Pour sauver le processus de paix : Le Parena appelle à l’ouverture de la période intérimaire

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Le président du Parena, Tiébilé Dramé
Le président du Parena, Tiébilé Dramé (photo archives)

Convaincu qu’après  6 mois de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, la situation  sécuritaire en général et du Nord en particulier  n’incite guère à l’optimisme, le président du parti du bélier blanc a, au cours d’une conférence débat organisée par le parti, engagé la réflexion de  recourir à deux dispositions pertinentes de l’Accord : «La conférence d’entente nationale et la période intérimaire» afin de sauver l’accord de paix issu du processus d’Alger. C’était le samedi dernier, au Cicb.

Placée sous le thème « Ensemble, sauvons le Mali », cette conférence débat visait  à évaluer le chemin parcouru dans  la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation  nationale et de proposer des solutions concrètes afin de donner un  souffle  nouveau à l’Accord.

Dans son intervention, Tiébilé a dressé un tableau non reluisant de la situation dans laquelle se trouve l’Accord, six mois après sa signature. Selon lui,  en ce mois de décembre, la situation n’incite guère à l’optimisme. Car, expliquera-t-il, 6 mois après, en dépit des déclarations de bonne foi et d’une dynamique bien perceptible de réconciliation  à travers  la rencontre  d’Anefis, et bien d’autres  réunions organisées par le gouvernement, le processus de  paix connait des lenteurs préoccupantes au moment où la situation sécuritaire se dégrade sur toute l’étendue du territoire. «  Conséquence de l’insécurité rampante : des dizaines de milliers de Maliens  qui vivent dans les camps de refugiés, au lieu de revenir, voient leur nombre grossir. Le retour ou le non retour des refugiés est une des meilleures jauges de la sécurité et de la situation sécuritaire. L’année 2015 a commencé avec l’attentat  qui a couté la vie à Aroudeni Agamatou, Maire  d’Anderaboucane. De cette date au 28 novembre, quelques trois cents personnes ont perdu la vie, une centaine d’incidents ont été enregistrés. Près de la moitié de ces incidents se sont produits après la signature de l’accord d’Alger », a-t-il déploré. Et d’ajouter que  l’attaque de l’hôtel Radisson  Blu  a mis en évidence   les faiblesses de la gouvernance de la sécurité par les autorités maliennes, les faiblesses de la gouvernance tout court.  « On ne sent pas notre gouvernement jouer le rôle locomoteur qu’on attend de lui. On  ne sent pas notre gouvernement jouer le rôle d’entrainement des parties maliennes et de l’action internationale. On ne sent pas que les choses sont claires pour le gouvernement .On ne sent pas de vision refondatrice de mobilisation nationale pour refonder la gouvernance et les institutions, donnant l’impression que le processus s’est quelque moment ensablé », a-t-il déclaré.

A l’en croire, l’immobilisme dans lequel  le processus baigne  aujourd’hui résulte du manque de mobilisation du pays. Il préconise avant tout  une concertation nationale pour l’appropriation de l’Accord. Par ailleurs, il a estimé,  pour éviter un ensablement gros de danger pour le processus de paix, recourir à deux dispositions pertinentes de l’Accord : La conférence d’entente nationale, la période intérimaire. « Pour relancer le processus, nous préconisons  que la conférence d’entente nationale s’ouvre le plus vite et que son objet soit relatif à la paix et à la stabilité, à la réconciliation nationale , à la gouvernance  et à l’indispensable refondation des institutions, commencera alors le plus vite la période intérimaire pour la mise en œuvre des conclusions de la conférence d’entente nationale ,pour le passage à la quatrième République, pour moderniser et rationaliser les institutions et notre dispositif électorale  » , a-t-il préconisé.

Au nom de la majorité présidentielle, Pr. Younouss Hamèye Dicko répliquera  que les enjeux  d’Alger et de Ouagadougou  n’étaient pas les mêmes. Selon lui, le gouvernement avait un programme à Alger. Mais, argumentera-t-il, le gouvernement ne pouvait pas agir comme les mouvements armés. « Le gouvernement répond à des traités internationaux. Si le gouvernement a manqué de vision, il n’y aurait pas cet Accord. Le gouvernement a été honorable dans l’action à Alger  », a-t-il déclaré.

Des acteurs non signataires de l’Accord font planer le péril sur l’Accord 

Faisant un témoignage de l’insécurité qui règne au Nord, Sidi Ali Ould Bagna, président de la jeunesse du mouvement arabe, dira qu’il y a d’autres acteurs sur le terrain qui ne sont pas négligeables. Selon lui, ils ont reçu récemment la visite des éléments  d’Aqmi, venus à bord de 20 pick-up pour interrompre leur rencontre intercommunautaire dans la région de Tombouctou. « A dix kilomètres de Tombouctou, ceux  qui gèrent, ce sont ceux-là qui ne sont pas signataires de l’Accord .Ces enjeux ne sont pas négligeables, les populations sont frustrées », a-t-il révélé.

