Entretien exclusif avec l’artiste Maman Toumani Koné : «Au Mali, même si vous avez du talent, vous n’aurez aucune chance de prospérer si…»

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L’anniversaire de ses 16 ans de carrière sera célébré demain soir au Discothèque @, près de la Direction des sapeurs-pompiers, à Bacodjicoroni Golf.

Qui ne connait pas Mama Toumani Koné ? Cette jeune chanteuse talentueuse à la sublime voix d’or. Originaire de Wassoulou, elle est la fille de feu Toumani Koné.  Issue d’une famille de grands chateurs à Tiéwouléna, elle a commencé à chanter toute petite. Très courageuse, elle a beaucoup appris auprès de grands artistes de renoms, comme la grande diva de Wassoulou, Oumou Sangaré… En prélude de la célébration des 16 ans de sa très riche carrière, prévue demain jeudi 16 janvier 2020 dans l’émission ‘’Plateau d’artiste’’, dans le Discothèque @, près de la Direction des sapeurs-pompiers, sise à Bacodjicoroni Golf, votre  journal lui a tendu son micro. Dans les lignes qui suivent, l’enfant de Wassoulou explique les grandes difficultés auxquelles elle a été confrontée au cours de sa carrière, ses œuvres et ses ambitions. Lisez plutôt !

Le Démocrate : Quelles sont les raisons pour lesquelles vous êtes devenu artiste ?

Maman Toumani Koné : J’ai choisi d’être artiste parce que mon père était un chanteur. Mon père, Toumani Koné, est connu presque partout au Mali, comme à l’extérieur. Il est le troisième créateur du « dosogoni » au Mali. Il chantait bien avant ma naissance. Mais avant lui, sa tante chantait, elle aussi sa maman chantait. En un mot, je suis la septième personne célèbre en chanson dans notre famille.

Quel genre de musique faites-vous ?

Au moment où nous sommes, je fais une musique mixe. Je ne peux pas dire que je fais tout, mais je fais plusieurs musiques à la fois. Parce que j’ai celle de mon père, c’est-à-dire le dosogoni. En dehors de dosogoni, je fais la musique moderne. Mon style, c’est « tradi-moderne ». Je fais la musique traditionnelle, je fais aussi la musique moderne.

Quels genres de message véhiculez-vous à travers vos chansons ?

Globalement, mes chansons sont basées sur les conseils dont l’éducation des enfants, parce que l’avenir d’un pays, ce sont les enfants. Dans mes chansons, j’invite aussi les parents à s’occuper de leurs enfants.  Aussi, comment les femmes doivent se comporter dans le foyer pour s’occuper de leurs maris. Nous sommes dans une période d’hypocrite, certaines chansons sont faites en ce sens pour dénoncer l’hypocrisie. Car, si on veut l’entente, la paix et la cohésion, il faudrait que ces comportements cessent.

Quel est le nombre d’albums que vous avez produits ?

Au jour d’aujourd’hui, j’ai produit quatre albums. Le premier en 2002, le deuxième en 2004, le troisième en 2008 et le quatrième en 2015. Le nouvel album est en cours. Mais d’ores et déjà, quelques chansons de ce dernier sont disponibles. C’est sur « Téri Djougou », l’ami hypocrite.

Quelle appréciation faites-vous de vos albums en termes de succès ?

Bon, je remercie le bon Dieu. Je n’ai jamais produit une chanson qui n’a pas été aimé par les Maliens. Pour cause, chaque chanson a son thème. Par exemple, le premier album a pour thème « hommage à Toumani Koné ». Ça m’a permis de voyager à travers plusieurs pays. Il a fait un grand succès. Après, j’ai produit « N’diagnèBaa, mogo kana don n’ka kabô ni gné ». Cela a connu beaucoup de succès aussi. En 2008, celui de « N’kanougnoko », tous les Maliens l’ont aimé. Tous ceux dont le chéri (e) avait disparu, partaient le ou la chercher dans les boîtes ne nuit. Même de nos jours, je fais beaucoup de concerts à cause de cette chanson. L’album de 2015, ses chansons sont sur les conseils. Je prodigue des conseils dans cet album pour qu’on se méfie des mauvaises personnes. De nos jours, il y a trop de mauvaises personnes. Ce ne sont pas que les rebelles et les terroristes qui sont les mauvaises personnes. Il y a des faux amis, des mauvais compagnons, certains s’infiltrent dans ta vie et ensuite, ils essayent de te nuire. Je suis contre ça.

