Découpage territorial ou partition du Mali : Fronde contre le projet de Ag Erlaf !

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Le projet de découpage territorial provoque  un tollé général dans le pays. Ici et là, des manifestations, meetings et autres actions de protestation sont organisés  par les populations, notamment à Gao, Tombouctou, Koro (Mopti), Goundam, Koutiala…  pour dénoncer ce projet concocté par le ministère de d’Administration territoriale dirigé par Mohamed Ag Erlaf. Aussi, de nombreuses associations, des cadres et responsables politiques s’insurgent contre un découpage, qui, selon eux, jette les bases de la Partition du Mali. Les contestations du découpage territorial se généralisent au fil des jours.

Ainsi, le ton a été donné à Gao, où une grande manifestation a eu lieu, le lundi 22 octobre 2018. Plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre le projet de découpage. La manif a mobilisé des membres de la société civile de Gao, Bourem et Ansongo… Sur les banderoles, on pouvait lire : « Gao dit non au favoritisme. Gao, c’est un territoire pour une même population. Pour l’exclusivité Gao propose ! ».

Les manifestants dénoncent une violation de l’Accord pour la paix et la réconciliation avec ce projet de loi initié par le Ministère de l’Administration territoriale sous la houlette de Mohamed Ag Erlaf, qui en est l’initiateur.

A Gao, les populations reprochent au gouvernement d’avoir prévu un découpage inégalitaire. « Dans son projet, seules des régions peuplées de nomades ont été créées », déplore Lala Maïga, de la CAFO (Coordination des associations et ONG féminines) de Gao.

En outre, plusieurs cadres indiquent que c’est dans la presse qu’ils ont découvert le projet de loi du gouvernement. Une surprise totale. « Nous n’avons même pas été consultés », martèle le président de la société civile de Gao, Nouhou Abderhamane.

Issiaka Kantao, l’un des organisateurs de la manifestation et membre de la CMFPR 2 estime que : « l’avant-projet du gouvernement est discriminatoire. Aucune localité sédentaire n’est concernée par le nouveau projet de découpage. Nous n’accepterons pas ça… 

Les sédentaires de la région de  Gao ont élaboré et soumis au gouvernement une proposition de redécoupage de leur région. Dans ce document, la région de de Gao est redécoupée plutôt en cinq régions et un district. Bamba, Bourem, Ansongo, Koukya et Songhoy sont les localités proposées à être érigées en région. Et le même document propose d’ériger la ville de Gao en district avec six communes ».

 

Koutiala et Goundam : La colère des populations 

Dimanche 21 octobre 2018, lors d’une assemblée dans la salle de réunion du Conseil de cercle de Koutiala, les populations ont lancé  la réflexion sur le nouveau découpage administratif. « Koutiala érigé en région s’en sort seulement avec trois cercles. Il s’agit du cercle de Koutiala, de Yorosso et de M’Pèssoba ».

Après des échanges, les participants ont proposé la création de dix cercles. Il s’agit: Koutiala, Diaramana, Boura, Konséguela, M’Pèssoba, Kouniana, Zangasso, Molobala, Yorosso et Kouri.

Pour les populations de Koutiala, ce choix ne tient pas compte de certaines « situations embarrassantes », comme le statut administratif ancien entre les localités ou encore le problème du couplage des localités.

De leur côté, les ressortissants du cercle de Goundam ont également pris position. Ils rejettent le projet de loi portant création des Collectivités territoriales. « Nous, ressortissants du cercle de Goundam à Bamako, avons été informés, à travers les médias et les réseaux sociaux, d’un projet de loi portant création des collectivités territoriales en République du Mali. Nous vous rappelons que courant 2016, les ressortissants du cercle de Goundam, en commun accord avec l’ensemble des populations des seize communes, ont sollicité l’érection du cercle de Goundam en région administrative. Nous avons été surpris que cette demande, faite sur la base d’un document technique soutenu par des arguments pertinents, qui militent à la faveur de l’érection de Goundam en région, n’ait pas été retenue dans votre Projet de loi portant création des collectivités territoriales », indique un communiqué des ressortissants.

Dans le même communiqué, Goundam attire l’attention des autorités sur les menaces que portent le découpage du ministre Ag Erlaf : « Cette nouvelle réorganisation territoriale, faite sans consultation préalables des populations concernées, peut, si on n’en prend garde, constituer de potentiels foyers de tension, qui vont contribuer à fragiliser davantage la cohésion sociale et le vivre ensemble déjà très précaires. Monsieur le Ministre, Au regard de tout ce qui précède, nous, ressortissants du cercle de Goundam, rejetons catégoriquement ce projet de loi portant création des collectivités territoriales en République du Mali. A cet effet, nous réitérons notre demande d’érection du cercle de Goundam en région, parce que nous estimons que Goundam, un des premiers cercles du Mali, doté de toutes les potentialités agro-sylvo-pastorales, zone des lacs par excellence, remplit toutes les conditions pour être érigé en région administrative au Mali».

