Oumar Diallo : Le Mali a besoin d’urgence d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et d’une cellule de coordination antiterroriste

27 Juillet 2016 - 00:35
27 Juillet 2016 - 00:35
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Oumar Diallo : Le Mali a besoin d’urgence d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et d’une cellule de coordination antiterroriste
Oumar Diallo, analyste chercheur en matière de terrorisme, spécialisé sur le cas de son pays, le Mali
Oumar Diallo est un jeune malien installé depuis plusieurs années en Europe. Après une maitrise obtenue à Cuba, il vient de se spécialiser en faisant un master universitaire en Etudes sur le Terrorisme à l’Université Internationale de La Rioja (UNIR) en Espagne et s’apprête à commencer un doctorat sur la même ligne d’investigation. M. Diallo est analyste chercheur en matière de terrorisme, spécialisé sur le cas de son pays, le Mali. Maliweb.net: Bonjour M. Diallo. Merci de répondre à notre appel. Comme vous le savez le Mali est confronté à une grave crise sécuritaire depuis plusieurs années. Quelle est votre lecture de la situation ? O.D. : Bonjour et merci à Maliweb.net de me donner l’opportunité de m’exprimer publiquement en exposant mon point de vue sur la situation sécuritaire du Mali. Effectivement le pays est confronté à une insécurité devenue récurrente au fil du temps. Je dirais que l’existence même du pays est sérieusement menacée si une solution idoine n’est pas trouvée. Le nord est le théâtre d’actes de banditisme, de terrorisme, certains groupes armés contrôlent et règnent en maitres absolus sur plusieurs zones… Si nos forces de sécurité et défense avaient l’habitude de gérer les différentes rebellions, le terrorisme est une nouvelle menace et un immense défi non seulement pour elles mais aussi pour notre société.  Que pensez-vous de l’accord de paix signé entre le gouvernement et les groupes armés? Je crois sincèrement que toutes les guerres ou conflits terminent toujours autour d’une table de négociation. Donc pour la stabilité et la paix au Mali, il était nécessaire de trouver un compromis entre les parties mais notons également que cet accord a été paraphé à la hâte, sous la pression de la communauté internationale, le Mali en position de faiblesse car on venait de perdre la bataille de Kidal. En plus l’accord n’était pas inclusif car n’ayant pas associé la société civile, les partis de l’opposition, les populations du nord et surtout les groupes terroristes, mention spéciale à Iyad. Vous savez quand on a une armée incapable d’assurer la protection des personnes et des biens, protéger les frontières et venir à bout des menaces on n’a pas le choix, il faut impérativement négocier avec tout le monde. Si le gouvernement a pu rouler le tapis rouge pour le MNLA à Bamako, ceux là mêmes qui ont ouvert la boite de Pandore au nord, violé, assassiné et vandalisé… Valent-ils mieux que leur « ex » allié Iyad ? En Afghanistan on cherche à discuter avec les talibans, même chose au Nigeria avec Bokoharam, le pouvoir Algérien a eu à amnistier un grand nombre de terroristes pour mettre fin à une guerre civile avec des dizaines de milliers de victimes. Donc pour résumer je dirais dans notre considérant position actuelle, vu la faiblesse de notre système de défense, on est contraint à faire des négociations inclusives avec toutes les parties en responsabilisant également la société civile, l’opposition et les populations concernées, c’est à dire celles du nord.  Qu’est ce qui explique selon vous la multiplication des groupes terroristes au Mali ? Les mouvements terroristes se basaient au début sur la religion, mais après ils ont observé une évolution en pénétrant les minorités ethniques comme certains touarègues (Ansardine), le MUJAO regroupait principalement des arabes et d’autres groupes ethniques et maintenant on instrumentalise certains jeunes peuls du centre à travers le mouvement d’Amadou Kouffa, sans oublier Ansardine du sud qui existe également. L’objectif est de se servir de tous ces jeunes pour étendre leurs tentacules sur l’ensemble du territoire, déstabiliser le pays et créer le chaos au Mali. Nul besoin d’être spécialiste pour savoir que la pauvreté, la misère, l’injustice, les frustrations, le chômage, la corruption, la mauvaise gouvernance et la faillite de l’Etat central constituent des éléments qui favorisent l’enracinement du terrorisme chez nous au Mali. Beaucoup de jeunes tombent sous le charme des groupes terroristes car n’ayant pas de boulot et malheureusement je puis vous assurer que presque dans chaque famille nous avons un « un terroriste » en puissance car la jeunesse est désespérée…C’est le cas des jeunes de Gao qui ont manifesté pacifiquement non seulement contre les autorités intérimaires mais aussi pour réclamer leur cantonnement et recrutement dans les forces armées. A Kayes également la population a marché pour réclamer un deuxième pont. Le front social est en ébullition au Mali, l’implosion est possible si les mesures urgentes ne sont pas prises…Au sud, principalement à Bamako et environs on n’a pas conscience de l’imminence du danger qui guette le pays…  Quelles solutions préconisez vous pour sortir notre pays de cette crise ? Vous savez en matière de contre terrorisme il n’existe aucune solution miracle, il faut que les experts étudient notre situation et proposer des pistes à l’Etat. Ce n’est pas un policier, un gendarme ou un militaire qui est forcement un spécialiste en matière de terrorisme/contre terrorisme. Il faut mener un travail de titan et avec beaucoup de sérieux et rigueur, c’est le cas du Burkina Faso qui a immédiatement pris des mesures dès les premiers attentats en sollicitant les experts et consultants nationaux et étrangers pour aider le pays. Au Mali nous avons besoin d’urgence d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et d’une cellule de coordination antiterroriste, il faudrait renforcer les capacités des services de renseignements pour miser sur l’action préventive, c'est-à-dire pouvoir anticiper les attentats et attaques terroristes ainsi que démanteler leurs réseaux et soutiens. Dans cette stratégie la sécurité d’Etat, la police, la gendarmerie, l’armée, la justice…chaque structure a une responsabilité et un rôle précis à assumer avec compétence et professionnalisme. N’oublions pas également de lutter contre la mauvaise gouvernance, la corruption, le chômage des jeunes, l’injustice, le radicalisme, etc. Il est également urgent de procéder au cantonnement, désarmement et réinsertion des groupes ayant signé l’accord de paix afin de pouvoir contrôler les mouvements des différents groupes et faire la distinction entre les amis et les ennemis de la paix. Voila quelques pistes, pas les seules, pour commencer à lutter efficacement contre le terrorisme au Mali. A suivre... Interview réalisée par M. KONATE  (maliweb.net) Nous publierons prochainement  le reste de l’interview qui porte sur le terrorisme, la MINUSMA, Barkhane et l’état actuel de nos forces armées.

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