C’est en 2019 que j’ai fait « Téridiougou ». Les hypocrites, ils font comme s’ils t’aiment et après ils te font du mal. En un mot, mes chansons sont sur les plusieurs conseils. Ce que je veux, si cela se réalise, le Mali avancera, parce que la chanson est sur le Mali. Pour moi, on n’aura pas la paix tant que d’autres souffrent.

Avez-vous fait plusieurs tournées au cours de votre carrière ?

Ouais, je fais beaucoup de tournées. Toutes mes activités sont basées pratiquement sur des concerts. Chaque année je fais des tours dans les pays voisins. Même l’année passée j’ai été à Abidjan. Comme c’est une question de période. Il y a des moments où je suis au Burkina, des fois à Abidjan, Guinée, Sénégal, Mauritanie, etc. Je fais tous ces pays, Dieu merci. Partout où se trouvent des Maliens qui aiment des chansons doso, la plupart m’invite. Cela, grâce aux bienfaits de mon papa.

Avez rencontré des difficultés dans votre carrière ?    

Oui, j’ai rencontré beaucoup de difficultés. Avant que je ne produise mon premier album, j’ai vécu plusieurs difficultés. Mais on n’a rien sans peine. J’ai mené plusieurs activités pour devenir célèbre. Parmi elles, j’ai fait la vente du « dêguê », du « to», de l’eau fraîche. J’ai fait aussi la lessive ici à Bamako. Je faisais tout ça pour ne pas être à la charge des gens. Tout cela reste dans le passé. C’est vrai qu’on dit que le temps passé ne revient plus, mais il faut s’en souvenir, cela nous permet d’avoir plus de courage. Les difficultés n’en finissent pas. Même aujourd’hui j’ai des difficultés.

Vous dites que même aujourd’hui vous avez des difficultés, lesquelles ?

Dans n’importe chaque travail, on veut progresser. Certes, je suis en avance par rapport à certains, mais il y a d’autres qui me devancent. Ce dont j’ai besoin aujourd’hui, est que les maliens m’aident à progresser encore.

Est-ce que l’Etat aide-t-il vous les artistes dans votre métier ?

Je ne peux pas parler au nom de tous les artistes, mais moi personnellement, non. Et je sais qu’il y a d’autres artistes qui sont dans les mêmes besoins d’aide que moi. Aujourd’hui, on organise plusieurs festivals dont je ne figure pas parmi les artistes invités. Toutes les opportunités au Mali sont basées sur des relations. Telle et telle personnes sont mes connaissances c’est comme ça qu’on a les opportunités au Mali. Même si vous êtes talentueuse dans votre profession, si vous n’avez pas de soutien vous n’aurez pas la chance. Parfois on fait savoir que vous n’êtes pas là, or vous y êtes présent en chair et en os. Vraiment, nous avons besoin que les gens nous aident pour que nous puissions participer aux grands festivals au Mali. Nous avons notre talent, nous avons nos connaissances dans notre culture. Nous n’avons ni crainte ni honte avec notre culture.

Au regard des difficultés que vous évoquez, est-ce que vous vivez de vos œuvres artistiques ?

Oui, nous vivons de nos ouvres. Nous n’en manquons pas nos nécessaires. Mais comme vous le savez, quand on est célèbre il y a des attentes de part et d’autre. C’est ce qui cause souvent des difficultés financières pour la réalisation de nos albums. Sinon, j’ai pas mal de chansons à produire. Mais il me faut une assistance financière pour le studio, les clips, etc.

En tant qu’artiste, quel commentaire faites-vous de la crise du Mali qui sévit le pays depuis 2012 ?

