Mali : quand les djihadistes travaillent à bâtir l'ignorance

Les enseignants, cette nouvelle cible des djihadistes
Communiqué du Gouvernement de la République du Mali suite à l’attaque des établissements scolaires de Korientzé (cercle de Mopti). pic.twitter.com/nzWIoZTXxl
Plus de 9 272 écoles fermées
En avril 2019, plus de la moitié des 900 écoles fermées à cause de l'insécurité étaient déjà dans la région de Mopti, selon l'Unicef, l'agence des Nations unies chargée de l'éducation. Cent cinquante mille élèves n'étaient pas scolarisés. En août, plus de 2 000 écoles accueillant 400 000 enfants étaient fermées au Burkina Faso. Si on compte les autres pays de la région, le Niger, le Cameroun, le Nigeria, la RCA, le Tchad et la RDC où se déroulent des conflits, ce sont 9 272 écoles qui, en juin, étaient fermées, affectant 1,9 million d'enfants et 44 000 enseignants. Depuis, ces chiffres ont probablement dû augmenter. En mars dernier, sur 160 civils tués dans le massacre d'Ogossagou, le plus meurtrier du pays, 46 étaient des enfants. Ils ne sont pas épargnés par les groupes armés.Les enseignants vraiment menacés
Devenir otage terrorise peut-être encore davantage les enseignants, car ils savent les supplices qu'ils pourraient endurer s'ils tombent entre les mains de chefs fanatiques. Pour eux, professeurs et instituteurs sont des collaborateurs du gouvernement, des apostats qu'il faut éliminer au même titre que les soldats qui défendent, à leurs yeux, un régime impie. Demander une rançon, comme cela a été le cas pour des otages européens, semble peu probable. Les familles des otages africains sont démunies et leur gouvernement n'est pas habitué à négocier sur ce terrain. Reste la libération à Bamako de prisonniers terroristes pour un échange, qui s'est déjà produit par le passé au cours d'une négociation « globale » concernant la libération d'otages occidentaux. Une méthodologie déjà employée par les autorités françaises qui n'a pas eu cours jusqu'ici pour Sophie Pétronin, détenue au Mali depuis le 24 décembre 2016, soit depuis bientôt trois ans.Une culture de rapts s'installe doucement
Âgée de 76 ans, cette humanitaire, peut-être trop confiante, qui dirigeait une modeste association d'aide aux orphelins n'a pas, il est vrai, le soutien emblématique d'une grosse entreprise, pas plus qu'elle ne semble bénéficier de l'important dispositif et des libéralités accordés jadis aux négociateurs par l'État français. Sur sa dernière vidéo diffusée par ses ravisseurs est présente une religieuse colombienne, enlevée en février 2017, qui s'adresse, en français, au pape François. Comme elles, aujourd'hui, les enseignants maliens sont des victimes de la guerre sans pitié qui se déroule au Sahel. Pour les djihadistes, abolir l'enseignement du français, c'est isoler un peu plus les Maliens de leurs voisins francophones, enfoncer un coin dans leurs rapports avec l'extérieur. Comme l'exigent les talibans en Afghanistan, Boko Haram au Nigeria, les groupes d'Al-Qaïda et de Daech au Sahel interdisent l'apprentissage des langues étrangères. En fait, ils ne tolèrent pas l'enseignement de la République, en particulier pour les filles. Seule l'école coranique trouve grâce à leurs yeux. Un prétexte qui permet de garder sous leur influence une jeunesse toujours plus nombreuse, majoritaire sur le continent. Les groupes terroristes espèrent ainsi enrôler plus facilement dans un djihad fantasmé, cette jeunesse en désarroi, qui serait, escomptent-ils en brûlant les écoles, maintenue dans l'ignorance du monde.Quelle est votre réaction ?






