Hausse du prix du ciment : Le BTP En berne

Le sac de ciment de 50 kg est actuellement vendu entre 6.000 et 6.500 Fcfa à Bamako. En cause, la désorganisation du transport et l'interdiction des camions hors gabarit sur les routes nationales, d’après certains acteurs du secteur. Une situation qui rallonge, selon eux, les délais de livraison et augmente les coûts. En conséquence, des chantiers sont à l'arrêt. Et des ouvriers, techniciens et promoteurs immobiliers en chômage technique

14 Août 2025 - 13:05
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Hausse du prix du ciment : Le BTP En berne
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Hausse du prix du ciment : Le BTP En berne
Le prix de la tonne de ciment varie entre 125.000 Fcfa et 135.000 Fca

Depuis plusieurs semaines, le prix du ciment grimpe en flèche sur l’ensemble du territoire. Une situation qui n’est pas vu d’un bon œil par nos compatriotes qui aspirent chacun à avoir un chez-soi. L’augmentation du prix du ciment n’est pas faite pour arranger les choses. Le constat est implacable. Dans les dépôts de la capitale comme dans les villes de l’intérieur, le sac de 50 kg est vendu désormais à 6.000 ou 6.500 Fcfa par endroits et la tonne (20 sacs de 50 kg chacun) est cédée à 125.000 Fcfa contre 110.000 Fcfa, il y a deux mois à peine.

«La tonne atteint parfois 135.000 Fcfa, une hausse qui met à mal promoteurs immobiliers et particuliers», explique Moussa Drabo, gérant d’une quincaillerie à Bacodjikoroni. Très remonté, Abdoulaye Coulibaly, maçon à Banankabougou, confie que la situation impacte les projets de construction. Qu’est-ce qui explique l’augmentation du prix de cette matière indispensable dans la construction ? Les acteurs du secteur que nous avons approchés, mettent d’abord en cause la désorganisation du transport. L’interdiction des camions hors gabarit sur les routes nationales rallonge les délais de livraison et augmente les coûts.

Un transporteur rencontré à l’Hippodrome explique sans donner plus de détails que «le prix du fret a augmenté depuis la mesure». «Le gouvernement a interdit la circulation des camions hors gabarit et en surcharge sur le réseau routier national à partir du 1er avril 2025», selon un communiqué conjoint des ministères des Transports et des Infrastructures et de l’Économie et des Finances, publié le 7 mars 2025. Cette décision, validée par le Conseil des ministres, le 12 février 2025, vise à préserver les infrastructures routières des dégradations causées par ces véhicules. La période de sensibilisation de trois mois des transporteurs a expiré le 31 mars dernier.

RUPTURE DE CIMENT LOCAL- Il y a aussi des incidents, voire des attaques terroristes dans certaines unités de production de ciment dans la Région de Kayes. En plus de cela, Alou Bathily, président de l’Association des importateurs de ciment, signale que «les importations de clinker, composant clé du ciment, connaissent également des perturbations». Il ajoute que les routes d’accès au port du Sénégal, notamment la route de Kayes, sont impraticables du fait de leur état défectueux. Et les camions mettent aujourd’hui 6 jours pour rallier cette destination contre 2 et 3 jours de route dans le temps. 

Lors d’une rencontre entre les secteurs privé et public à la Primature, le président du Conseil national du patronat du Mali (CNPM), Mossadeck Bally, a informé le Premier ministre que le «manque d’électricité affecte certaines cimenteries et que les groupes électrogènes ne peuvent pas supporter une telle charge». Un acteur du milieu confesse sous anonymat l’existence d’un circuit de vente parallèlement aux propriétaires de licences. «Il y a souvent 2 ou 3 intermédiaires entre ces derniers et nous et chacun ajoute 2.000 ou 2.500 Fcfa pour faire du bénéfice», dénonce-t-il.

Pour les entrepreneurs du bâtiment, la situation devient critique. Mamadou Traoré, gérant d’une société de construction à Bamako, explique que «sur un chantier de 100 m², la hausse du ciment peut ajouter plusieurs centaines de milliers de Fcfa au budget final». Certains petits projets sont suspendus ou réduits. Les revendeurs naviguent entre pénurie et hausse de prix. Au marché de Djikoroni, un commerçant montre ses stocks limités : «Je reçois deux camions par semaine au lieu de quatre et je dois augmenter le prix pour couvrir mes frais». Moussa Drabo renchérit : «Il faut se lever à 6h pour chercher le ciment importé. Le ciment local étant devenu très difficile à trouver.» D’après lui, en juillet dernier, il y avait une rupture totale sur le marché.

DES INVESTISSEMENTS ET DU TEMPS- Si Bamako subit la hausse, certaines villes de l’intérieur paient encore plus cher. À Sikasso, le prix du sac de ciment oscillait entre 5.750 et 6.000 Fcfa il y a quelques jours. Aujourd’hui, c’est dans les proportions de 7.000 et 7.500 Fcfa. Pire, il y a rupture de ciment actuellement à Koulikoro.  

Les conséquences sont visibles : chantiers à l’arrêt, logements inachevés, ouvriers et techniciens de bâtiment sans travail. Dans le quartier de la Gare à Koulikoro, Djibril Sacko, père de famille, témoigne : «J’avais prévu de construire deux pièces supplémentaires cette année. Avec ces prix, j’ai arrêté les travaux.» Un client explique qu’il y a une spéculation autour parce que le sac de ciment est vendu à 5.500, 5.750 et 6.000 Fcfa. Le prix de la tonne varie entre 115.000 et 120.000 Fcfa, 125.000 voire 130.000 Fcfa dans certaines boutiques «sans facture». Selon lui, «l’objectif est de ne pas laisser de traçabilité pour échapper aux services de contrôle de l’État». 

Les experts estiment que sans amélioration rapide du transport et de la production locale, les prix resteront élevés. «Le ciment est un produit lourd et coûteux à transporter. Toute perturbation dans la chaîne logistique se répercute immédiatement sur le prix final», analyse Oumar Diawara, économiste. À moyen terme, certains plaident pour l’augmentation de la capacité de production nationale et la diversification des sources d’importation de clinker. Mais ces projets demandent des investissements et du temps. 

Le ministère du Commerce et de l’Industrie n’a pas souhaité réagir souhaitant attendre les résultats de l’évolution des dispositions prises avec les acteurs du milieu. En attendant, Alou Bathily invite la population à plus de patience. Face à la flambée des prix, le ministère en charge de l’Industrie a réuni, début juillet, les principaux producteurs et importateurs en vue de sécuriser l’approvisionnement et stabiliser les prix. Les autorités envisagent un renforcement des contrôles et un suivi hebdomadaire des prix. 

Joint au téléphone, la cellule de communication de la Direction générale du commerce, de la consommation et de la concurrence (DGCC) n’a pas souhaité verser un avis dans le débat. Se contentant simplement de dire que  des actions sont en cours et que les résultats seront exposés bientôt. La DGCC a sanctionné plusieurs commerçants qui vendent le ciment au-delà du prix réglementaire.

Oumar SANKARE

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