’inscrit dans une logique politique cohérente.

"Les arguments avancés par les pays de l’AES correspondent à leur orientation politique de ces dernières années. Il existe un constat largement partagé : la Cour pénale internationale pratique une justice sélective. Des crimes commis en Afghanistan ou au Proche-Orient ne sont pas enquêtés. Les États-Unis, qui n’ont jamais ratifié le Statut de Rome, ont même sanctionné des juges ayant poursuivi Israël. Ils sont allés jusqu’à révoquer le visa de Fatou Bensouda, ancienne procureure. Il y a donc une fragilisation de la CPI par les grandes puissances", commente-t-il tout en  rappelle que les pays de l’AES ont longtemps collaboré avec cette juridiction internationale.

"Le Mali a adhéré à cette Cour en 2000, le Niger en 2002 et le Burkina Faso en 2004. Tous ont coopéré avec la Cour. En 2016, un terroriste a été condamné. En 2024, un autre a été jugé pour la destruction des mausolées de Tombouctou. Un mandat d’arrêt est même en cours contre Iyad Ag Ghaly", rappelle-t-il.

Cependant, ce retrait ne prend effet qu’un an après notification officielle à l’Organisation des Nations unies, conformément à l’article 127 du Statut de Rome. Les enquêtes en cours, notamment au Mali, restent donc juridiquement valides.

M. Abba insiste sur le fait que ce retrait ne protège pas les États de futures poursuites. "La CPI peut toujours intervenir si elle est saisie par le Conseil de sécurité de Nations unies, comme ce fut le cas pour Omar El-Béchir au Soudan", précise-t-il.

Des spécialistes du droit international soulignent de leur côté que ce retrait collectif constitue avant tout un acte politique de rupture, plus qu’un désengagement juridique immédiat.

"Ce départ ne fait pas disparaître les enquêtes en cours. Les procédures engagées avant le retrait restent valables", explique l’un d’eux.

"Peu de pays ont quitté la Cour pénale internationale depuis sa création. Ce retrait simultané et coordonné des pays de l’Alliance des Etats du Sahel pourrait inspirer d’autres États critiques envers la Cour, notamment en Afrique, surtout après le fiasco du procès de Laurent Gbagbo, acquitté après des années de détention", renchérit un autre expert.

 

Vers une justice sahélienne ?

Les États de l’AES envisagent désormais la création d’une Cour pénale sahélienne (CPS), plus adaptée à leurs réalités. Pour Seidik Abba, c’est une réaffirmation de la souveraineté judiciaire.

"Les dirigeants souhaitent juger leurs citoyens selon des normes qu’ils définissent eux-mêmes", conclut le journaliste.

Rappel sur les juridictions internationales

La Cour pénale internationale, basée  au Pays-Bas (La Haye) juge les individus auteurs de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, mais uniquement en cas de défaillance des États à poursuivre ces crimes. Elle exerce une compétence dite "subsidiaire".

La Cour internationale de Justice (CIJ), également située à La Haye, capitale des Pays-Bas est la plus haute juridiction des Nations unies. Elle règle les litiges entre États, à condition que ceux-ci acceptent sa compétence. Elle peut aussi rendre des avis consultatifs sur des questions de droit international.

Ousmane Mahamane

 

 MICRO-TROTTOIR

Ce que les Maliens pensent du retrait de la CPI

 Le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Cour pénale internationale (CPI), annoncé le 22 septembre 2025, continue de faire réagir dans les rues de Bamako. Entre fierté nationale, critique de l’institution et appel à l’unité africaine, les citoyens expriment leurs convictions avec force. Voici quelques voix recueillies sur le vif.

 Sambou Fané :

"Le retrait du Mali ne fait que rehausser sa valeur. C’est un couronnement de notre souveraineté, une prise de conscience pour que tous les pays africains quittent la CPI. Pour moi, ce retrait renforce la confiance envers le général d’armée Assimi Goïta. C’est un combat de leaders."

 Mahamadou Barry :

 "Ces trois pays peuvent désormais lutter ensemble contre le terrorisme pour garantir leur intégrité et leur indépendance totale."

Fatoumata Traoré :

"Vivement ce retrait, et ce n’est pas trop tôt. La CPI est une cour injuste, partiale envers les pays africains."

Moussa Magassouba

"Pourquoi Sarkozy, condamné à cinq ans de prison, n’a-t-il pas été jugé par la CPI ? Alors que Laurent Gbagbo y a passé des années injustement. Se retirer, c’est affirmer notre souveraineté."

Agna Kanté :

"La CPI semble exister uniquement pour les Africains. C’est injuste et absurde."

Propos recueillis par

Salimata Ba

(Stagiaire)

 

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