Au Sahel, la fin du djihadisme passera par la lutte contre la pauvreté (Oxfam)

«Il est clair que les inégalités dans le Sahel, et notamment dans les pays qui sont le plus affectés par la crise sécuritaire - le Mali, le Burkina Faso et le Niger -, d’une façon ou d’une autre, sont les causes profondes de ce que nous vivons aujourd’hui dans ces pays. Cela a entraîné une insécurité grandissante dans la région, on ne peut pas le contester», cependant, les opérations militaires déclenchées dans ces pays en réaction à cette crise «ne sont pas les seules réponses» à y apporter, a déclaré à Sputnik Adama Coulibaly, directeur régional de l’ONG humanitaire Oxfam en Afrique de l’Ouest, basé à Dakar.
«La situation sécuritaire et humanitaire se dégrade, malgré les engagements militaires massifs de la communauté internationale et des États comme le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad qui sont réunis depuis 2014 au sein du G5 Sahel [force conjointe de ces pays destinée à lutter contre le terrorisme et les trafics, ndlr]», peut-on lire dans le rapport. Selon la même source se fondant sur des chiffres de l’ONU, environ «5,1 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire au Niger, au Mali et au Burkina Faso» en 2019.
Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, «les dépenses militaires sont en train d’exploser. Elles ont quadruplé pour le Mali pour les cinq dernières années, elles ont doublé pour le Burkina Faso et le Niger les cinq dernières années. Quand c’est comme ça, le budget n’étant pas élastique, il faut faire des ajustements et ces ajustements se font au détriment des secteurs sociaux comme l’éducation, la santé. Nous disons, en tant qu’ Oxfam, avec nos différents partenaires: oui, la sécurité est nécessaire mais, en relevant le défi sécuritaire, il faut aussi relever les défis de développement. Et les causes profondes de ces défis de développement, ce sont les inégalités que nous voyons dans ces différents pays», a encore indiqué Adama Coulibaly à Sputnik.
«On a toujours pensé que la question sécuritaire était venue d’agresseurs externes. Aujourd’hui, on se rend compte qu’on a semé les germes pour que ces agresseurs externes trouvent un terreau fertile parce qu’il y a ces questions d’inégalités. Dans nos pays, les gouvernements n’investissent pas du tout ou plus dans une région plutôt que d’autres, ce qui crée des frustrations sur le plan local. Et ces frustrations font qu’à un moment, les gens n’ont pas d’autres moyens de s’exprimer que par les solutions extrêmes», a indiqué à Sputnik Papa Ismaïla Dieng, citant les manifestations violentes, les rébellions ou le fait d’aller grossir les rangs de groupes terroristes. Mais cet activiste, qui est journaliste de formation, a particulièrement été interpellé par le constat, établi par l’ONG, de «la réduction de l’espace civique» dans beaucoup de pays du Sahel, certains prenant prétexte de la lutte contre le terrorisme.
«Dans beaucoup de pays, les crises sécuritaires, de rébellion et autres, sont parties de questions politiques. Laisser s’exprimer les citoyens permet de savoir quelles sont leurs aspirations et, ainsi, d’arriver à anticiper certaines choses (...). Il vaut mieux les laisser s’exprimer et les écouter surtout, et ainsi, pouvoir trouver des solutions ensemble, gouvernements et populations», a insisté l’activiste. Dans son rapport, Oxfam formule une série de recommandations, en invitant les États et organisations de la région ainsi que leurs partenaires et la communauté internationale à «repenser leurs approches» et privilégier «la lutte contre les inégalités». Elle leur suggère notamment de mettre en place des «politiques fiscales progressives» et justes»; d’investir dans l’éducation, la santé, la protection sociale, d’adopter «des politiques agricoles et d’élevage justes et équitables». Elle les exhorte aussi à se doter de «politiques rapides d’adaptation aux changements climatiques», de protéger l’espace civique et permettre à tous les citoyens de participer «activement à la vie publique et politique», entre autres recommandations. Source: https://fr.sputniknews.com
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