Hommes exerçant des métiers traditionnellement féminins : Clichés et stigmates
Voir un chef cuisinier ou un maître d’hôtel suscite moins la curiosité populaire que celle d’un homme assis derrière son étal de condiments ou de galettes.

En effet, malgré l’évolution des mentalités, il persiste une vision sur des métiers dits « d’homme » ou « de femme ». Du coup, l’homme qui franchi le rayon est victime de clichés et stigmates.
« Depuis mon enfance, j’aimais accompagner ma maman et mes grandes sœurs au marché. Parfois, lorsqu’elles n’étaient pas disponibles, je restais seul à gérer l’étal de condiments. Cela ne semblait pas trop gêner en ce moment-là, mais c’est après avoir raté mon Diplôme d’études Fondamentales (DEF) et avoir déclaré en famille que je voulais en faire mon travail, tout le monde a commencé à jaser, disant que ce n’était pas un travail adéquat pour un garçon », témoigne Moriké Diarra, revendeur de petits condiments et propriétaire d’un étal à poissons fumés au marché de Lafiabougou.
À l’image de Moriké Diarra, sur le même marché, Sidy Kéïta, la vingtaine, assis derrière une table de légumes, souligne à son tour le regard curieux de certains clients, surtout lorsque ces derniers ne le voient pas assisté par une femme.
Le poids des regards est un stigmate qui n’est pas propre à la vente de condiments, comme en témoigne Mody Doumbia, également vendeur de galettes à petit mil dans la zone ACI 2000. « Pour moi, un métier n’est pas lié au sexe. Je vends mes galettes depuis plus d’un an au même endroit, même si souvent des passants me scrutent par curiosité et que d’autres murmurent. Certains vont jusqu’à me dire : ‘Toi, là, tu ne peux pas faire un travail d’homme’ », indique Mody Doumbia, soulignant qu’il lui a été souvent suggéré d’entreprendre autre chose qui ressemble à un « travail d’homme ».
Titulaire d’un BT 1 (Brevet de Technicien), Mody Doumbia, indifférent aux regards et aux qu’en-dira-t-on, poursuit son commerce et déclare ne pas prêter attention aux a priori et provocations de certaines personnes.
Pour sa petite sœur, Lalla Fatouma Doumbia, son frère a beaucoup été confronté à des préjugés. « Très souvent, lorsqu’on voit un homme faire ce genre de travail, on pense que c’est parce qu’il est efféminé, que ce n’est pas un travail d’homme ». Et pour certains, afin d’échapper aux jugements et aux regards curieux, il faut se montrer dur dans leur gestuelle masculine. « Moi, je coiffe les filles et les femmes, je fais du tatouage, et je n’ai jamais été confronté aux stigmates dont vous parlez. Si cela arrive, c’est certainement parce que la personne a un côté efféminé ou un comportement qui prête à confusion », déclare Mamadou Koïta, dit ‘Ché’, propriétaire d’un kiosque de soins de beauté.
Pour Ahmadi Touré, gérant de station-service, avec la conjoncture actuelle et l’évolution du monde, aucun métier n’est spécifiquement consacré à un genre, comme en témoignent ces filles qui s’orientent de plus en plus vers les pompes à essence, un métier longtemps masculin. Un avis partagé par Kadiatou Traoré, revendeuse d’arachides, qui soutient que le plus important est que cela soit un moyen de subsistance digne pour la personne. Elle explique également que dans certaines fratries, il n’y a pas de filles, et les enfants sont éduqués à effectuer des tâches souvent attribuées aux filles par la société. Quant à Alpha Oumar Coulibaly, jeune réparateur, il déclare : « Il n’y a pas de sot métier mais seulement de mauvaise personne ».
Cependant, même si ces avis semblent converger vers une meilleure compréhension et une tolérance envers les hommes évoluant dans des métiers dits féminins, il n’en demeure pas moins que cette compréhension reste encore limitée, car elle est parfois liée aux gestuels et au physique.
Khadydiatou Sanogo/maliweb.net
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED.
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