Pr El Hajj Younouss Hamèye Dicko rend hommage à Tiébilé Dramé : « O Allah ! Trop tôt s’en est allé, mon étudiant »
Tiébilé Dramé a vécu vrai, a lutté de toutes ses forces, de toute son intelligence pour le Mali, avec ce courage qu’on aime tant dans mon Gourma natal. Dors donc en paix, enfant émérite du Mali parce que tu as vécu avec honneur et dignité ! Qu’Allah soit éternellement loué !

Le 26 Mars 1991, a changé positivement l’émergence des jeunes maliens propulsés sur la scène politique publique. Ce jour a été, grâce au sacrifice d’hommes et de femmes, de personnes physiques et morales, d’associations et de presses engagées. Concernant les Associations et les Journaux, je citerai de façon non exhaustive : le CNID, l’ADEMA, Aurore et les Echos. Aux lendemains et surlendemains du 26 Mars 1991, de nombreuses formations ont vu le jour et les deux partis historiques du Mali, le PSP et l’US-RDA ont repris service.
Je connais les principaux responsables de l’ADEMA depuis le Collège Moderne de Diré, le Lycée Terrasson de Fougères, l’Ecole Normale William Ponty de Sébikhotane (Sénégal), dans les rangs de l’Association des Elèves et Stagiaires Maliens en France (AESMF), dans les rangs de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) et dans la vie active. Par contre, les principaux responsables du CNID m’étaient inconnus ; ils étaient neufs, nouveaux et jeunes, de la génération de mes neveux directs, les enfants de mes quatre grandes sœurs et de mes trois grands frères.
C’était dans les combats que je les ai découverts, à la télévision et dans le reste de la presse. Les tout premiers, Maître Mountaga Tall et Maître Hamidou Diabaté, puis mon collègue le Pr Yoro Diakité, mon petit frère, mon neveu et mon ami Djiguiba Kéïta dit Prêt pour la Révolution (PPR), Bintou Maïga et naturellement Tiébilé Dramé et j’en laisse des meilleurs.
Le CNID était ce parti-là qui, le premier, a tendu une «main politique» à l’UDD, au moment où tous les autres considéraient à tort que l’UDD était le nid des «restaurateurs» de l’UDPM et même du CMLN. Il n’était pas rare que mes amis et frères du RDA et de l’ADEMA me chahutassent et me traitassent de «restaurateur» avec des éclats de rires amicaux et me demandassent ce que j’étais allé faire dans « cette galère » au lieu de cheminer avec eux. C’était la bonne époque ! On savait rire !
J’ai donc eu à travailler intensément, comme Secrétaire Général de l’UDD, avec le CNID, si bien que les jeunes du CNID, avec PPR en tête, m’ont surnommé le « Secrétaire Général du CNID à l’UDD » ; lorsque des angles apparaissaient dans les excellents rapports entre le CNID et l’UDD, le Président Moussa Balla Coulibaly et le Secrétaire Général Adjoint Dr Madani Touré se tournaient vers moi et en plaisantant ils disaient : « Pas de problème, le Secrétaire Général du CNID est là, qu’il règle le problème ». Il me reste en mémoire le cas de la mairie de Nioro gérée par l’UDD et le CNID.
Suite aux élections de 1992, l’UDD venait en tête, mais le leader du CNID était l’oncle du leader de l’UDD qui a dû s’effacer afin que son oncle, selon l’usage, soit le maire ! Plus tard, le maire était rappelé à Dieu ; les militants UDD de Nioro ont voulu récupérer le poste de maire, alors qu’à Bamako nous avons pensé que c’est dans la difficulté que l’amitié s’affirme et je fus envoyé à Nioro pour convaincre nos militants. Le problème a été réglé en présence du Président du CNID, Me Mountaga Tall. C’est donc ainsi que mon compagnonnage a commencé avec le CNID, le PARENA et le BARA.
