Giresse: “Encore beaucoup d’incertitudes”

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 Après Maxime Bossis, Just Fontaine ou Zinedine Zidane, c’est Alain Giresse qui a rendu visite à l’équipe de France, samedi, après la victoire en amical face aux Etats-Unis (1-0). L’ancien membre du “carré magique”, champion d’Europe en 1984, a apporté sa vision sur ce nouveau groupe, qui passera avec l’Euro 2012 un sérieux examen de passage.

 

Coach Alain GIRESSE des Ailges du Mali

Pour commencer, j’aimerais dire que, lorsque Laurent Blanc a décidé de solliciter des anciens pour venir rendre visite à l’équipe de France et que j’ai été contacté, ça a été un plaisir. C’est toujours un moment agréable, c’est replonger dans une ambiance et un contexte qu’on a connu, c’est un moment de partage, c’est appréciable et aussi un petit peu émouvant. Quand on a vécu des moments forts avec le maillot bleu, c’est un petit rappel et ça me touche d’être là. Je sais que c’est une parenthèse, que les autres joueurs ont autre chose à faire en ce moment, mais c’est un petit clin d’oeil à l’histoire et au lien qui peut exister entre le présent et le passé.

Alain, quel regard portez-vous sur Marvin Martin?

Je le découvre un peu mieux avec l’équipe de France puisqu’en club, il est moins exposé médiatiquement. Je trouve ce garçon plein de spontanéité de fraîcheur, il a également beaucoup de lucidité dans sa qualité technique. Vendredi soir, il est entré en jeu et a encore donné une passe décisive… Il fait partie de ces joueurs intéressants qui apportent une qualité de jeu et donnent de la vie à une équipe. Je sais qu’on me parle de lui à cause de sa petite taille, puisqu’il fait moins d’1m70 comme moi… Le débat sur les petits, il a toujours exister et existera toujours. Aujourd’hui, des équipes comme le FC Barcelone et l’Espagne démontrent que le talent n’est pas proportionnel à la taille du joueur.

Qu’avez-vous prévu de dire aux joueurs?

Très franchement, je n’ai rien de prévu. Je ne sais pas si je vais être amené à parler face à tous les joueurs… Je pense que ce sera avant tout un échange. En tout cas, ce que je ne ferai pas, c’est jouer à l’ancien combattant. C’est une réalité, je ne ferai surtout pas ça. Je n’aimais pas ça quand j’étais joueur, ce n’est pas pour le faire trente ans plus tard.

En tant que sélectionneur Mali, qu’avez-vous pensé du débat sur les bi-nationaux au printemps dernier?

Complexe… Très complexe. Pour les joueurs en premier lieu. C’est difficile pour un joueur né sur le territoire français mais d’une autre origine par le biais de sa famille. Les règlements permettent en plus ce genre de situation… Les joueurs sont tiraillés. Ce n’est pas évident pour eux car ils ont la culture et l’éducation du pays où ils sont nés, et puis il y a les sélections, dont je fais partie, qui tentent de les attirer pour donner un plus grande dimension à l’équipe nationale. Il faut le reconnaître, quand on grandit sportivement en Europe, on a des avantages par rapport aux jeunes joueurs, africains par exemple, qui ne bénéficient pas du même cadre d’encadrement et de formation. En équipe de France, il y a certains joueurs qui sont venus, qui ont joué 10 minutes d’un match, 5 minutes d’un autre et qui ont disparu. Ils n’auront jamais la chance de disputer une grande compétition continentale ou mondiale.

“On n’a pas ce leader…”

Êtes-vous confronté à de tels problèmes avec le Mali actuellement?

D’une certaine manière, oui. J’ai notamment deux joueurs qui évoluent en France qui espèrent jouer un jour avec les Bleus. C’est Mamadou Samassa, le jeune gardien de but de l’En Avant Guingamp, et Bakary Sako, l’attaquant de l’AS Saint-Etienne.

Pour en revenir aux Bleus, que vous inspirent-ils actuellement?

L’équipe toujours en phase de recherche d’un collectif, d’un jeu… Bien sûr, l’essentiel est là avec la qualification pour l’Euro 2012 et la victoire de vendredi face aux Etats-Unis, mais on ne connaît pas encore véritablement l’ossature de cette formation. Et c’est cette ossature qui donnera le jeu de l’équipe de France. Il y a encore beaucoup d’incertitudes dans les complémentarités, les assemblages entre les lignes, les positionnements, … Mais ce n’est pas simple comme travail.

N’est-ce pas inquiétant à sept mois de l’Euro 2012?

Oui, ça pourrait l’être, mais la bonne nouvelle, c’est justement qu’il reste encore sept mois. Mais je crois que la situation actuelle est un passage obligatoire après ce qu’il a pu se passer en 2010 en Afrique du Sud. La remise en ordre prendra du temps, car en sélection, c’est moins facile qu’en club où les rapports entre joueurs et staff, comme les entraînements, sont quotidiens. Je pense qu’on avance quand même, mais nous sommes peut-être dans une période tout simplement moins heureuse. C’est le prochain Euro qui nous confirmera cela ou pas, à savoir sur la qualité et au potentiel de cette génération. N’oublions pas que les équipes de France qui ont brillé par le passé ont été portées par de grands leaders, dont les plus connus sont Michel Platini et Zinedine Zidane. Aujourd’hui, on n’a pas ce leader…

“La plaie sera là pendant longtemps”

Karim Benzema peut-il être ce leader tant attendu?

Avec ce qu’il est en train de démontrer au Real Madrid, oui, pourquoi pas? Il lui manque encore un peu d’affirmation. Il doit enchaîner les performances avec régularité, que ce soit en club et en sélection, tout en réussissant à créer toute une adhésion autour de lui. Les leaders ne se contruisent pas, ils le sont de façon naturelle. Ils ne sont pas programmés, c’est ce qu’ils ont eux, comme Zidane et Platini, qui faits qu’ils deviennent des guides. En l’occurence, ils étaient tous deux meneurs de jeu. Est-ce que leur positionnement sur le terrain les a aidés à devenir des leaders, je ne sais pas, je suis un peu réservé sur le sujet. Je ne sais pas non plus si un attaquant ou un défenseur peuvent être des leaders. Peut-être…

Comment avez-vous vécu l’épisode Knysna en 2010?

Très mal. Vraiment très mal… Je ne peux pas le comprendre et je ne le comprendrai jamais. Imaginer même que cela puisse arriver était inconcevable à mes yeux. A cause de ça, le football a notamment terni son image. Le public approche désormais le football avec une vraie méfiance et, fatalement, la plaie sera encore là pendant longtemps.

Source: Sports.fr – 12 nov 2011

 

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