Affaire de la Pouponnière I : Mystère, mystère!

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    Quel est le nombre d’enfants déclarés décédés au Centre d’Accueil et de Placement Familial ou encore Pouponnière I de juillet 2010 à février 2011? A supposer qu’ils soient réellement décédés, de quoi sont morts ces enfants ? Malgré l’interpellation et la mise sous mandat de dépôt le 1er juin dernier de la directrice, Mme Diallo Aminata Kéïta, des zones d’ombres persistent. Mystère et boule de gomme ! Enquête !

     

    Pour recueillir et entretenir les bébés privés de leur maman pour raison de maladie, de mort ou d’abandon le Centre d’accueil, ou encore Pouponnière I, a été créee au courant de l’année 1956 suite à une demande d’associations de femmes auprès de la Direction de l’intérieur. Auparavant, c’est une salle  réservée aux enfants nés de femmes malades mentales internées  dans l’enceinte du service des femmes de l’hôpital du pont G qui tenait lieu de centre. Première institution spécialisée dans ce domaine, le centre accueille uniquement les enfants âgés de zéro à quatre ans. Rattaché à la direction nationale de la Promotion de l’enfant et de la famille, le Centre d’Accueil et de Placement Familial est sous le feu de l’actualité depuis quelques mois. Et pour cause, il aurait été constaté, du mois d’août 2010 à celui de  février 2011, quelque ‘’33’’ cas de décès d’enfants.

     

    Dénutrition, déshydratation et manque de soins et d’hygiène !

    De quoi  sont morts les enfants ? Dans un rapport en date du 17 février 2011 envoyé au directeur de la police judiciaire, avec ampliation à la Direction nationale de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, le commandant de la Brigade chargée de la protection des mœurs et de l’enfance relève que la moitié de décès constatés est due à la dénutrition, la déshydratation et au manque de soins et d’hygiène. Les policiers, au cours de leur visite du 31 décembre 2010, ont ‘’constaté que tous les enfants souffrent de malnutrition en ce sens que les enfants âgés de moins d’un an ne mangent que du riz…Ceux âgés de 2 ans et plus, après le petit déjeuner, n’ont pas droit à un goûter et sont obligés d’attendre 13 heures pour manger. ‘’ Voilà, le constat fait par les enquêteurs de la Brigade des mœurs sous la houlette du contrôleur général de police, Ami Kane.

     

    Contacté par nos soins, Mme Simpara Aminata Doumbia en fonction au service pédiatrique à l’hôpital Gabriel Touré confie avoir constaté, courant janvier dernier, l’admission d’un nombre élevé de pensionnaires du Centre d’accueil. ‘’On pouvait compter souvent de 5 à 6 enfants hospitalisés. Ils souffraient généralement de diarrhée et de vomissements’’. Après une mise en garde verbale, Mme Simpara Aminata Doumbia, que nous avons rencontrée en son lieu de service, a confirmé l’envoi d’une correspondance officielle à la direction. Elle ajoute que la correspondance a été écrite sur demande et insistance d’un agent du Centre. Pourquoi l’agent a –t-il insisté ? ‘’ Celles qui accompagnaient les enfants ne savaient même pas préparer du  lait’’, s’étonne Mme Simpara. Pour elle, il y a eu un problème de préparation et de conservation de lait. Cette thèse rejointe le témoignage fait par un enquêteur de la Brigade des mœurs, qui a effectué plusieurs visites à la demande de son service. Cet enquêteur certifie que biberons et mouches cohabitent dans un océan d’eau sale pendant plusieurs heures. Il pointe du doigt l’insuffisance du personnel d’encadrement et le manque d’hygiène. Notre interlocuteur est scandalisé par le fait qu’une seule personne s’occupe de plusieurs enfants. ‘’ Certes, je ne suis pas mère de famille. Mais tout le monde connaît le prix de la prise en charge correcte d’un seul enfant à plus forte raison plusieurs’’, nous confie-t-il.

