Sites d’orpaillage de Kobada, Foroko et de Gneouleni : Les occupants sauvagement chassés

16 Mai 2013 - 10:00
16 Mai 2013 - 10:00
 3
Le samedi 11 mai 2013, la gendarmerie et la garde nationale ont investi les sites d’orpaillage de Kobada, Foroko et Gneouléni, situés dans le cercle de Kangaba. Ils ont chassé les 40.000 orpailleurs de « façon sauvage et inhumaine » selon les témoignages recueillis sur place, le mardi 14 mai 2013. Cependant, ces accusations ont été démenties par les officiers supérieurs qui commandaient l’opération sur le terrain. Il y a quelques mois, le ministre des Mines, Amadou Baba Sy, avait effectué une visite sur les sites d’orpaillage du pays. Au cours de laquelle, il aurait invité les occupants à déguerpir les lieux sans préciser une date butoir. Ce samedi 11 mai 2013, à la grande surprise des orpailleurs de ces sites, les gendarmes et les hommes de la garde nationale ont fait une descente musclée  sur les lieux. Informé de cette situation, le président de la chambre des mines du Mali, Abdoulaye Pona, a dépêché une importante délégation sur les lieux, le mardi dernier pour constater les faits afin d’attirer l’attention des autorités sur cette affaire. Cette délégation conduite par Mamadou Diallo était accompagnée par  le haut fonctionnaire de défense du Département des mines, le colonel Allaye Diakité. Une fois sur place, c’était la désolation et la tristesse. Les cases abritant les 40.000 orpailleurs étaient vides. Hormis ceux qui n’ont pas de moyens de transport pour rejoindre leurs foyers et quelques responsables d’association qui étaient venus accueillir la délégation de Bamako, les lieux étaient vides. Interrogés sur les raisons de ce déguerpissement, certains orpailleurs disent ignorer les motivations de cette opération qui risque selon eux de porter un coup dur à l’économie nationale. De toutes les façons, expliquent nos interlocuteurs, cette intervention des hommes en tenue a créé une panique générale. C’était le sauve-qui-peut. Dans cette fuite, il y a eu des accidents avec mort d’homme, ont affirmé les mêmes sources. Indignés, certains jeunes se sont confiés à nous : « nous ne savons pas pourquoi nous avons été chassés. J’ai fini ma formation en comptabilité en 2004, depuis lors je n’ai rien comme travail à faire. Alors, mon dernier recours était l’orpaillage. Malheureusement, ce samedi noir, nous avons été attaqués par les gendarmes et les hommes de la garde nationale sans avertissement. Vraiment, aujourd’hui, j’ai honte d’être Malien. Je me sens abandonné par mon propre pays. Si je pouvais renier ma nationalité, je le ferais tout de suite » a déclaré les larmes aux yeux Boubacar Doumbia. Son camarade Soufiana Doumbia ajoutera qu’ils n’ont « pas mangé depuis deux jours » et qu’ils n’ont pas d’argent pour rejoindre leurs foyers. Les tortures et vols de la part des forces de sécurité Selon les témoignages des orpailleurs, ils auraient été torturés et volés par les forces de sécurité. Aux dires d’une dame déboussolée, les forces de sécurité leur enlevaient les enfants du dos avant de les battre. Au cours de leur rencontre avec la délégation de la chambre des mines, le maire de Kagnogo, Souleymane Traoré, s’est dit préoccupé par cette situation à la limite de l’humanisme. En pleurnichant, le président de l’association des exploitants de Foroko, Bakary Doumbia, a affirmé que tôt le samedi matin, il a été bastonné ainsi qu’une femme enceinte. Pour sa part, une dame du nom de Kankou Camara, inconsolable, a précisé que les gendarmes ont pourchassé une de ses filles jusque dans la brousse et que depuis plusieurs jours elle n’a pas les nouvelles de cette dernière. A en croire le président du comité d’organisation et de gestion de Foroko, Sekouba Yafa, avec le slogan « plier vos bagages, rentrez chez vous », les gendarmes et gardes ont « torturé et volé » des gens. Même ce mardi