Faculté de médecine et d’odontosmatologie : Le parcours difficile des pensionnaires
Se loger et se nourrir sont deux des principaux casse-têtes chinois des pensionnaires de la Faculté de médecine et d’odontostomatologie (Fmos) qui ont pourtant fait le choix de mieux apprendre à sauver des vies humaines. Reportage.

Créée en 1969, l’Ecole nationale de médecine et pharmacie (ENMP), transformée en Fmpos en 1996 puis scindée, donnant naissance à la Fmos en 2010-2011. Située dans le quartier Point G, la Faculté de médecine et d’odontostomatologie propose des formations en médecine générale, odontostomatologie (médecine dentaire), ainsi qu’en santé publique.
La Faculté de médecine et d’odontostomatologie est très connue en Afrique de l’Ouest. Cependant, ses étudiants sont confrontés à plusieurs difficultés (problème de logement, grèves, etc.).
Kadidiatou Sanogo est étudiante ici. Elle témoigne qu’ils sont des milliers d’étudiants à venir des quatre coins de Mali et d’autres pays d’Afrique, ce qui pose déjà un problème d’hébergement. "Les loyers sont exorbitants. Les chambres inesthétiques pour la plupart avec des toits faits de tôle ou plafond peu résistant à la pluie sans oublier la chaleur qu’il fait pendant la saison sèche, des toilettes ancestrales pour certaines, des douches étroites à usage groupés etc.", dit-elle.
Elle explique que leurs emplacements sont défavorables pour les étudiants mais font l’affaire pour les voleurs. "Nous sommes fréquemment victimes de vols". A l’en croire, bon nombre de pensionnaires ont quitté leurs domiciles familiaux sans problème pour vivre dans des conditions difficiles afin de poursuivre des études de médecines.
Pierre Ananias Diarra, étudiant en 5e année, verse son avis dans le dossier : "Les étudiants en médecine au Point G ont généralement comme première difficulté, le logement. Beaucoup viennent des régions pour réaliser leur rêve de devenir médecin vu qu’il n’y a pas de Fac de médecine dans les régions, et certains d’entre eux n’ont pas de parents en ville. Ils ont 2 options au départ. Postuler pour avoir accès à l’internat où le logement est gratuit ou louer une chambre au village. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir accès à l’internat. Il y a des catégories de personnes qui sont favorisées comme les orphelins par exemple. Les étudiants qui n’arrivent pas à avoir accès à l’internat sont donc obligés de louer des chambres et c’est là que beaucoup ont des difficultés. Les chambres commencent à partir de 10 000 F CFA/mois (chambre unique pour maximum 2 personnes). Les chambres avec douche intérieure commencent généralement à partir de 30 000 F CFA. Beaucoup n’arrivent pas à louer ces chambres à cause des prix. Ils se rabattent donc souvent sur les chambres de maximum 2 personnes pour 4 personnes par exemple pour pouvoir diviser par 4 le loyer à payer", dit-il.
L’autre équation s’appelle la cuisine. Selon Kadidiatou Sanogo, une pensionnaire, il faut savoir préparer un repas pour tirer son épingle du jeu en consacrant une bonne part de son emploi du temps à l’apprentissage. "Acheter dehors est pénible. L’hygiène n’y est pas. De saveur ? N’en parlons même pas ! Les étudiants sont obligés de fermer les yeux sur certaines choses pour survivre surtout pour ceux qui viennent de loin et qui ne peuvent pas aller en famille pour manger et revenir".
Pierre A. Diarra étaie les propos de sa camarade, confirmant qu’il est difficile de trouver au Point G de la nourriture de bonne qualité à un prix raisonnable. "Les restaurants qui proposent de la nourriture de qualité sont chers. Alors, beaucoup d’étudiants optent pour la quantité à prix raisonnable au détriment de la qualité. Inutile de s’épancher sur ce que cela pourrait provoquer à long terme".
