Dr. Yacouba Dogoni, sociologue a propos des mariages chers : “Acculturation, endettement, migration forcée”

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Séances de shooting photos avec différentes tenues vestimentaires avant le jour J, enterrements de vie de célibataire, parfois avec un wedding planner… Nos mariages s’écartent et s’éloignent des us et traditions. Dr. Yacouba Dogoni, sociologue, explique cette nouvelle tendance.

 Mali-Tribune : D’où nous vient cette nouvelle manière de célébrer les noces ?

Dr. Yacouba Dogoni : Ce sont des mutations sociales : “l’ensemble des changements qui interviennent dans la structure d’une société dans un laps de temps”, selon Peter Heintz. Ils s’expliquent par l’ouverture aux autres pays, à d’autres cultures et par l’essor des mass-médias. Il s’agit là encore de phénomène social, se caractérisant par des imitations externes.

On parle de phénomène social, lorsque les comportements ou actions sont liés à une influence sociale. Nollywood, Bollywood, et Hollywood y sont pour beaucoup. Les cas d’imitations internes peuvent s’opérer au fil du temps, lorsque le phénomène s’étendra sur les autres parties du pays, notamment les zones rurales.

Mali-Tribune : Les valeurs du mariage sont-elles en danger avec ces pratiques ?

Dr. Y. D. : A vouloir imiter les autres, sans être dans une situation financière stable, le couple risque d’oublier l’essentiel. Le soutien mutuel, le respect et l’amour sont des valeurs inséparables de cette union sacrée. Elles sont beaucoup plus importantes que le côté festif. D’une certaine manière, ces imitations amènent vers un désenchantement du mariage. En imitant les autres, sans être dans une situation financière stable, on court le risque d’oublier l’essentiel en allant s’endetter de gauche à droite. Pour certains, le mariage deviendra un fait effrayant au lieu d’être une réjouissance à cause de son coût élevé.

Il faut d’abord que les personnes qui s’adonnent à ces pratiques arrivent à distinguer le normal du pathologique. Il est primordial de savoir que dans notre pays, le mariage est lié à des valeurs plus importantes et solides que toutes ces modes. Si ce dernier s’entête, il le fera à ses dépens et dans la plupart de cas, le mariage se termine en queue de poisson. L’on ne peut pas vouloir prétendre être ce que l’on n’est pas. Il n’y a pas de recette miracle pour un bonheur conjugal, mais des valeurs à cultiver pour une vie de couple épanouie.

Mali-Tribune : Quels sont les aspects positifs ?

Dr. Y. D. : C’est l’occasion pour beaucoup de jeunes de se faire la poche, il y a tout un business derrière. Des entreprises spécialisées dans l’organisation de mariages sont créées pour la cause. La décoration, le service traiteur, la location de matériels sont pris en charge par ces entreprises. Pour les séances photos, des couples choisissent de s’habiller en tenues traditionnelles. Cela contribue beaucoup à la promotion de la culture malienne. De même, les artistes, photographes, cameramen, infographes pour les “faire-part”, tirent tous profit de ces manifestions.

Mali-Tribune : Quelles peuvent être les conséquences ?

Dr. Y. D. : Elles sont nombreuses, ces pratiques peuvent conduire à une acculturation, à l’endettement, au retard du mariage, et même à la migration forcée.

Mali-Tribune : Quel est le regard de la communauté face à cette modernisation ?

Dr. Y. D. : En général, les invités, sont contents pour l’ambiance et les bons plats à déguster, mais ils s’abstiennent de dire ce qu’ils en pensent réellement surtout lorsque le couple veut se faire voir.

Mali-Tribune : Qu’en est-il des localités rurales ?

Dr. Y. D. : Pour créer une différence, certains mariés ayant vécu dans les villes louent des voitures pour faire un cortège. L’exode rural et le développement de la technologie font que de nos jours, les zones rurales et urbaines sont pratiquement au même niveau.

Actuellement, dans mon village, les mariées commencent à porter des robes de mariées. Il est certain qu’elles finiront par emboîter le pas dans les années à venir. Il est mieux de conseiller le couple sur la gestion de l’après-mariage, lorsque l’on est conscient que les dépenses extravagantes risquent de rendre la vie de couple difficile.

Propos recueillis par

Fatoumata Sira Sangaré

(Stagiaire)

 

 

 

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