De son côté, Me Harouna Toureh de la plateforme a estimé que  l’accord est en péril. Parce que, dit-il, nous avons remarqué qu’il n’y a pas suffisamment de motivation, il n’y a pas suffisamment d’engagement global, bien pensé, bien réfléchi de la part du gouvernement du Mali à aller de façon claire et nette dans la mise en œuvre de cet Accord . « Nous avons eu beaucoup de discussion, très polies, très convenables avec les personnes en charge de cet accord.  La situation ressemble à celle des élèves qui partent à l’Ecole sans cahiers, sans bics s’asseyent et puis à la recréation, ils rentrent à la maison  sans attendre la fin du cours. C’est cette impression qui nous a été donnée », a-t-il déploré. Et de confirmer que les djihadistes  sont en train d’occuper le terrain. « Ils participent à des réunions publiques, ils font des déclarations publiques, ils se font filmer, et diffusent des images selon lesquelles ils sont contre le Mali, contre tous les alliés du Mali, la CMA et la plateforme. Tous les acteurs de l’accord sont considérés comme leurs ennemis. On ne peut pas sortir de la ville de Gao ni de Tombouctou sans escorte  ou passer un coup de fil sur l’issue du périple », a-t-il précisé. Parlant de l’Accord, il indiquera qu’il y a une étape décisive qui n’a pas été mise en œuvre. Il s’agit des mesures provisoires considérées comme des mesures de confiance  Partant, il a fait remarquer qu’une seule personne, un gouvernement ne peut pas sauver le Mali. «  C’est ensemble que nous pouvons sauver le Mali. Que la partie gouvernementale, la majorité, se rapproche de l’opposition, pour faire un travail pas seulement  de simple collaboration mais d’implication permanente de façon à ce que cet accord qui est une chance puisse voir le jour »,  a-t-il suggéré. Répondant à la question relative  à la violation de la constitution et le retour de l’Administration à Kidal, Mohamed Ould Mohamoud de la CMA, répond : « On ne renégocie pas l’accord, on cherche à le mettre en œuvre. Si on ne revenait pas à l’essentiel, on risque de perdre le peu qui a été construit et consolidé par nos aînés. La constitution n’est ni le Coran ni la Bible.          Lorsqu’elle ne s’adapte pas, on doit la changer pour le bien-être des populations  afin que les gens se sentent patriotes pour défendre la patrie ». Il fera savoir que  depuis le 20 juin, peu de choses ont été faites. Certes,  les acteurs se côtoient et parlent de plus en plus, ils essaient de faire des actions ensemble. Mais malheureusement, il n’y a  pas d’action qui suive. Les populations qui sont dans les camps des refugiés, les jeunes qui ont pris des armes pour revendiquer sont en train d’entendre. « Plus nous perdons le temps, plus nous donnons de l’espoir aux autres d’occuper les espaces. Si l’Etat doit revenir à Kidal, il y a des conditions que l’Etat doit remplir. Il y a des questions de sécurité, des questions économiques, politiques et institutionnelles. Il faut la conférence d’entente nationale, et l’installation des autorités de transition. Au nord, à Kidal, Tombouctou, Gao, Taoudenni et Ménaka, il n’y a pas d’autorité. Il faudrait voir comment est-ce qu’on peut mettre en place des autorités de la Transition, redéfinir les contours  de ce qui devrait être la sécurité , la politique et l’économie dans cette zone .Il ne faut pas voir le nord  seulement comme une zone où il faut redéployer mais comme une zone où il faut construire », a-t-il déclaré .

De son côté, Fahad Almahmoud du Gatia a indiqué que le problème du nord se résume à trois acteurs principaux ; ceux qui ont des revendications politico-identitaires, ceux qui se prononcent sous un agenda religieux , et  les narcotrafiquants. « Chacun de ces acteurs peut à lui seul être un facteur de déstabilisation  pour n’importe quel pays dans le monde. Ces trois acteurs se sont regroupés au nord en 2012, au moment où les autorités étaient beaucoup plus préoccupées par les élections, ne sachant pas ce qui se passait au nord », a-t-il affirmé .Partant, il fera savoir que depuis la signature de l’accord du 15 mai par la Plateforme, le  gouvernement et une partie de la CMA constituent toujours  un point de blocage qui fait qu’on n’arrive pas à appliquer l’article 10 du Comité de suivi de l’Accord.

Boubacar SIDIBE

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