Ce sont les derniers mots prononcés par le résistant français Valentin Feldman aux soldats allemands qui l'ont fusillé le 27 juillet 1942, à la forteresse du Mont-Valérien (Paris). C'était une manière pour lui de leur signifier qu'ils ne sont pas conscients de leurs responsabilités individuelles dans l'immense drame (deuxième guerre mondiale) qui ravageait l'Europe avec son corollaire d'atrocités comme la Shoah, Feldman étant lui-même juif.
Aujourd'hui, cette phrase du philosophe français d'origine russe devrait résonner plus fort encore dans les oreilles des Maliens de Bamako, qui sont tellement aveuglés par leurs intérêts et ambitions personnels, qu'ils sont incapables de voir l'état de déliquescence gravissime du pays.
Nous la coulant douce ici, au loin, dans un climat de sécurité et d'insouciance illusoire, nous oublions que nous ne sommes pas dans un pays normal, propice à des mesquineries bourgeoises comme on l'observe en longueur de journée : "MR RFP ne participe pas aux concertations car il n'est pas nommément invité", "la CMA boycotte puisqu’elle n'est pas officiellement associée", "MP4 veut une transition dirigée par les militaires", "MR RFP veut un civil à la présidence de la transition", "quittons la CEDEAO", "faisons partir la France pour coopérer avec la Russie", "on va ressortir", "on va...", "on va...".
J’ai envie de dire comme Feldman en 1942 : "Imbéciles, c'est pour nous que ces soldats sont en train de mourir chaque jour au Nord, au Centre et partout au Mali ! ". Mais comme nous mangeons bien à notre faim, et avons encore nos salaires garantis à la fin de chaque mois, que tout semble aller à l'accoutumée comme dans un Etat normal, il nous est impossible d'imaginer le calvaire que vivent nos concitoyens des zones colonisées par les terroristes et les bandits. Nous leur donnons envie de vomir, sinon de quitter ce pays, ou pire d’aller se rallier aux terroristes.
Sommes-nous si égoïstes envers nous-mêmes, à l'endroit de notre patrie, au point d'être incapables de nous réunir autour de l'essentiel ? En étant aussi divisés, l'ennemi n'aurait pas besoin de livrer bataille pour gagner. Refusant toujours de nous assumer, nous nous hâtons d’accuser les autres d'être à l'origine de nos maux, en bombant le torse avec des envolées lyriques abrutissantes sur notre passé glorieux. Or, nous avons peu à peu détruit cette belle nation, et au lieu de chercher à coller les morceaux qui en ont résulté, nous sommes en train de les consumer par nos actes irréfléchis.
Si nous aimons réellement cette terre, unissons-nous comme un seul homme, en mettant de côté toutes nos considérations politique, ethnique, partisane et régionaliste. Choisissons des gens neutres et accordons-leur notre confiance totale, si fort et solide que la communauté internationale se verra contrainte de s'y soumettre, puisque cette équipe sera l'émanation de la volonté du peuple.
Sinon, au rythme de ces caprices dignes du féodalisme moyenâgeux, le tissu social risque de se fissurer fatalement pour ne rien nous laisser que des portions du Mali remplies de regrets et de remords.
Vive le Mali réconcilié !
Aboubacar Abdoulwahidou MAIGA
Citoyen malien.