Sénégal: Macky Sall, l’impossible rêve onusien ? Exclusif
À deux ans de la fin du mandat d’António Guterres, une question anime discrètement les chancelleries : qui sera le prochain Secrétaire général des Nations unies?

L’ancien président sénégalais Macky Sall, en retrait du pouvoir depuis 2024, présent à l’Assemblée générale des Nations-Unies à New York joue la « star » sous les coups des projecteurs en bon sprinter. Des officines subtilement font circuler son nom, même si l’interessé se garde d’afficher officiellement son ambition. Reclus dans sa villa cossue de Marrakech (ville du Royaume Chérifien) qu’il a acquise depuis 2014 pour une » villégiature de proximité fraternelle » avec Feu le Président malien Ibrahim Boubacar KEITA et fort de son profil international, ses réseaux et son expérience ne suffiront pas pour le tirer d’affaires. Les vagues de répressions inouïes des forces de défense et de sécurité qui ont occasionné 83 morts adolescents sénégalais, les séquences douloureuses liées aux privations des libertés publiques et les délits économiques et financiers le visant, ses proches et son fils constituent des béquilles nauséabondes et ne plaident pas en sa faveur. Décryptage de Confidentiel Afrique
Une candidature africaine n’est pas dans les tuyaux, l’Europe de l’Est en pole position
À l’évidence, la mécanique politique onusienne et la règle tacite de rotation régionale condamnent presque d’avance une candidature africaine.
Depuis 1946, la succession des Secrétaires généraux obéit à une tradition tacite : la rotation géographique. Tour à tour, l’Europe occidentale, l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique – deux fois, avec Boutros Boutros-Ghali et Kofi Annan – et plus récemment l’Europe méridionale ont occupé le poste. Reste une grande absente : l’Europe de l’Est.
Or, dans les couloirs des Nations unies, ce constat ne relève pas du détail mais de l’évidence. «La rotation n’est pas une obligation juridique, mais une contrainte politique quasi incontournable». Autrement dit, sauf bouleversement géopolitique majeur, le prochain Secrétaire général devrait venir des Balkans, d’Europe centrale ou de l’ex-URSS.
Dans ce cadre, une candidature africaine en 2026, quelle qu’en soit la qualité, apparaît pour beaucoup comme un contresens diplomatique.
Pour autant, Macky Sall dispose d’un bagage qui pourrait séduire. Douze années à la tête du Sénégal lui ont permis de s’installer sur la scène internationale : médiations dans les crises régionales, plaidoyer pour un nouvel ordre financier mondial, présidence de l’Union africaine, participation aux grands forums planétaires. L’exercice du pouvoir à la tête du pays de 2012 à 2024 a permis à l’ex-président Macky SALL d’entretenir des couloirs avec Washington comme avec Pékin, avec Paris comme avec Riyad. Mais, ses espérances risquent de voler en éclats avec les séquences « puantes » qui ont balafré le pays de 2021 à 2024. Macky Sall croit toujours en ses ambitions de trôner à la Tour de Manhattan. Il s’y investit et s’est attaché des communicants français qui passent la « polisseuse » sur sa stature internationale. Sa méthode ? Un lobbying discret, sans effets d’annonce. Il devra arracher à l’évidence le quitus des nouvelles autorités sénégalaises avec à bord du gouvernail le tandem Diomaye-Sonko depuis début avril 2024 pour que sa candidature soit enregistrée au greffe des Nations-Unies. L’impossible probabilité réduit en cendres ses chances. Ses tentatives de se rapprocher de son successeur, le président Bassirou Diomaye FAYE se sont avérées infructueuses. En exclusivité, Confidentiel Afrique avait révélé ce visiteur « inattendu » qui n’était rien que le président sortant Macky SALL cherchait-sans répit- à décrocher une audience avec son successeur Bassirou Diomaye Diakhar FAYE lors de son dernier séjour parisien en marge du Forum du MEDEF (Mouvement des entreprises de France). Un intense lobbying diplomatique avait été déployé pour ce tête-à-tête Macky SALL-Diomaye FAYE, mais qui a foiré au finish.
Si près, si loin du prestigieux fauteuil onusien
Mais ce capital se heurte à trois handicaps majeurs :
D’abord, le passif politique national : la tentative de report de l’élection présidentielle en 2024, précédée de manifestations violentes, a durablement entamé son image de démocrate. Pour une fonction où la légitimité morale pèse lourd, c’est une fragilité.
Ensuite, la rotation défavorable : l’Afrique a déjà eu deux Secrétaires généraux en trois décennies. Une nouvelle candidature serait jugée prématurée, voire illégitime.
Enfin, certains membres permanents du Conseil de sécurité verraient en lui un profil clivant, au regard de ses positions tranchées.
À cela s’ajoute un obstacle décisif : ses relations glaciales avec son successeur à Dakar, le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko. Or, aucun candidat ne peut se présenter sans le parrainage formel de son pays. Sans cette clé, la porte de l’ONU se ferme avant même de s’ouvrir.
Le rêve d’un Secrétaire général africain en 2026 se heurte donc à une dure réalité : le prochain tour est celui de l’Europe de l’Est. Penser le contraire, c’est ignorer les ressorts profonds de la diplomatie onusienne, où les équilibres géopolitiques l’emportent toujours sur les ambitions individuelles. Cela ne signifie pas que Macky Sall soit condamné à l’oubli. Paris et Rabat comptent ne pas l’abandonner pour certainement un retour de l’ascenseur.
Mais pour accéder au sommet onusien, il faudrait une conjonction rarissime : un soutien africain unanime, la bienveillance des cinq permanents du Conseil de sécurité et une entorse assumée à la règle de rotation. En l’état, tout cela relève moins de la diplomatie que de la politique-fiction.
Le cas Macky Sall illustre au fond la tension entre la stature personnelle d’un dirigeant africain et la mécanique implacable des grandes organisations multilatérales. Il rappelle aussi que le Secrétaire général de l’ONU, loin d’être un «président du monde», est d’abord le produit d’un compromis entre puissances, plus choisi qu’élu.
Si près par son parcours, si loin par la règle des équilibres, Macky Sall incarne cette contradiction. Et son ambition- si ambition il y a- restera sans doute le miroir des limites de l’Afrique face au multilatéralisme onusien
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Par Chérif Ismael AÏDARA et Hugues DESORMAUX (Confidentiel Afrique)
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