Kadiatou Sanogo est formelle sur le vrai désordre. "Nous n’avons plus le même cycle que les autres universités. Les conditions dans les amphithéâtres sont catastrophiques (bancs cassés, des ventilateurs qui ne marchent pas, une sonorisation presque inaudible. Certains professeurs sont volubiles dans leurs cours et souvent ne remettent pas de support. L’étudiant devra s’aider autrement".
Aussi de nombreuses grèves sont-elles décrétées à la veille des examens. Au vu des doléances des professeurs, les étudiants ne peuvent que se rendent à l’évidence de leur légitimité tout en espérant une trêve.
Depuis la suppression de l’AEEM, les bourses et frais de stage ne sont plus payés régulièrement. "Pourtant, nous devons obligatoirement faire nos stages. Les gens n’a pas les mêmes conditions familiales et certains dépendent entièrement de ces sommes versées. Vous pouvez résider au Point G et vous retrouver à faire des stages à l’Hôpital du Mali. Imaginez cette distance chaque jour ? Au propre frais de l’étudiant ? C’est pénible.
Tant et si bien qu’un nombre incalculable d’étudiants font une dépression ou sont toujours en dépression. "Il faut vraiment un mental d’acier pour réussir à vivre dans ce milieu".
Concernant le nombre d’étudiants dans les amphithéâtres, à ce jour, il n’y a pas de problème à ce niveau grâce surtout à l’abolition du système du numerus clausus et à une sélection des néo bacheliers.
"Depuis que je suis inscrit à la Fac, chaque année les professeurs sont en grève pour plusieurs raisons. Et cela provoque un rallongement de l’année scolaire. Si au départ on doit faire 7 mois au total avec les grèves on se retrouve à faire 9 ou 10 mois, ça atteint parfois les 12 mois. La preuve nous venons de commencer l’année scolaire 2024-2025 que les autres viennent de terminer. Mais ce problème n’est pas isolé, c’est au niveau de toutes les universités publiques. Cela fatigue les étudiants, parce que plus l’année est rallongée plus il y a des dépenses à faire et souvent beaucoup se retrouvent à bout", confirme Pierre A. Diarra.
Un problème d’adaptation s’ajoute aux problèmes des étudiants. Selon Kadidiatou Sanogo, il y a surtout le problème d’adaptation. "La vie au Point G n’est pas souvent aisée. Et l’adaptation devient difficile pour beaucoup qui tombent malades au début. Aussi au niveau des cours, certains professeurs sont rapides dans leurs explications, ce qui n’est pas trop évident pour des nouveaux qui étaient habitués à aller à leur rythme". Elle fait également partie des étudiants qui ont vécu le numerus clausus. "Ce n’était pas facile, mais cela reste une très belle expérience, je l’ai obtenu au premier essai par la grâce de Dieu".
Le numerus clausus n’est plus d’actualité qu’est-ce que les étudiants pensent du nouveau système de sélection à travers les moyennes obtenues au baccalauréat. Selon des sources, c’est un système qui ne plaît pas à tous les étudiants.
"Certains peuvent avoir la chance d’avoir de bonnes moyennes et ne pas avoir le vrai niveau tout comme d’autres n’ont pas eu cette chance mais ont véritablement le niveau pour faire la médecine et tout ça était facilement détectable avec le numerus clausus, il suffit d’avoir quelques discussions avec les quelques étudiants qui ont bénéficié de ce système pour comprendre que beaucoup n’ont pas un bon niveau. Et certains mêmes n’ayant pas les moyens financiers pour faire une médecine privée, voyaient leur rêve s’envoler. Dommage", assure Kadiatou Sanogo.
Avec la dissolution de l'AEEM, il n’y aucune instance revendicatrice au sein de la Faculté pour la défense des droits des étudiants. Cependant, on compte sur le campus des associations ou groupements estudiantins qui ont pour rôle de faciliter la vie des étudiants, de l’adaptation à l’évolution, qui leur offre un cadre familial et d’apprentissage. Ces groupements sont nombreux et les étudiants ont la chance de les avoir.
Mariam Djiré
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