Erdogan se réjouit de la confiscation du journal Zaman

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Le président de la République turque a béni la mise sous tutelle de Zaman et l’intervention musclée de la police contre les locaux du journal. «Je vous avais dit qu’on entrerait dans leur repaire», s’est-il réjoui.

Vendredi 11 mars, après une semaine de silence, le chef de l’Etat Tayyip Erdogan a évoqué pour la première fois la confiscation du plus grand journal de Turquie, Zaman, intervenue le vendredi 4 mars.

«On ne peut pas accepter un Etat dans l’Etat, une structure parallèle. Ce sont des voyous, des acrobates. Toutes leurs magouilles sont apparues au grand jour. Et que disent-ils, la liberté de la presse !», a-t-il lancé lors d’un rassemblement à Burdur, dans le sud-ouest du pays.

Erdogan évoque ses «sœurs voilées» venues manifester en soutien à Zaman

Erdogan s’en est pris aux manifestants qui avaient été durement réprimés par les forces de l’ordre devant les bureaux du quotidien. «Ils ont réuni là-bas nos sœurs voilées et non voilées… Ils ont constitué une barrière contre la police. Et, lors des élections, ces personnes avaient envoyé nos sœurs voilées épauler les militants du PKK. Et quand j’ai vu cela de mes propres yeux, je me suis dit, ‘honte à eux !’, voilà où nous en sommes arrivés».

Le président fait, là, une énième référence au prétendu soutien, lors des élections législatives de juin et de novembre 2015, des sympathisants du mouvement Gülen au HDP, le parti démocratique des peuples, la vitrine politique du groupe terroriste autonomiste kurde, le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan).

C’est encore lui qui prétendait que les membres de ce mouvement, qu’il qualifie de «structure parallèle», avaient saboté le processus de paix avec le PKK, lancé par son gouvernement en 2011.

Cette apparente contradiction fait partie, en réalité, d’une rhétorique largement utilisée depuis la révélation des affaires de corruption en décembre 2013 et visant à disqualifier symboliquement l’aura et la réputation des sympathisants du Hizmet («service», en turc, l’autre nom du mouvement Gülen).

«Nous sommes entrés dans leur repaire»

Erdogan a également prétendu que les dirigeants de Zaman avaient sciemment vidé les locaux du quotidien pour dissimuler les preuves. «Il n’y avait ni machine, ni ordinateur, ils ont tout emporté», a-t-il assuré avant d’entonner sa phrase fétiche qu’il débite depuis deux ans, «j’avais dit qu’on entrerait dans leur repaire. Y est-on entré ? Continue-t-on à y entrer ?», a-t-il lancé à une foule enthousiaste.

Au même moment, et par souci de transparence, les associés du groupe de médias Feza, auquel appartient Zaman, publiaient un communiqué dans lequel ils affirmaient détenir sur leurs comptes bancaires 6 millions de livres (environ 1,8 million d’euros) en espèces et 62 millions de livres (19,4 millions d’euros) sous forme de chèques et de reconnaissances de dette.

Une santé financière qui risque de se dégrader rapidement à la suite de la chute des ventes du quotidien consécutive à sa reprise en main par le pouvoir. Le tirage s’est, en effet, effondré passant de de 650 000 exemplaires vendredi 4 mars à… 3445, mercredi 9 mars. Le journal dissident Yarina Bakis s’est écoulé, lui, à 220 000 exemplaires en quelques jours.

L’ancien rédacteur en chef exprime sa crainte

Le même jour, un mandat d’arrêt a été lancé contre Ekrem Dumanli, ancien rédacteur en chef de Zaman jusqu’en 2015, poursuivi pour offense au chef de l’Etat, tout comme Bülent Kenes, à la tête de Today’s Zaman jusqu’à récemment. Dumanli, qui avait été placé en garde à vue en décembre 2014, avait fui le pays dans la foulée, craignant pour sa vie. Kenes, lui, s’est présenté au juge mais a rejeté les accusations d’injures.

 

Quant à Abdülhamit Bilici, le rédacteur en chef de Zaman qui a été licencié dans les heures qui ont suivi la confiscation, a exprimé son inquiétude de voir le pouvoir fabriquer de fausses preuves. «Le lendemain de l’assaut, les caméras qui se trouvent à l’entrée de mon bureau étaient recouvertes de papier», a-t-il affirmé.

Invité à Londres pour participer à une émission sur la chaîne BBC, Bilici s’est désisté au dernier moment. «Pour ne pas qu’ils disent que je me suis enfui», a-t-il expliqué.

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Ebruca Africa Mali

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