Lutte contre l’esclavage au Mali : Le Projet DRL-MLI fait le point de ses acquis

Le Projet DRL de lutte contre l’esclavage et la discrimination fondée sur l’ascendance au Mali, mis en œuvre par l’Organisation internationale du Travail (OIT) avec le concours de l’association de TEMEDT et Anti-Slavery International (ASI), a pris fin officiellement, hier dimanche 31 août 2025.

1 Sep 2025 - 13:40
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Lutte contre l’esclavage au Mali :  Le Projet DRL-MLI fait le point de ses acquis

Le Coordinateur national de ce Projet, Ibrahima Abathina Cissé, accompagné de son chargé de suivi-évaluation, Tiské Coulibaly, étaient face à la presse pour faire la lumière sur les acquis. Ils ont mis en exergue les quatre piliers fondamentaux du projet, dépeint la situation de l’esclavage au Mali et formulé des recommandations multipartites afin d’engager une lutte implacable contre la pratique de l’esclavage au Mali.

Viols, exploitation humaine sous forme de violences physiques ou verbales, travaux forcés, transfert d’enfants dits esclave dans des trousseaux de mariage des maîtres, expropriation forcée de terres agricoles. Voilà le visage silencieux de l’esclavage et de la discrimination fondée sur l’ascendance qui sévit dans certaines contrées au Mali !

Pour lutter efficacement contre le fléau et renverser la tendance, le Projet DRL MLI de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a mené durant deux phases plusieurs activités. « Ce projet fait suite à la recrudescence des pratiques cruelles de l’esclavage, issu d’une autre époque. Car la pratique a existé 476 ans avant Jésus Christ »,  a expliqué le Coordinateur national du Projet, Ibrahima Abathina Cissé. Selon lui, il faut secouer le joug de cette pratique, qui « a été abolie dans le monde depuis 1905, et au Mali depuis son indépendance en 1960 ».

Le projet, DRL-MLI 23/03/USA, a sillonné le terrain au Mali, parcouru des milliers de kilomètres pour aller à la rencontre des victimes et des auteurs de l’esclavage. Le Projet s’est appesanti, a fait savoir son Coordinateur national, sur certaines zones cibles du pays, notamment à Kayes, Mopti, Gao (Ansongo) Tombouctou (Gossi) et dans le District de Bamako pour la coordination nationale. Les bureaux implémentés dans ces régions ont ciblé des victimes, hommes et femmes, jeunes et vieux. Cela, à travers ses quatre piliers. Le premier pilier, a détaillé le coordinateur, a concerné la prise de conscience des effets néfastes de l’esclavage. Un effort de titan a été fourni pour faire comprendre un sujet autrefois tabou par les victimes et les auteurs de l’esclavage. Le projet dans sa mise en œuvre a ainsi misé sur des approches intégrées et bien définies : sketches, causeries débats, théâtres, crieurs publics, communicateurs traditionnels, leaders coutumiers et religieux, émissions radiophoniques et articles de presse. 

Des chiffres qui parlent

Dans son deuxième pilier, renforcement de la législation, les efforts ont été payants. «Les efforts de la transition sont à saluer » a reconnu M. Cissé, se réjouissant pour le nouveau Code pénal qui prend en compte la répression de l’esclavage, la traite des personnes et le trafic illicite de migrants. Dans la même dynamique, le Projet a mené des études comparatives de répression de l’esclavage dans trois pays : Niger, Mali et Mauritanie.

Certes il est bon de légiférer, mais il est aussi mieux de montrer la voie d’accès à la justice, pour avoir la couverture des législations nationales, qui est un droit pour tous les citoyens. A cet égard, le Projet a montré la voie à travers son troisième volet d’intervention. « Le projet a formé des magistrats, et renforcé l’accès a la justice par les victimes », a ajouté Ibrahima Abathina Cissé.

Dans son quatrième volet, il a été question d’autonomisation des victimes, en les formant dans l’entrepreneuriat pour assurer leur insertion socioprofessionnelle.

Tiské Coulibaly, chargé de suivi et évaluation du Projet DRL, a montré l’impact des campagnes de sensibilisation qui ont touché 340 hommes et 161 femmes, 122 hommes et 42 femmes leaders religieux et coutumiers, 90 émissions radios, 770 élèves et enseignants sensibilisés. Tiské Coulibaly a mentionné l’élaboration d’un guide de sensibilisation communautaire sur les effets de l’esclavage élaboré par DRL en collaboration avec le ministère des Affaires religieuses, du Culte et des Coutumes ; la production de 2 communiqués de condamnation de la pratique de l’esclavage publiés respectivement par les confessions religieuses, les légitimités traditionnelles et le Réseau des Communicateurs Traditionnels du Mali pour le Développement (Recotrade). Selon son chargé de suivi-évaluation, le projet DRL a entrepris une étude de cartographie des victimes de l’esclavage dépourvues de documents d’état-civil dans les zones ciblées du projet (Kayes, Mopti, Ansongo, Gossi, Ménaka) avec la délivrance d’actes de naissance à 200 enfants d’ascendance esclave. Dans la perspective d’une mobilisation large des médias, a-t-il souligné, le projet DRL a suscité l’engagement de 34 organes de presse couvrant divers formats (télévision, radio, presse écrite et en ligne). À l’en croire, le projet DRL a généré des avancées substantielles en matière de mobilisation des parties prenantes, de réformes juridiques et d’engagement institutionnel, constituant ainsi des fondations solides pour une lutte durable contre l’esclavage par ascendance.

De fortes recommandations  pour consolider les acquis

Sur le plan judiciaire, des cas emblématiques ont abouti à des décisions en faveur des victimes, incluant des incarcérations de responsables et la restitution de droits fonciers, tandis que la tenue d’une session de la Cour d’assises spéciale à Kayes illustre une évolution notable dans le traitement des affaires liées à l’esclavage. Conscientes de leurs droits et de son exercice, les victimes de l’esclavage ont porté 53 affaires en lien avec la pratique de l’esclavage devant la justice, entre 2023 et 2024. 4 victimes de l’esclavage ont eu accès à leur terre à la suite du jugement rendu par la justice de Diéma. Les données consolidées font état de 1 300 bénéficiaires atteints, dont 615 femmes. Parmi eux, 295 (dont 205 femmes) victimes directes d’esclavage par ascendance à Kayes, Mopti et Ménaka ont pu s’approprier les démarches administratives et exprimer une plus grande confiance pour revendiquer leurs droits.

Pour la durabilité, un facteur aidant a été mis en place. « Les victimes sont aujourd’hui dotées de compétences pour se prendre elles-mêmes en charge, car elles ont constitué des associations et peuvent défendre leurs droits au niveau de la justice », a rassuré le Coordinateur du projet

Sur le registre des recommandations, les participants de l’atelier de capitalisation, tenu les 26 et 27 août, ont lancé un appel pressant pour le financement d’une nouvelle phase du Projet afin de consolider les acquis. Il a été recommandé, entre autres, de renforcer la sensibilisation et la diffusion du nouveau Code Pénal ; soutenir les victimes par une assistance intégrée et assister les victimes dans les litiges fonciers.

Ousmane Tangara

 

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