 

Des associations et la diaspora malienne rejettent…

Plusieurs associations et communautés sont montées au créneau contre le projet. Dans le lot, l’Association Songhoy Borey internationale, les Communautés de culture songhay en Mouvement IR-Ganda et le Front populaire de l’Azawad (FPA). Toutes ces associations fustigent le « caractère discriminatoire du contenu du texte » et demandent par conséquent l’amélioration du document.

« Le caractère injuste, inéquitable et unilatéral, sans concertation des populations à la base autour du découpage ainsi projeté, est attentatoire à la cohésion sociale, à la paix et à la prospérité du Nord du Mali… Vous conférez à une infime partie d’une petite frange d’une minorité démographique à prétendre à une majorité démocratique », s’indigne l’Association Gao Lama Borey. Démocratiquement comment une majorité de la population du Nord du Mali à 90% pourrait se retrouver avec 8 députés alors que la minorité (10%) se tape 32 députés ? S’interroge l’Association. Les responsables de l’Association Gao Lama Borey mettent en garde les autorités maliennes contre le projet. Ce découpage, estiment-ils, est une bombe qui gangrénera tout le Mali car d’autres personnes ou communautés, tentent déjà et tenteront le même exercice pour leur terroir.

De leur côté, les Associations sœurs du Nord et du Sud ont exprimé leur rejet catégorique du nouveau découpage, le mardi 16 octobre dernier.

Le porte-parole des Associations, Abdel Kader Maïga, déclare : « force est de constater que le caractère unitaire de la République du  Mali est menacé par une mise en œuvre non inclusive de l’accord d’Alger qui fragilise l’Etat à travers ses institutions. Ce qui conduira inévitablement à la partition du Mali ». Les associations sœurs du Nord et du Sud sont catégoriques : « Nous rejetons avec force et détermination le projet de morcèlement du pays ».

Pourquoi ce rejet ? Selon cette association : « Prenant appui sur l’injonction d’une mise en œuvre accélérée de l’Accord issu du processus d’Alger, nos autorités pré fabriquent de nouvelles circonscriptions, en l’occurrence des cercles qui seront tous à dominante Touareg ou Arabe  au détriment des aires géographiques des autres communautés, alors que l’Accord n’en parle nullement… ».

Aussi, les associations sœurs du Nord et du Sud, plusieurs associations de la société civile et des religieux attirent l’attention sur « les menaces de partition du pays qui prennent de plus en plus corps ». Et c’est pourquoi, ils ont décidé de mettre en place une Coalition des associations sœurs du Nord et du Sud…

 

Des leaders politiques réagissent

Par ailleurs, des nombreuses voix se font entendre au sein de la classe politique malienne pour dénoncer le projet de loi sur le découpage. Ainsi, Dr Choguel Kokala Maïga, ancien ministre et président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), y voit une machination orchestrée contre le Mali. « Pour ce qui observe bien et avec attention les faits et gestes des Autorités, on voit en filigrane qu’elles sont en train de mettre en place, en douceur, par doses homéopathiques, les instruments politiques et administratifs pour rendre irréversible le processus qui conduira à l’Autonomie des régions du Nord. Avec comme finalité à moyen et long termes LA Partition pure et simple du Mali. Il y a un véritable risque de voir le Nord du Mali comme le Soudan du Sud… », déclare  Choguel Maïga,

De son côté, Moussa Mara, ancien premier et Président du parti Yéléma, a indiqué, sur sa page Facebook, ceci : «depuis quelques années, comme pour éviter de s’attaquer à l’essentiel, nos autorités multiplient des initiatives institutionnelles au nom de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issue du processus d’Alger, alors qu’elles n’ont qu’un lointain rapport avec ce texte, voire aucun rapport du tout ! ».

Sur sa lancée, M. Mara dénonce «un stratagème supplémentaire de nos gouvernants dans la direction observée depuis plusieurs années : une logique de partage de gâteau (postes de préfets, sous-préfets, présidents d’autorités intérimaires, présidents de cercles, députés…) sans aucun impact pour les populations et la cause de la réconciliationOn ne voit pas à quoi serviront des cercles supplémentaires là où les Régions supplémentaires elles-mêmes n’ont rien apporté ! En quoi la multiplication des cercles, des communes permettra de satisfaire les attentes des populations en matière de sécurité, d’accès à l’eau… ? ».

Face à ce tollé général et aux nombreuses manifestations à travers le pays, le gouvernement observe un mutisme coupable qui risque de détériorer d’avantage le climat social, déjà tendu, dans le pays.

Mohamed Sylla

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1 commentaire

  1. Et le gouvernement retombe dans les mêmes erreurs à chaque fois. Le nouveau découpage est a été élaboré en concertation avec tous les acteurs politiques maliens. Maintenant qu’il faut adopter la loi les politiciens assoiffés de pouvoir manipule l’opinion sans que le gouvernement réagisse pour expliquer le bien-fondé de la chose. La même chose s’est produite avec la révision constitutionnelle. Il faut donc que le gouvernement malien rassure les maliens de la nécessité de ce découpage en expliquant les clairement les critères. C’est pourtant pas difficile de communiquer.

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