Gafam et abus de position dominante : Les États africains peuvent-ils faire valoir une quelconque autorité ?
Géants incontestés du Numérique à l’échelle planétaire, Google, Facebook, Apple, Amazon et Microsoft ne sont pas incontestables. Du moins, sur une partie du globe.

Car si certains pays du Nord parviennent à sanctionner lourdement ces écosystèmes financiers, dans le sud global et singulièrement en Afrique, les États africains peinent à remplir le vide juridique en la matière, empêchant ainsi leurs caisses d’une plus-value inestimable. Petitesse de marché expliquerait-elle ce manque abyssale ?
Courant la semaine dernière, et pour la troisième fois durant les dix dernières années, la société mère de Google, Alphabet, a écopé d’une amende de 2, 95 milliards d’euros de la part de la Commission de l’Union Européenne. Son forfait, abus de position dominante sur fond de concurrence déloyale en privilégiant les produits de la marque au détriment des autres. Il s’agit là de sanctions qui font de plus en plus partie du paysage de la régulation du secteur du numérique en Europe et aussi aux États-Unis. Car quasiment au même moment, le groupe a été condamné à versé 425,7 millions de dollars de dommages auprès de 100 millions d’utilisateurs pour atteinte à leur vie privée. Ce, alors que Trump avait exprimé sa profonde colère contre la décision européenne menaçant de représailles avec ce qui est désormais son arme économique, les droits de douane. Entre 2017 et 2019, Alphabet avait écopé de plus de 8 milliards d’euros d’amendes de l’Union Européenne pour les mêmes griefs. En France, la société avait écopé de 50 millions d’euros d’amende pour manque de transparence sur l’utilisation des données de la part de la CNIL, (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés).
Souveraineté et manne financière : deux faces d’une même pièce en matière numérique
En Europe, le législateur semble avoir pris toute la mesure de la chose et a doté les États membres d’un instrument juridique puissant, le RGPD ou Règlement Général sur la Protection des Données. À titre d’exemple, en France, c’est la CNIL qui est chargée du respect de ce règlement. Seuls, les États peuvent difficilement faire le poids mais à l’échelle du Continent, fort d’un marché hautement juteux et d’un instrument juridique adéquat, la régulation numérique sur le vieux continent est devenue une arme puissante pouvant sanctionner des entreprises dont les chiffres d’affaires sont plus importantes que le PIB de nombres de pays réunis.
En Afrique, comment s’y prendre ?
La plupart des États africains se heurtent à une triple problématique : Absence de régulation puissante telle que la Commission européenne, une législation pas assez étoffée sur la protection des données et la transparence ainsi qu’un déficit de moyens techniques pour pouvoir enquêter convenablement sur ces géants. Face au poids économique de ces entreprises, il semble que les États africains perçoivent le morceau comme étant trop gros. Plutôt que de rentrer en confrontation directe, certains préfèreraient même négocier pour bénéficier de formations ou d’une connectivité convenable.
Lueur d’espoir dans un désert d’hésitations ?
Et pourtant, au milieu de ce vide, existe un instrument qui peut constituer un bon début pour fédérer les 54 États africains à prendre à bras le corps le défi. Il s’agit de la Convention de Malabo sur la cybersécurité et la protection des données, adoptée en 2014 par l’Union Africaine mais pas encore ratifiée par la majorité des pays du Continent. À ce jour, cet instrument, bien que souvent mentionné, est très peu mis en œuvre. D’autre part, des États s’inspirent du modèle européen que constitue le RGPD, tels que le Nigéria et le Kenya. Autre exemple salutaire, c’est aussi l’Autorité de protection des données au Maroc qui commence à contrôler certaines pratiques. Mais, globalement, l’on reste très loin des lourdes sanctions observées en Europe.
En avril 2025, le Nigéria aurait fait un grand pas pour montrer la voie aux autres Êtats africains en infligeant une amende de plus 290 millions de dollars à Meta. Ces sanctions ont été infligées par trois organismes publics: la Commission fédérale de la concurrence et de la protection des consommateurs (Federal competition and consumer protection commission, FCCPC) , la Commission nigériane de protection des données (Nigeria data protection commission – NDPC) et le Conseil de régulation de la publicité du Nigéria (Advertising regulatory council of Nigeria, or Arcon). Un exemple dans un océan de mutisme.
Le chemin est encore long. En comparaison, en 2024, le chiffre d’Affaires d’Alphabet dépassait les 350 milliards de dollars contre un PIB global des pays de l’UEMOA de 230 milliards de dollars sur la même année.
Ahmed M. Thiam
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