Tribune : Le mirage de la vue : Quand le commerce éclipse le soin chez Lapaire
Dans le monde de la vision, où la clarté est le maître-mot, l'ombre du profit plane parfois, semant le doute sur les intentions profondes. Lapaire, avec son ascension fulgurante, incarne pour certains ce dilemme, soulevant la question déchirante : sommes-nous face à des bâtisseurs de vision, ou de simples marchands d'illusions ?

L'histoire de Lapaire est celle d'une réussite commerciale indéniable sur le continent africain. Une promesse d'accessibilité, de solutions rapides pour des problèmes de vue trop longtemps négligés. Mais sous le vernis de cette belle histoire, une interrogation persiste, un murmure qui grandit : qui sont réellement les visages derrière Lapaire ?
Quand les verres tant attendus se perdent dans les limbes d'une logistique chaotique, quand les explications se contredisent et que l'attente s'étire en une éternité frustrante, la question se pose avec une acuité particulière : ceux qui nous promettent de voir le monde avec clarté, le voient-ils eux-mêmes à travers le prisme du soin ou celui du gain ?
Il semblerait, d'après les observations, que Lapaire soit avant tout une entreprise bâtie sur un modèle commercial astucieux. Le fondateur, bien que visionnaire dans le développement de son réseau, n'est pas issu du monde médical de l'ophtalmologie, ni du métier d'opticien au sens traditionnel. Cette distinction n'est pas anodine. Un ophtalmologue est un médecin spécialisé dans le diagnostic et le traitement des maladies oculaires. Un opticien-lunetier, lui, est un professionnel de santé diplômé, formé à l'adaptation des lunettes et des lentilles en fonction de l'ordonnance médicale, mais aussi au conseil et au suivi du patient.
L'analyse suggère que Lapaire, en se positionnant sur l'accessibilité et les prix attractifs, aurait pu privilégier une approche de distribution massive, où la rapidité de rotation des produits et l'élargissement de la clientèle priment. Le souci est que lorsqu'il s'agit de notre vue, de notre bien-être le plus fondamental, la standardisation et l'industrialisation à outrance peuvent laisser un goût amer.
L'émotion de la déception, celle que l'on ressent quand nos verres progressifs sont bloqués entre Bamako et DHL, n'est pas seulement liée au retard. Elle est exacerbée par la sensation d'être un numéro dans une chaîne de production, et non un patient dont la vision est une priorité absolue. C'est l'impression que le discours commercial a masqué une réalité où le cœur du métier – l'œil et tout ce qu'il représente pour l'être humain – pourrait être relégué au second plan derrière la logique impitoyable des chiffres.
Alors, Lapaire, un groupe de commerçants préoccupés par le gain ? Il est difficile de nier que l'aspect lucratif est au cœur de toute entreprise. Mais quand la ligne entre le commerce et la santé visuelle se brouille, quand le patient se sent réduit à un simple consommateur, le succès économique peut laisser un vide émotionnel. Car au-delà des montures et des verres, ce que nous cherchons, c'est la clarté, le soin, et la certitude que notre vue est entre des mains qui la considèrent comme un trésor, et non comme une simple marchandise.
A.K. Dramé
Journaliste indépendant
Analyste et chercheur en Stratégie de Croissance Accélérée, Enjeux et Innovation du Développement durable.
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