Otages : la France et l'Europe payent des rançons à Al-Qaida. Et financent le terrorisme

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Selon une grande enquête du "New York Times", Paris a payé près de 60 millions de dollars de rançons à l'organisation terroriste et à ses groupes affiliés, qui disposent désormais d'un mode opératoire bien huilé.
L'Europe, assureur involontaire d'Al-Qaïda
L'organisation terroriste, à l'origine principalement financée par de riches donateurs, est aujourd'hui largement nourrie par les millions des pays européens, qui financent ainsi indirectement le recrutement, l'entrainement et l'achat d'armes par le réseau Al-Qaida. "Les enlèvements contre rançon sont devenus aujourd'hui la plus importante source de financement du terrorisme", déclarait déjà David S. Cohen, sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, dans un discours en 2012. "Chaque transaction en entraîne une autre". "Dit plus brutalement, l'Europe est devenue un assureur involontaire d'Al-Qaïda", écrit même le "NYT", qui rappelle que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont, jusqu'à très récemment, toujours refusé de négocier avec les terroristes, ce qui a parfois pu entraîner le destin tragique de certains de leurs otages. Ce qui provoque aussi aujourd'hui la colère de Vicki Huddleston, ancienne ambassadrice des Etats-Unis au Mali.Les Européens ont beaucoup de comptes à rendre. Ils mènent une politique hypocrite. Ils paient des rançons et ensuite nient les avoir payées. Le danger n'est pas seulement que ça fait grandir le mouvement terroriste, c'est aussi que ça rend tous nos citoyens vulnérables", assure-t-elle au "NYT".
De leur côté, les ministères des Affaires étrangères contactés par le journal (France, Allemagne, Italie, Suisse et Autriche) nient, comme ils le font toujours.Les autorités françaises ont toujours répété que laFrance ne paye pas de rançon", déclare ainsi Vincent Floreani au quotidien américain.
Mais les affirmations du "New York Times" sont largement étayées. Anciens membres de gouvernements, diplomates, négociateurs ou ex-otages, ils expliquent tous qu'Al-Qaida a fait du kidnapping un business juteux. Ce que confirme Nasser al-Wuhayshi, chef d'Al-Qaida dans la péninsule arabique et cité par le "NYT" : "L'enlèvement d'otages est un butin facile que je pourrais décrire comme un commerce rentable et un précieux trésor". Al-Wuhayshi assure même que l'argent des rançons représente aujourd'hui la moitié du budget opérationnel du réseau Al-Qaida.Les otages un retour sur "investissement" garanti
Les prises d'otage obéissent à un mode opératoire bien rôdé, et désormais supervisé en haut lieu depuis la maison-mère au Pakistan, comme le montre le "New York Times" dès l'entame de son enquête en relatant une transaction opérée au Mali en 2003 par des officiels allemands. Sur les 53 otages qui ont officiellement été enlevés ces dernières années parAl-Qaida et ses groupes affiliés, un tiers était de nationalité française. Seuls trois Américains ont en revanche été recensés alors que 20% des victimes venaient de pays comme l'Autriche ou la Suisse. Ce qui tendrait à confirmer que les djihadistes, qui kidnappent désormais des groupes pour obtenir des rançons plus élevées, ne veulent plus enlever d'Américains ou de Britanniques, comme l'expliquait David S. Cohen en 2012 :Les récentes tendances indiquent que les kidnappeurs préfèrent ne plus prendre d'otages américains ou britanniques, presqu'à coup sûr parce qu'ils savent qu'ils ne recevront jamais de rançons".
Les djihadistes préfèrent désormais cibler leurs futurs otages en fonction de leur nationalité et du potentiel "retour sur investissement". Ce que confirme au "NYT" Jean-Paul Rouiller, directeur du centre d'analyse du terrorisme de Genève : "Il est évident qu'Al-Qaida cible par nationalité. Les otages sont un investissement. Et vous n'allez pas investir à moins d'être quasi certain que vous allez être payé." D'autant que "l'investissement" est devenu particulièrement profitable pour l'organisation terroriste. Alors qu'un otage "valait" environ 200.000 dollars en 2003, il s'échange aujourd'hui pour 50 fois plus. Nicolas Buzdugan - Le Nouvel ObservateurQuelle est votre réaction ?