matin, ils ont battu à sang un autre. Curieusement, poursuivra-t-il, ces même forces qui chassent les exploitants continueraient à faire travailler quelques individus dans la clandestinité avec les machines abandonnées  pour se partager le butin après. A Kobada, un des responsables des associations d’exploitants a laissé entendre que « malgré notre contribution à l’effort de guerre à hauteur de plusieurs millions, nous avons été sauvagement traités par notre propre pays. Je cherche à changer ma nationalité. Car ceux qui sont censés assurer notre protection sont devenus nos bourreaux ». Au sujet des présumés vols beaucoup de témoignages convergent.  Issa Doumbia, vendeur d’eau de la société Diaby : « on m’a spolié 800.000Ffa et le reste de mes eaux ». Selon Bonifas Doumbia, un acheteur d’or a été dépossédé de 3 millions de francs Cfa.  Quant à Adama Kassonké, il indiquera avoir été dessaisi de 30 bidons  remplis de carburant de 20 litres chacun. Pour sa part, Sedima Camara dit avoir été spolié de 10.000Fcfa. D’autres femmes affirment que leurs bracelets en argent ont été emportés. Démenti du chef des opérations Suite à ces accusations, nous avons approché le lieutenant-colonel, Baba Bagayogo, commandant du groupement territorial de la gendarmerie de Koulikoro, chef des opérations de déguerpissement. Ce dernier a nié en bloc les faits qu’on reproche à son équipe. Pour lui,  suite à l’insécurité grandissante dans les sites d’orpaillage, il fallait impérativement intervenir pour faire déguerpir les orpailleurs  afin de rétablir la sécurité dans la zone. « Avec le brassage de toutes les nationalités de la sous-région, la zone était devenue une jungle. Ainsi, il nous a été demandé d’intervenir et d’interdire l’accès à ces sites à tout le monde. Même vous, vous ne devriez pas être ici. Pour ce faire, je suis venu le vendredi vers 11h 30 minutes sans rien faire. C’est seulement le samedi pour faire du bruit de menace. Ce qu’on appelle dans notre jargon, la vague de refoulement. Les paysans n’étant pas habitués à cela, ils allaient forcément abandonner leurs positions croyant que c’était des armes qu’ont utilisait. Mais   dire qu’il y a eu des tortures et des vols, cela relève du pire mensonge. Il n’y a pas eu de mort, même pas de blessé grave. Nous avons amené des agents spécialisés dans ces genres d’opération. Les élus locaux peuvent témoigner qu’il n’y a pas eu de torture, car ils étaient tous là avec moi le dimanche 12 mai », a conclu le lieutenant-colonel Bagayogo. Soulignons que contrairement aux arguments avancés par le lieutenant-colonel, cette affaire n’est pas liée à un problème de sécurité. Selon les informations reçues, il s’agit d’un bras de fer entre les orpailleurs et la société d’exploitation minière « African Gold Group » (AGG) qui aurait obtenu un permis d'exploitation de 215km2. Et les sites d’orpaillage se trouvent sur cette superficie. Ainsi, nous avons approché le représentant du directeur de ladite société, Siriman Kanté. Pour ce dernier, il est inadmissible que les gens  investissent pour explorer une surface afin de l’exploiter et que d’autres occupent ces mêmes endroits de façon illégale. Toujours dans le souci d’établir la vérité entre les propos des responsables de sécurité et des orpailleurs  au sujet de perte en vies humaines, nous avons été au Centre de santé de référence  de Sélingué. La structure sanitaire la plus accessible pour les orpailleurs. Malheureusement,   les autorités de cette ville ont travaillé au verrouillage de l’information. Approché par nos soins, le médecin chef de cette structure, Dadi Haïdara a laissé entendre qu’il ne pouvait pas nous donner des informations sur l’arrivée des blessés ou des morts en provenance des sites d’orpaillage sans l’autorisation de la gendarmerie. Affaire à suivre Oumar KONATE

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0