A ce jour ces bons rapports ont continué avec mes jeunes camarades Mountaga, Yoro, Hamidou, PPR, Bintou et plus particulièrement Tiébilé. Président du PARENA, Tiébilé a montré d’excellentes qualités d’homme politique. J’ai été de toutes les conférences, débats et séminaires qu’il organisait. Quand j’ai compris les difficultés qu’allait rencontrer le Président IBK, nos deux formations, Tiébilé et moi, nous nous sommes souvent rencontrés, mais nous n’avions pas trouvé la solution. Au cours de nos rencontres depuis de nombreuses années, j’ai trouvé en Dramé, un homme de vérité, un homme d’une intelligence exceptionnelle, d’un cerveau éclectique qui possède une résilience hors-pair. Dans nos discussions, chaque fois que nous sommes coincés, il trouve une solution, la solution ou la bonne direction ; il a une intelligence tous azimuts.
Un jour, il est passé à mon bureau à Badalabougou, avec son alter ego qui s’en souvient probablement, il y a de cela des années et on a passé en revue nombre de problèmes et il m’a littéralement surpris, par la puissance de ses projections et ses recherches de solutions aux problèmes maliens. Au moment de nous séparer, pensif, en présence de son alter ego, je lui fais un compliment ; en 1978, j’occupais les fonctions de Directeur Général des Enseignements Supérieurs et de la Recherche Scientifique ; des difficultés existaient entre le Ministère de l’Education et celui de la Fonction Publique au sujet des stagiaires boursiers à l’étranger. L’Education a demandé l’arbitrage du Ministère des Affaires Etrangères et S.E Alioune Blondin Bèye était venu lui-même au MEN pour arbitrer ; plusieurs problèmes qui fâchent ont surgi mais à notre surprise et à notre satisfaction, Blondin a trouvé la solution satisfaisante ! J’ai donc dit à Tiébilé qu’il me rappelait justement l’esprit tous azimuts de Blondin !
J’avoue avoir été surpris par l’étonnement de mes jeunes cadets qui semblaient avoir entendu quelque chose d’extraordinaire ; là, l’ami de Tiébilé rit et me dit ; « Professeur, Tiébilé est l’élève de Blondin dont il a été l’étudiant ! »
Nous éclations de rire tous les trois et depuis Tiébilé Dramé qui était mon compagnon est devenu mon « étudiant » par transitivité car Alioune Blondin Bèye était mon frère et mon ami, ancien camarade sur les bancs de la classe de seconde au Lycée Terrasson de Fougères et, de surcroît professeur. Je n’étais donc pas surpris que Dramé ait réussi avec brio les Accords de Ouagadougou dans un contexte difficile pour le Mali, accords qui ont permis les élections de 2013.
Ainsi, Monsieur Tiébilé Dramé était mon compagnon de toutes les luttes politiques depuis 1991, pour devenir « mon étudiant », ce qui a définitivement scellé nos destins jusqu’à ce mardi 12 Août 2025. Je travaillais à mon livre à paraître quand j’ai appris le décès de Tiébilé et je fus comme frappé par une massue, mais, en un instant je retrouve la position du croyant et je dis : « Allahou Akbar, lâ ilâha illa Allah » ou « Allah est le plus Grand, il n’y a pas de Dieu qu’Allah» !
J’ai alors demandé qu’Allah le couvre de Sa large miséricorde, qu’IL l’accueille dans Son paradis en me remémorant le Coran où Allah dit « Ô, Âme assouvie, accours à ton Seigneur et entre 2 dans Mon Paradis ». Et j’ai ajouté qu’Allah compense sa perte pour sa femme et ses enfants par un immense bien.
Un jour, un homme fait l’éloge de son mort et le Saint Prophète (PSL) écoutait et il fit la remarque suivante : «Cet homme est en train de brûler son mort ». Je dois donc m’arrêter en disant que Tiébilé Dramé a vécu vrai, a lutté de toutes ses forces, de toute son intelligence pour le Mali, avec ce courage qu’on aime tant dans mon Gourma natal. Dors donc en paix, enfant émérite du Mali parce que tu as vécu avec honneur et dignité. Qu’Allah soit éternellement loué!
Bamako, le 15 Août 2025.
Pr El Hajj Younouss Hamèye Dicko
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