Application de l'Accord d'Alger : les dernières décisions prises à Alger

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La semaine dernière, le facilitateur algérien a organisé (à Alger) une rencontre d’évaluation de l’accord d’Alger entre le gouvernement malien et les insurgés de Kidal. Cette rencontre a réuni, entre autres, le ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, le général Kafougouna Koné, Iyad Ag Ghaly, Hassane Fagaga, Ahmada Ag Bibi. D’importantes dispositions pratiques ont été prises. Le Républicain vous livre en exclusivité les dernières décisions prises à Alger ainsi que le calendrier d’application de l’Accord.

C’est suite aux agissements et aux différentes déclarations de l’Alliance des insurgés sur Internet et dans les journaux que le facilitateur algérien a convié les 31 août et 1er septembre 2006, les partis signataires de l’Accord d’Alger pour jeter un regard sur ce qui a été fait depuis le 4 juillet, date de signature. Le facilitateur algérien a clairement affiché son mécontentement au sujet de la manière des insurgés de présenter les choses sur Internet, nous dit un responsable témoin des discussions qui ont eu lieu à Alger. A cet effet, le facilitateur a décidé d’organiser dans l’immédiat une rencontre d’évaluation pour la prise de certaines dispositions pratiques d’application de l’accord d’Alger.

C’est ainsi qu’à Alger des mesures concrètes ont été prises. Premièrement, dès lundi prochain, 11 septembre, l’installation officielle du groupe technique sécurité sera effective à Kidal. Deuxièmement, l’Etat malien s’est engagé à libérer le 15 septembre, deux détenus civils ayant perpétré des exactions le 23 mai lors de l’insurrection des insurgés à Kidal.

Troisièmement, le Conseil régional de Coordination et de suivi de Kidal sera mis en place le 25 septembre. Il s’agit d’un organe purement consultatif et dépendant du ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Conformément à l’accord d’Alger c’est un arrêté du ministre qui crée cet organe consultatif, fixe sa composition, définit ses missions et ses modalités de fonctionnement. Le Conseil régional de suivi et de coordination appuie l’Assemblée régionale qu’il ne peut aucunement remplacer. Cependant, selon notre interlocuteur, au cours des discussions à Alger, les velléités de Iyad Ag Ghaly de faire de cet organe un instrument dévolu à sa personne à sa cause et à la cause des insurgés n’ont pas échappé à la partie malienne. "Nous avons dit non. Le Conseil régional de suivi et de Coordination sera mis en place dans l’intérêt des Maliens, conformément à l’accord d’Alger", nous dit notre interlocuteur.
Les représentants de l’Etat malien ont été catégoriques sur ce point.

Cette rencontre d’Alger est intervenue à un moment où on parle beaucoup d’une exigence des insurgés qui veulent le retrait de l’armée de Kidal.
En réalité, cette demande des insurgés n’est pas nouvelle. Même si elle prend de plus en plus l’allure d’une exigence de l’Alliance des insurgés, on ne peut pas dire qu’elle a constitué un ultimatum lancé à l’armée malienne à Kidal. C’est du moins la lecture du gouvernement malien de la situation, même si dans l’accord d’Alger du 4 juillet 2006, il y a une disposition qui dit que le dispositif militaire devait être confiné à son niveau antérieur au 23 mai 2006. Face à l’exigence des insurgés, l’Etat malien adopte une démarche progressive et de souveraineté. "L’armée va se retirer le jour où le commandement va décider, le jour où nous serons entrés en possession de l’armement, des munitions et du matériel enlevés par les insurgés et à l’appréciation du gouvernement malien. Et l’armée ne va jamais se retirer totalement de la région de Kidal. Tous les postes militaires existants aujourd’hui seront pourvus en hommes, en matériels et en munitions sur place. Et toutes les compagnies manquant d’effectif du fait de l’insurrection seront complétés et auront les normes, même après le retrait du dispositif des renforts qui ont été envoyés sur Kidal", avise notre interlocuteur. La différence d’interprétation de l’accord d’Alger est manifeste, visible. Effectivement à partir du 23 mai, des renforts sont montés au Nord pour assurer la sécurité, et dans l’accord d’Alger l’Etat malien accepte de retirer ce renfort de Kidal. Mais à une condition bien précise : une fois que tout sera normalisé à Kidal (remise des armes, des matériels et munitions enlevés, décision du Commandement).

La triste réalité du 23 mai 2006

Qu’est-ce qui s’est passé en réalité le 23 mai ? C’est la moitié (50 %) des effectifs du camp de Kidal constituée d’intégrés qui s’est retrouvée de l’autre côté des insurgés et qui a regagné les Montagnes de Tégharghat avec armes, munitions et matériels qu’ils ont enlevés. A cet effet, de la rencontre d’Alger de la semaine dernière découle une clarification. "Les compagnies qui ont été décapitées seront reconstituées avec d’autres Maliens, au cas où le Commandement décidera de ramener l’effectif à celui antérieur au 23 mai. Les insurgés devant être mis à la disposition de la garde nationale pour les unités spéciales, toutes les compagnies seront complétées avant que le dispositif ne se retire petit à petit", assène-t-il.

Les insurgés, quelles que soient leur provenances, police, gendarmerie, militaires, seront tous mis au compte de la garde nationale dans les unités spéciales de sécurité qui dépendent organiquement de l’Etat-major de la garde nationale.

En entendant ce redéploiement, l’armée malienne tient en respect les insurgés dans les montagnes de Teghargharet d’où ils ne peuvent revenir dans la ville de Kidal sans certaines conditions. Ils auraient voulu revenir à Kidal, mais c’est l’Etat qui s’est opposé à leur retour.

"Parce qu’en revenant dans le désordre, on ne sait pas qui était là-bas, qui a fait quoi". C’est la seule raison pour laquelle, à la date d’aujourd’hui, les insurgés sont toujours à Teghargharet. Quand pourraient-ils donc quitter les grottes de Teghargharet pour revenir dans la ville de Kidal ? L’Etat malien a affiché sa détermination à n’accepter sous aucun Prétexte le retour dans le désordre, dont il n’a pas intérêt, des anciens éléments rebelles. Après la signature de l’accord d’Alger, il va donc falloir les cantonner. Les armes, les munitions et tous les matériels enlevés doivent être rendus au cours de ce cantonnement. En ce moment, les éléments insurgés vont être identifiés. C’est après cette opération qu’ils iront pour les formations dans les unités spéciales de sécurité. Ce n’est qu’en ce moment seulement que tous ceux qui sont à Teghargharet auront le droit de revenir à Kidal, nous explique le responsable. C’est dire qu’autant l’Etat malien est pressé d’entrer en possession de son armement enlevé, autant les insurgés aussi, confinés dans les montagnes de Teghargharet où il ne doit pas faire bien vivre, veulent effectivement revenir à Kidal. Ils ne peuvent pas le faire parce que l’armée est encore à Kidal pour la défense et la sécurité de tous les Maliens et de l’intégrité du territoire.

Les éléments insurgés, à leur retour à Kidal, sont certes destinés à la garde nationale pour les unités spéciales de sécurité, mais sans doute certains d’entre eux ne bénéficieront pas de ce privilège. En principe, l’accord d’Alger ne leur garantit aucune impunité. Lors des différentes discussions qui ont eu lieu autour de la question, les représentants de l’Etat malien ont été très clairs : "ceux qui ont pillé, volé ou tué sont susceptibles d’être poursuivis. Nous avons un état de tout ce qui a été enlevé, de toutes les infractions commises le 23 mai, les auteurs sont également connus", nous dit notre source.

Boukary Daou

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