     

    Une cabale montée sur fond de rivalité au niveau de la direction !

     

    Pour un agent de la Pouponnière, qui a accepté d’échanger avec nous sur le sujet, c’est une cabale montée en toutes pièces sur fond de rivalité au niveau de la Direction. Voilà aussi une opinion largement développée. Pour l’heure, la seule certitude est que le climat n’était pas serein entre la directrice et une partie du personnel. Mieux, dans son rapport qui sert désormais de ‘’pièces à conviction’’ pour une certaine opinion, la Brigade des mœurs fait état d’un ‘’climat d’hostilité qui règne entre la directrice et le reste du personnel ‘’. Ce constat n’est pas de nature à contredire les propos de notre interlocuteur.    

    Que pense la Direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille et son département de tutelle ? A défaut du directeur national ou l’un de ses agents (nous avons raté quelques rendez-vous avec lui), nous avons eu à échanger avec  un haut cadre du ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Il nous fait l’état de la gestion du problème tout en soulignant ne pas être le mieux placé car le centre est rattaché à une direction centrale du département. ‘’Nous sommes toutes des mères de famille au département. C’est inhumain de ne pas réagir à une telle situation’’, a souligné ce haut cadre visiblement choqué par la nouvelle. Lorsque la ministre (Mme Maïga Sina Damba à l’époque) a appris l’information, elle a convoqué une réunion d’urgence dans son bureau, le même jour. Le 7 mars 2011, c’est la date de cette réunion qui a duré plus de 3 heures. La parole a été donnée à tous les protagonistes pour entendre leurs versions respectives des faits. L’attitude de la direction a été fustigée à l’époque car, disait-elle, l’information si minime soit-elle, ne devrait être cachée au cabinet à plus forte raison à la ministre. ‘’En aucun moment, la direction  nationale de la promotion de l’enfant nous a parlé de ce problème de façon verbale et écrite’’ nous a confié ce haut cadre du ministère au parfum des choses. 

     

    A la fin de la rencontre, le ministre a instruit au Directeur national de la promotion de l’enfant de fournir un rapport de suivi de tous les centres d’accueil, y compris la Pouponnière. Aussi, le directeur devrait aller sur les lieux pour constater l’alimentation des enfants chaque jour de 6 à 20 heures. De toute évidence, Mme Maïga Sina Damba voulait avoir une clarification sur chaque décès. Quelques jours après, elle s’est rendue au Centre pour échanger avec le personnel où elle a prôné l’entente et donné des directives pour la bonne gestion. Des rencontres ont eu lieu aussi avec des partenaires techniques et financiers. ‘’Actuellement, on est à une phase pour gérer les recommandations. Il faut aller vers le renouvellement de toute l’équipe’’ nous a confié un cadre du département. Quant à la nouvelle ministre, Mme Konaré Mariam Kalapo, elle est en train de s’investir pour redorer le blason au Centre d’accueil.

    Doute sur le nombre de morts !

     

    Est-ce que les enfants sont réellement morts ? Oui, répond sans ambages un policier de la Brigade des mœurs puisque, selon lui, la police ne peut pas mentir. Avez-vous vu leurs corps ? ‘’Non. Vous savez,  la police travaille sur la base des certificats de décès.’’, ajoute-t-il. Au niveau de la Pouponnière, un cadre, qui a un œil vigilant sur la prise en charge et le suivi sanitaire des enfants, refuse de confirmer le décès des 33 enfants. ‘’ Je sais qu’il y a eu des cas de décès mais le nombre d’enfants, c’est l’administration notamment la direction qui peut donner cela’’, nous a-t-il confié sous le couvert de l’anonymat. Étonnant de la part d’un cadre dont le rôle jugé stratégique à ce niveau car les admissions à l’hôpital et les décès doivent normalement passer par lui. Les agents que nous avons eu à interroger refusent de confirmer ou d’infirmer les multiples cas de décès. Un seul a accepté de s’entretenir avec nous. Mais à une seule condition : il ne veut pas que son nom soit cité. Travaillant à la Pouponnière depuis 3 ans, il confie qu’il y a, à sa connaissance, quelques cas de décès. ‘’ Vous pouvez ne pas me croire. Mais je dis la vérité. Et je n’ai aucun intérêt à vous mentir. J’ai eu connaissance de 3 décès’’, martèle-t-il. Vrai ou faux ? Notre interlocuteur développe même son argumentaire.