En fait, ce que je pense…. Je fais des bénédictions. J’ai même chanté il y a longtemps. « Je me suis assise et j’ai réfléchi sur un phénomène [………] ». En fait, j’ai prédit ça il y a longtemps qu’il y’avait cette tempête qui guettait le Mali. Mais cette chanson n’a pas pu être diffusée puisque je n’ai pas les moyens de le faire. Or, si tu ne payes pas à la télé au Mali, tu n’as pas d’argent pour les techniciens, tes efforts resteront vains. Mais malgré tout, je me suis débrouillé pour réaliser « la paix ». Grâce à la chanson la « paix », aujourd’hui je fais des prestations en Europe. Les Européens, malgré qu’ils ne comprennent pas la langue dans laquelle je chante, m’invite aux concerts pour la valeur de cette chanson. Les Maliens ne l’ont pas valorisé. Or, aujourd’hui il est impérieux qu’on se rassemble autour de l’essentiel, le Mali. La seule condition sine qua non pour une sortie de crise au Mali, est qu’on se donne la main et œuvre ensemble avec un esprit patriotique.

Quels sont vos projets futurs?

J’ai plusieurs projets. Mon premier projet, si Dieu me donne les moyens, comme je vous l’ai dit, mes chansons sont sur l’éducation des enfants. J’aimerais ouvrir un centre pour les enfants de la rue et ceux dont les parents n’ont pas assez de moyens pour prendre en charge leur éducation. Les enfants doivent recevoir une bonne éducation pour qu’à leur tour, ils s’occupent de leurs parents vieux. Ce centre contribuera aussi au développement du Mali, j’espère. Pour sa réalisation, je sollicite l’appui de tous ceux qui ont les moyens. Le deuxième projet est que mon père m’a laissé certains héritages dont les connaissances en médicine traditionnelle. Je l’utiliserai pour aider les malades qui n’ont pas les moyens.

Réalisé par Oumar Sanogo

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 CHEICK OUMAR KOUYATE, MANAGER

« Maman Toumani Koné est un patrimoine »

Après notre entretien avec l’artiste Maman Toumani Koné sur sa carrière, nous avons rapproché son manager en Europe, Cheick Oumar Kouyaté, non moins directeur artistique de Sèkè-Art Production pour qu’il nous donne ses impressions sur l’éminente artiste.

Sur notre micro, M. Kouyaté nous a largement expliqué les valeurs qu’incarne Maman Toumani Koné, sa collaboration avec elle. « Nous avons fait participer Maman Toumani Koné à la rencontre culturelle de l’Unesco pour faire rayonner le Mali », raconte-t-il. Ce choix, selon M. Kouyaté, n’est pas fortuit. Car, il s’est effectué suite à une observation minutieuse sur les artistes du Mali. Et elle a été choisi parce pour le genre de sa musique, « le dosoGoni », affirme-t-il.

Aux dires de Cheick Oumar Kouyaté, « le dosoGoni» incarne les valeurs traditionnelles du Mali. « Il n’y a pratiquement pas de ville au Mali qui n’a pas été fondée par les chasseurs », laisse-t-il entendre.  Donc, c’est notre première culture, poursuit-il.

Pour lui, la confrérie « doso » est synonyme de dignité, sécurité, santé. Car, les « doso » possèdent de pouvoirs permettant de guérir, se nourrir, se prendre en charge, bref, être autonome. C’est cette valeur que promeut Maman Toumani Koné. A ce titre, elle est un patrimoine pour notre interlocuteur. « Pour moi, Maman Toumani Koné est un patrimoine qui doit être protégé, aidé, encouragé et soutenu. Elle nous rappelle à nos valeurs, nos traditions et nos cultures », indique-t-il.

Pour aider Maman Toumani Koné à rayonner davantage dans sa particularité, M. Kouyaté invite tous les Maliens, particulièrement le ministère de la Culture de valoriser la musique de Maman et le travail qu’elle fait.  Car, selon lui, le «dosoya » n’est pas une chose banale, encore moins une mauvaise chose. A titre de rappel, ce sont eux qui ont élaboré le premier document des droits de l’homme en 1235 au Mandé.

Pour conclure, M. Kouyaté réitère son message au ministère de la culture. «J’invite madame le ministre de la Culture N’DiayeRamatoulaye Diallo de s’intéresser à l’artiste Maman Toumani Koné et ses œuvres », a-t-il conclu.

Oumar SANOGO

 

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