     

    «Le premier est venu dans les locaux après un accouchement prématuré. Cet enfant a été récupéré auprès d’un réparateur de chaussures dans un sachet plastique. Ce dernier, au moment où il faisait ses bagages pour rentrer à la maison, a aperçu dans un sachet un bébé tout rouge, très fragile et très affaibli, qu’il vint confier à la pouponnière. L’enfant est décédé quelques heures après son admission à l’hôpital. Le deuxième est venu dans les locaux avec des fesses munies de petites plaies. Malgré les analyses, aucune maladie n’a été décelée. Ce dernier a fini par succomber. Le troisième enfant a subi une fracture à la jambe pendant la nuit dans les locaux. Personne ne sait avec certitude les causes exactes de cette fracture. Admis à l’hôpital, il avait même commencé à marcher. Par la suite, il a attrapé un malaise qui a eu raison de lui. Que Dieu ait pitié de leurs âmes ! » Au départ, les cadres du département ont eu du mal à croire en la véracité des faits. Un certain doute a envahi les esprits. A l’hôpital Gabriel Touré où les enfants de la Pouponnière sont admis, nos recherches ne nous ont pas permis pour le moment de confirmer avec exactitude le décès de 33 enfants. 

    Malgré l’interpellation et la mise sous mandat de dépôt le 1er juin dernier de la directrice, Mme Diallo Aminata Kéïta (suspectée de négligence et d’adoption illégale) le mystère persiste. De quoi sont morts les enfants ? Par malnutrition ? Quel type de malnutrition ? Y a-t-il une expertise médicale qui l’atteste ou des simples affirmations ? Quel est le nombre d’enfants décédés au Centre d’Accueil et de Placement Familial ou encore Pouponnière I de juillet 2010 à février ? Est- ce qu’ils sont réellement décédés ? Avec l’évolution des choses, ces interrogatoires auront leurs réponses.

    Donc, affaire à suivre

     

    Polémique autour de l’homonyme d’une ‘’célèbre’’ policière !

    Selon des sources concordantes, le premier interrogatoire de la directrice générale de la Pouponnière, Mme Diallo Aminata Kéïta, a eu lieu le jeudi 13 mai. Elle avait été surprise de sa convocation par les enquêteurs de la Brigade des mœurs. Les jours suivants, deux ou trois de ses agents ont aussi subi la même interrogatoire. Ils – les enquêteurs- mettront 15 jours pour fouiller et rassembler d’importants éléments sur la patronne du Centre sur le cas d’un enfant, une fille. Il ne s’agit pas de n’importe qui car elle est l’homonyme d’une célèbre policière, dont nous taisons le nom pour l’intérêt supérieur de cette enfant. Elle avait été donnée pour morte mais, en réalité, elle avait été confiée à un couple mixte et les recherches entreprises par la Brigade des mœurs ont permis de la retrouver. Depuis le 26 mai, elle est retournée à la Pouponnière. Le couple aurait été mentionné dans la main courante de la Brigade dans un premier temps.

     

    Les 2 et 3 juin dernier, la brigade des mœurs a procédé à l’interpellation de certaines personnes, surtout des expatriés dont nous ignorons la nationalité. Tout comme nous ignorons pour l’heure si ces interpellations ont un lien avec cette affaire dite de la Pouponnière.

    M. Fofana, C. Doumbia et D. Togola

     

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